La défaite oui, mais quelle défaite?
François Baroin était de passage ce lundi de Pentecôte en Franche-Comté. En Haute-Saône le matin, il devait finir l’après-midi du côté de Belfort, après un passage à Besançon. C’est dans une brasserie de la Cité natale de Victor Hugo qu’il avait rendez-vous avec les cinq candidats LR du Doubs, ainsi qu’avec quelques dizaines de militants et la presse.
Etrange chef de file que le sénateur-maire de Troyes. En six mois, il a été successivement le Premier ministre putatif de Nicolas Sarkozy, de François Fillon ainsi que du nouveau président Macron, si les Français venaient à donner une majorité à la coalition LR-UDI. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la perspective du ticket avec Baroin n’a pas déchaîné les foules derrière celui qui y était à chaque fois associé. L’homme est apprécié, certes. Mais le voit-on véritablement en leader ? A part Nicolas Sarkozy qui semble voir en lui son successeur ou à tout le moins un homme capable de tenir la maison en ordre, en attendant une éventuelle et énième tentative de retour en grâce.
Retarder la scission
Lorsqu’il s’exprime dans la brasserie Granvelle en tout cas, on n’a pas vraiment l’impression que François Baroin se voit à Matignon dans quinze jours. Certes, il met en garde contre les projets du nouveau président, notamment en matière fiscale. Certes, il montre qu’il a intégré les diagnostics de Christophe Guilluy sur le clivage entre France des métropoles et France périphérique. Certes, il donne des éléments du projet de droite revisité. Mais il ne prononce jamais le mot cohabitation. Et pour tout dire, on a franchement le sentiment que le chef de file a déjà intégré la défaite. Qu’il cherche à la fois à ce qu’elle ne soit pas trop lourde, mais qu’elle garantisse néanmoins une majorité absolue au nouveau président. Car une majorité relative ne serait-elle pas plus sûrement annonciatrice d’une scission au sein de Républicains ? Ne provoquerait-elle pas dès le vote de confiance la formation d’un groupe à base de juppéistes souhaitant saisir la main tendue d’Emmanuel Macron ? Il semble bien que l’atout principal de François Baroin soit aujourd’hui d’être le plus consensuel, celui capable d’éviter l’éclatement de la famille. Quand on lui demande s’il peut nous garantir qu’une partie des prochains élus LR ne formeront pas un groupe qui intégrerait la majorité parlementaire dès le vote de confiance au gouvernement d’Edouard Philippe, il est formel : « Phénomène minoritaire. Ce sont sept ou huit personnes ».
En attendant, ce n’est pas un hasard si la question de la CSG est centrale dans le propos de François Baroin. Dimanche prochain, la participation devrait être faible. Les Français semblent las de politique. Les sondages, qui donnent une majorité écrasante à LREM, pourraient alors être démentis si on tient compte du poids des retraités et des fonctionnaires, particulièrement concernés par l’augmentation de la CSG, dans un corps électoral limité à 55% de participation. Le pari de François Baroin pourrait alors être gagné : laisser une courte majorité absolue à Macron tout en sauvant les meubles LR avec deux centaines de députés. Et empêcher la scission.
Mon député LR sera-t-il vraiment dans l’opposition?
Reste que d’autres obstacles se dressent sur son passage. L’attitude à tenir entre les deux tours du scrutin, alors qu’il prône le front républicain et que l’aile droite sarkozyste qui l’a fait roi préfère le ni-ni. Mais surtout le fait que dans de nombreuses circonscriptions, l’électorat de droite peut être démobilisé par l’incertitude suivante : ce candidat LR sera-t-il bien dans l’opposition ou votera-t-il la confiance à Edouard Philippe dans quelques jours ? François Baroin fait comme si ces questions n’existaient pas et on le comprend. Pragmatique et consensuel, il joue en défense car c’est la moins mauvaise des tactiques. De son point de vue, on ne peut pas vraiment lui donner tort. Mais en admettant que les événements lui permettent de réussir son pari, n’est-ce pas reculer l’échéance ? Il faudra bien un jour qu’un congrès se réunisse et tranche tous les débats idéologiques qui traversent ce parti. Dans cette future bataille, y aura-t-il une place pour le consensuel Baroin ? Rien n’est moins certain.