Mercier n'aime pas les petits pieds

J’ai découvert la semaine dernière une émission sur la chaîne Direct8 présentée par Philippe Labro et qui s’intitule « Langue de bois s’abstenir »[1. Chaque lundi à 23h30.]. Le principe : quatre chroniqueurs refont l’actu de la semaine. Pour résumer, il s’agit d’une sorte de « On refait le Monde »[2. Emission de RTL, du lundi au vendredi créée et animée par Ch. Hondelatte.] hebdomadaire et télévisé. D’ailleurs, on retrouve quelques participants en commun pour les deux émissions : Yves Thréard, Anne-Sophie Mercier, Valérie Lecasble et la taulière de Causeur, Elisabeth Lévy.

Donc, hier soir, j’étais à nouveau devant mon poste. Point de rédactrice en chef de Causeur mais Lecasble, Bénichou (Bande à Ruquier), Béglé (Fig-mag) et la fameuse Anne-Sophie de Charlie-Hebdo, qui allait provoquer mon agacement et, in fine, ce billet d’humeur.

On est au début de l’émission lorsque Philippe Labro demande à ses chroniqueurs d’exprimer leur ressenti sur la catastrophe aérienne qui a vu le président polonais Lech Kaczynski et une partie de l’élite militaire et administrative de Varsovie trouver la mort samedi dernier. De langue de bois, Anne-Sophie Mercier n’utilisera pas, effectivement. Elle n’aimait pas le président polonais, et elle le dit sans ambages. Tout cela ne lui arrache pas les larmes. Dans « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », Jean Yanne moque le concert consensuel qui entoure la mort des personnalités, et l’hypocrisie obligée de ceux qui détestaient le défunt. Pas de malentendu, je ne reproche pas à Mercier, ni à Bénichou qui était du même avis, d’exprimer sa distance avec les idées de Lech Kaczynski. Elle a même tout à fait le droit de réagir comme s’il s’agissait de la mort de Kim Jong Il ou de Silvio Berlusconi[3. Celle du second étant largement préférable que celle du premier. Au moins, il ne court pas sans cesse le jupon et, donc, respecte les femmes.] même si cela peut paraître un tantinet ridicule.

En revanche, quand elle poursuit en minimisant les conséquences de cette catastrophe pour la Pologne et ses citoyens, et quand elle entre dans les détails des raisons qui lui font mépriser le président polonais, cela devient absolument consternant. Si Mme Mercier n’aimait pas Kaczynski, c’est parce qu’il n’était « pas très européen », qu’il était « contre l’avortement » et qu’il s’agissait d’un « souverainiste aux petits pieds ». Quel salaud, quand on y pense ! Un catho pratiquant opposé à l’avortement en Pologne, c’est vrai que c’est absolument original. Qu’une bombe tombe par erreur sur la cathédrale de Cracovie un dimanche à onze heures, tuant quelques milliers de participants à la messe, que cela ne tirera sûrement pas des larmes à notre chroniqueuse : rien que des intégristes cathos, ennemis de la cause des femmes. Pas grave.

Ce qui l’est, en revanche, pour Anne- Sophie Mercier, c’est de ne pas être europhile, ni même euro-enthousiaste. Lorsqu’on fait état de tels sentiments forcément nationalistes, nous voilà affublés du qualificatif peu glorieux de « souverainiste aux petits pieds ». Je ne connais pas précisément la pointure de feu le président de Pologne, mais on peut imaginer, avec sa petite taille, qu’il ne devait pas, effectivement, dépasser le 42 fillette. Quel salaud, quand on y pense. Trêve de plaisanterie. Je n’ignore point le second degré qui est attaché à l’expression « petits pieds » et qui fait référence au charisme. Mais un salaud de souverainiste peut-il dégager du charisme, à part peut-être Jean-Marie Le Pen ?

Lorsque Mme Mercier donnait sa liste de griefs envers le pauvre président Lech, j’ai cru qu’elle allait ajouter, dans son élan, que ce dernier mangeait aussi des enfants. On imagine la scène :

Jean-Marie Le Pen est aux fourneaux, ses convives, souverainistes aux petits pieds, intégristes cathos ripaillent de bonne humeur. Il y a là la fifille Marine, mais aussi Philippe de Villiers, Christine Boutin, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Pierre Chevènement. On peut même y reconnaître Mélenchon qui ose aujourd’hui le mot « souveraineté » et qui engueule des journalistes, marque supplémentaire du salaud intégral. Ont été aussi invités, quelques spécimens étrangers[4. Ces gens là, pour ne pas passer pour nationalistes, invitent des étrangers à leur agapes. Quel machiavélisme !] : Declan Ganley, l’Irlandais, l’Anglais Nigel Farage et Vaclav Klaus, le président tchèque, dont on se demande pourquoi il ne monte jamais dans un Tupolev. En revanche, Gianfranco Fini a été refoulé à l’entrée. Trop europhile désormais. Tous ces commensaux mangent donc de bon appétit une cargaison d’enfants, préparés à l’étouffée par le chef cuistot Jean-Marie. Bien évidemment, ces salauds mangent avec leurs doigts.

J’exagère ? A peine… Mais au fait, est-ce vraiment européen, et politiquement correct, de parler ainsi du Président d’un peuple membre des 27 pays de la Sainte-Union-Européenne ? Pas très fraternel, trouvé-je ! Cela fait-il d’Anne-Sophie Mercier une europhile, et défenseure des droits de la femme, aux petits ou aux grands pieds ?