Ainsi, ceux qui déclarent que l’Indépendance nationale est mise en cause par notre retour dans le commandement intégré de l’OTAN sont des menteurs. « Mensonges éhontés », vitupérait le Président de la République mercredi dernier.

Techniquement, cette assertion pourrait se vérifier. L’Allemagne a refusé la Guerre d’Irak comme la France et alors qu’elle est membre du commandement intégré. Mais Nicolas Sarkozy et la plupart de ses relais font semblant de ne pas voir autre chose que la technique. Car il y a aussi la Politique. Et en faisant de la Politique, on est bien obligé d’examiner tous les paramètres. Et de constater notamment que si l’Allemagne n’a pas été contrainte d’envoyer des troupes en Irak en 2003, le statut de la France ne l’a pas empêchée de participer à la Guerre du Golfe en 1991, ni à celle du Kosovo en 1999 [1. A laquelle j’étais opposé, mais c’est une autre histoire ]. D’ailleurs, certains partisans du retour dans le commandement intégré n’hésitent pas à dire que cette évolution ne change rien. Tiens donc ! Et si cela ne change rien, pourquoi diable y retournons nous ?

Cette décision de Nicolas Sarkozy est donc éminemment politique, idéologique même. Certains défenseurs de l’initiative présidentielle l’assument parfaitement. Pourquoi donc le Président n’en fait-il pas autant ? Pourquoi n’assume t-il pas son atlantisme ? Ce n’est pas un gros mot, atlantisme. Je connais d’ailleurs de très sympathiques atlantistes. Je ne suis pas d’accord avec eux. C’est tout. Cela n’empêche pas une bonne bouffe. Pourquoi alors cette prudente réserve ? Pourquoi même justifier cette décision avec l’aide du champ sémantique de ses adversaires ? Parce que Nicolas Sarkozy fait de la Politique justement, au sens du « Prince » de Machiavel. Alors, permettons nous d’en faire aussi.

Une décision ne peut pas être jugée indépendamment du parcours politique de celui qui la prend. Et si on observe attentivement le parcours, les déclarations de Nicolas Sarkozy, on peut noter qu’il a toujours connu un penchant atlantiste, qu’il a toujours moqué « la nostalgie gaullienne » [2. La volonté de ne pas vouloir la France subordonnée ne date pas du Général : Philippe-Auguste qui se voulait « empereur en son royaume », Philippe le Bel qui envoya Nogaret souffleter le Pape Boniface VIII et François Ier qui fit alliance avec Soliman le Magnifique défendaient eux aussi cette vision ], à l’exception de la campagne présidentielle de 2007. Pendant cette courte période, durant laquelle les Français devaient se forger une opinion pour élire leur Président -excusez du peu-, on l’a même entendu dire que nos troupes en Afghanistan devraient être rapidement retirées. Pas question de retour dans le commandement intégré, pendant la campagne électorale. Trop dangereux. Comme disait Guaino : en France, on ne peut se faire élire en étant libéral, atlantiste et communautariste. Pourtant, il  est arrivé à Nicolas Sarkozy de tomber le masque : on aurait quand même pu s’en souvenir. Alors qu’il représentait la France à la commémoration des attentats du 11 septembre 2006 à New-York, il dénonçait l’arrogance de la France dans ses relations avec les Etats-Unis. Cette phrase aurait dû lui valoir l’éjection du gouvernement. C’était sans compter la faiblesse et l’usure de Jacques Chirac. Remontons encore plus loin dans le temps et observons l’attitude du ministre de l’Intérieur Sarkozy pendant la crise diplomatique de 2003, crise au plus fort de laquelle Dominique de Villepin fit son discours à l’ONU et où la France menaça de mettre son veto. Nicolas Sarkozy observa un silence qui ne lui était pas habituel [3. C’était l’époque où, déjà, son activisme lui permettait de « résoudre » la crise lycéenne au grand désarroi de Luc Ferry ]. Dire qu’il était favorable à l’envoi de nos troupes en Irak serait sans doute trop aventureux. Monsieur nous a traité de menteurs mercredi, soyons donc humbles et ne provoquons pas de procès d’intention. En revanche, il a bien prononcé la phrase suivante [4. Encore lors de son déplacement le 11 septembre 2006 à New-York, où il fut décidément très bavard. ]: »La menace de l’utilisation de notre droit de veto était inutile ». Et c’est d’ailleurs ce que claironnait Pierre Lellouche, très proche du ministre de l’Intérieur en 2003, sur tous les plateaux de télévision. Pierre Lellouche, lui, ne faisait pas mystère de son soutien à l’opération américaine en Irak. C’était aussi le cas de Bernard Kouchner lequel devint, plus logiquement qu’on ne l’a cru, ministre des affaires étrangères en mai 2007 [5. On a souvent dit que Sarkozy avait hésité entre Kouchner et Védrine pour ce poste. Rien n’est plus faux. C’est la Chancellerie qui a été proposée à Védrine. ].

On peut se permettre deux conseils à Nicolas Sarkozy. Qu’il assume son atlantisme. Qu’il assume sa dilection pour toutes les strutures intégrées bruxelloises. On y verra davantage clair. Et la clarté ne nuit pas au débat démocratique. Et surtout qu’il renonce à sa décision. Car on peut très bien vivre son atlantisme en dehors du commandement intégré ! La preuve : il le fait lui-même depuis dix-huit mois. Le statut-quo, très souple -dans l’alliance mais pas dans le C.I -, a permis à 6 présidents de mener des actions diplomatiques qui n’allaient pas toujours dans le même sens. Ainsi, alors même que le gouvernement comptait des ministres communistes, François Mitterrand prononça le discours du Bundestag en 1983 lors de la crise des euromissiles. Plus tard, il se rangea, au grand désespoir de son ministre de la Défense, derrière l’Amérique de George Bush Senior dans le Golfe. Cela ne l’a pas empêché de refuser le projet de « Guerre des étoiles » de Ronald Reagan ni de continuer peu ou prou la politique de ses prédécesseurs au Proche-orient. Jacques Chirac, quant à lui, refusa la guerre d’Irak mais tomba d’accord avec les Etats-Unis sur les Balkans.

C’est peine perdue. Nicolas Sarkozy ne suivra pas ces conseils : il procède avec la diplomatie de la France comme avec les institutions. Il souhaite inscrire sa propre pratique dans les textes. Il est là, le péché le plus grave du sarkozysme.

7 commentaires

  1. Merci Gil !
    Néanmoins, je vous trouve perfide. Quelle plus belle manière de me faire comprendre que vous ne partagez pas le contenu du papier !
    🙂

  2. Mais pourquoi Sarkozy devrait-il assumer son atlantisme alors que ce terme a une connotation péjorative pour les français? N’oubliez pas que pour le pouvoir, seul l’image et les sondages comptent. Si notre président est incapable d’utiliser le mot « antlantisme », c’est parce qu’il refuse l’impopularité. D’ailleurs, on constate que Sarkozy a attendu l’arrivée au pouvoir d’Obama pour lancer le processus de retour dans le commandement imtegré. Il est plus facile de faire accepter aux français un rapprochement avec l’Amérique moderne et décomplexée d’Obama qu’avec l’administration Bush.

  3. D’où sort votre note 5 ?
    J’ai entendu sur plusieurs plateaux de télé Védrine dire qu’il avait refusé le ministère des Affaires étrangères car celui que lui proposait Sarkozy ne possédait pas à son avis les moyens de mener une bonne politique étrangère.

  4. Ah ! C’est que nous ne disposons pas des mêmes infos.
    Cela dit, si Sarkozy a proposé à Védrine de mener à bien le projet actuel, il n’est pas étonnant que l’autre l’ait envoyé balader ; et qu’il lui ait alors proposé Place Vendôme.

  5. Un article du Traité de Lisbonne :

    « La politique de l’Union au sens de la présente section n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre. »

    Traité sur l’Union européenne, Titre V, Chapitre 2, Section 2, Article 42.

    Bayrou a voté OUI au coup d’Etat du 4 février 2008 à Versailles. Bayrou est un traître.

    http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2007-2008/99020416.asp

  6. Un doute me taraude.
    Apparemment, Sarko a pondu un discours où il désignait l’Islam comme ennemi principal. En 2007, me semble-t’il.
    Aujourd’hui arrimage officiel aux USA, « Nous sommes de la même famille ». La politique étrangère des Etats-Unis se spécialise dans le tabassage des Arabes.
    L’intégration à l’OTAN est donc encore une agression supplémentaire vis-à-vis des Maghrébins de France et des Français d’origine maghrébine.
    Se met en place quasiment une politique officielle de rejet des Français d’origine maghrébine.
    Cela, sur fond de montée de la pauvreté me paraît être d’un énorme danger pour notre société.

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