Pour défendre le vote par machines électroniques dans sa commune, Monsieur André Santini, grand plaisantin devant l’Eternel, a cru bon de dépeindre les opposants à ce système en Amishs, ces communautés chrétiennes rétives à la société moderne. Ce système électronique a posé des problèmes partout où il a été mis en place mais je préfère ici me placer sur un autre terrain : celui de la modernité en tant que telle et de son éventuelle supériorité en tout point.
Il est en effet des domaines où les Hommes continuent à vivre comme il y a des milliers d’années et c’est heureux. Ce bon vivant qu’est Monsieur Santini serait-il donc favorable à ces fameux comprimés diététiques qu’on nous promettait et qui sont tout à fait possible de produire puis de commercialiser ? Ces pilules posséderaient le bon dosage de protéines, de glucides, lipides, de vitamines de toutes lettres de notre alphabet. Formidable, la modernité ! Tous en bonne santé ! Plus de temps à perdre dans des repas interminables ! Plus de plaisir pour nos papilles, plus de plaisir de se retrouver ensemble : ce n’est guère en phase avec la modernité, laquelle est forcément synonyme d’efficacité. Plaisir. Ensemble. Les mots sont lâchés. Et ils me permettent d’aller encore plus loin dans la comparaison. Lorsque la fécondation in vitro aura dépassé en efficacité la méthode naturelle de procréer, Monsieur Santini nous interdira t’il de faire l’amour au nom de la sacro-sainte modernité ? En plus, cela nous permettra de choisir le sexe de l’enfant, la couleur de ses yeux, de ses cheveux et d’éliminer tous les défauts éventuels, physiques ou intellectuels…. C’est beau le Progrès ! Il ne faut pas l’arrêter, sinon vous êtes un Amish ! Faire l’amour ne sert pas qu’à procréer ? Mais nous n’y pensez pas ! C’est une perte de temps. Et puis, il y a des moyens modernes de satisfaire soi-même ses sens : poupées gonflables qui disent toujours oui à tout, vibromasseurs trouvant le point G à tous les coups…. Vous persistez à faire cela à deux sous la couette ? Bande d’Amishs !
Le vote, comme le repas, comme faire l’amour, n’est pas qu’un geste technique. C’est un rite, une communion, c’est le plaisir de faire des gestes essentiels ensemble. Et bien des philosophes plus dignes de confiance que Monsieur Santini voient dans la disparition de rites, notamment de passage, la crise de nos sociétés occidentales, la progression de la solitude, le développement des dépressions nerveuses, la multiplication des suicides.
Alors les Amishs vous saluent, Monsieur Big Brother Santini !