L’idée d’organiser des primaires à l’américaine pour sélectionner un candidat dont on ne sait pas encore s’il représentera seulement les socialistes ou un ensemble plus vaste aux contours incertains semble bien faire son chemin. Accompagnée par Libération, pour qui tout ce qui singe la gauche américaine est marqué par un sceau sexy, relayé dans les autres médias, débattu à la radio et à la télé, cette idée, pourtant, est une idée idiote et dangereuse.

Idiote parce que, d’abord, nous ne sommes pas des Américains. D’ailleurs, l’expérience de la gauche italienne, elle aussi ensorcelée par le modèle étatsunien, ne devrait pas encourager la nôtre. En 2006, cela aboutit à sélectionner Romano Prodi, le Bayrou de la Botte, qui remporta l’élection. Bonjour la Gauche ! Et la dernière fois, cela s’est terminé par le retour de Berlusconi.

Idiote, aussi, parce que, lorsque Charles Pasqua lança l’idée en 1993 pour éviter un nouveau duel Chirac-VGE, il pensait davantage à lui-même. Tout le monde faisait semblant d’approuver parce que personne ne voulait apparaître comme un briseur d’union mais en fait, tout le monde s’en fichait et savait que, dès qu’on passerait au détail, le projet exploserait en vol. De ce fait, il n’y eut pas de primaires, et un duel qui opposa Chirac à ….Balladur, finalement soutenu par Charles Pasqua.

Idiote, enfin, parce qu’il existe déjà un système de primaires. Cela s’appelle exactement « Premier tour de l’élection présidentielle ». Rappelons en effet que les Américains ont un scrutin à un tour seulement. Les primaires américaines ainsi que le bipartisme de son système politique sont nés de cette situation. C’est là que de l’idiotie, on passe allègrement à la dangerosité.

Car en effet, si on organise des primaires dans un bloc, puis dans le second qui pourrait suivre en 2017 pour règler la guerre de succession sarkozienne, les apprenti-sorciers comme Jean-Pierre Raffarin qui proposent l’adoption du scrutin majoritaire à un tour pourraient sauter de joie. Il s’agirait, ni plus ni moins, d’une privatisation du premier tour des élections[1. Car, dans ce cas, on voit mal comment l’élection présidentielle demeurerait la seule concernée par cette évolution]. On délèguerait aux partis politiques, en tous cas aux deux principaux, le soin de sélectionner des candidats qui s’affronteraient dans un tour unique.

Evidemment, ces primaires mobiliseraient beaucoup moins les électeurs qu’un premier tour d’élection présidentielle. Elles donneraient davantage encore la prime aux candidats pouvant lever du pognon, comme Obama[2. Après Valls, le Catalan, qui se voyait en Obama français promu par un tel système, on nous apprend que c’est au tour de Christiane Taubira de rêver à son tour] a su le faire. Le bipartisme remplacerait le multipartisme bipolarisé. Cette évolution serait catastrophique car contraire à la culture politique française.

Il faut donc espérer que rien ne sortira de tout cela et que cette idée folle et dangereuse ne verra pas le début d’une application. Pour la France. Et pour la Gauche, aussi. Celle-ci gagnerait davantage à hâter sa recomposition, aussitôt après son échec programmé aux prochaines régionales. Marchant sur deux pieds, l’un allant du MoDem à l’écologie en passant par les sociaux-démocrates et l’autre englobant Front de Gauche, Hamonistes et Chevènementistes, elle pourrait avoir deux candidats ratissant large présageant un rassemblement au second tour. C’est la seule manière pour elle de faire tomber Nicolas Sarkozy.

12 commentaires

  1. Je partage totalement l’avis de David : avec des « primaires à la française », on est dans l’idiotie dangereuse. A terme c’est le le déni de politique avec comme le dit Desgouilles une logique de « privatisation du premier tour » de toutes les élections. Si la gauche fait sa primaire, c’est en réalité prière qu’il faut entendre…

  2. Vous avez parfaitement raison David. Mais on voit mal , compte tenu des pressions au sein du P. S., comment Aubry pourra éviter les primaires même si elle n’y est pas favorable. Et pourtant, vu l’état du parti, compte tenu de la cacophonie qui y règne et des différents courants qui s’y opposent, il est évident qu’un candidat issu desdites primaires ne fera jamais l’unanimité.

    Quant à une candidature qui rassemblerait aussi large que vous l’espérez, j’ai du mal à y croire ou elle ne serait basée que sur l’anti Sarkosysme (dont on sait grâce à Bayrou que ça n’est pas si payant qu’on aurait pu le croire).

  3. De toute manière, je peux te dire camarade gaulliste auldescoule que je ne me vois pas, ni moi, ni le PCF pour parler de ce que je connais, voter pour DSK sous prétexte qu’il aurait été désigné candidat unique de la gauche avec les voix à un euro de mon voisin social liberal.

  4. Bien sûr que c’est une idiotie dangereuse pour la gauche, mais comme le laisse très bien entendre le titre, les socialistes sont très loin de faire preuve d’intelligence en ce moment. Et n’en déplaise à Jérôme Leroy, tant que la gauche fera preuve d’aussi peu de bon sens, la droite sera sans aucun doute la moins pire des solutions…

    Quant à trouver un(e) candidat(e) qui rassemble sous sa bannière, on voit ce que cela donne avec le facteur à gueule d’ange, qui, depuis qu’il parle de rassemblement, ou de front uni anticapitaliste ou je ne sais plus, n’a jamais autant divisé ce qu’il y a à gauche du PS.

    Sans même parler de l’élection de Martine Aubry à la tête du PS, qui continuera longtemps à faire rire aux larmes tous ceux qui profitent de l’affaiblissement du PS… et ils sont nombreux à vouloir en faire partie.

  5. Les primaires sont pour le Parti Socialiste des soins palliatifs,et comment voulez-vous qu’il s’en sorte quand il ressent tant de haine au sein de sa famille.

    Je pense que beaucoup de socialistes ne sont pas favorables aux primaires, mais à partir du moment où les médias en ont décidés ainsi, les socialistes s’inclinent car c’est un fait inéluctable comme d’autres (l’Europe libérale, la mondialisation…).

    Je suis déçu que le leader de mon courant, B.HAMON s’y soit rallié. Au contraire, P.QUILES et P.CHERKI (proche d’EMMANUELLI) ont dit non.

  6. Lejeun
    Plutôt que les médias, ce ne serait pas plutôt V. PEILLON qui pousse à la roue sur ce coup là et qui met Aubry quasiment devant le fait accompli ?
    Et tiens, puisque vous êtes directement concerné, en toute sincérité, en tant que socialiste, soutiendrez vous n’importe quel candidat issu des fameuses primaires même s’il est à l’opposé du courant Hamon ? (ce qui a toutes les chances d’arriver au cas où elles aient lieu)

  7. catarichka,

    V.PEILLON est un âne qui s’est fait régulièrement battre aux législatives dans la Somme dans un coin qui semblait plutôt populaire (cf: la guerre des classes de F.RUFFIN).

    La photo de Libération m’a autant touché que l’affiche annonçant la tournée des chanteurs, un peu démodé, des années 80. Si AUBRY plie devant PEILLON, pas étonnant qu’elle n’est pas pu tuer le père.

    Pour moi au delà de savoir qui sera le candidat, ce sont les idées.

    Si la candidat issu de ce barnum défend un programme socialiste, je ferai sa campagne.

    De part ma personnalité, il m’est impossible d’aller faire campagne pour un candidat dont je ne partage les idées.

    Je n’irai pas tracter, convaincre… et votrais en mon âme et conscience, ce que j’ai toujours fait.

  8. si dd avait la bonté de m’expliquer en quoi il est nécéssaire de faire tomber sarkozy……………
    plutot moins pire que ce qu’on pensait
    pour le reste…………..
    parions que le ps saura trouver d’autre motif de se déchirer et saura (non pas carlos ) promouvoir l’immobilisme de ses clients au détriment des catégories sociales traditionellement « de gauche » (sinon par affinité du moins par nécéssité puisqu’il est nécéssaire d’être de gauche lorsqu’on est défavorisé )

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