La réorganisation en cours à l’UMP prolonge un bien curieux phénomène. On y trouve un secrétaire général, des secrétaires généraux-adjoints, des porte-parole. Jusque là, tout est normal. Mais on y trouve aussi des vice-présidents alors même qu’il n’y a pas de président.
Drôle d’organisation[1. Au Conseil d’Etat, il est aussi de tradition que le Premier ministre soit président laissant au vice-président le soin de diriger cette noble institution. Rien de commun avec l’UMP.] ! Comment ne pas voir dans celle-ci le message que le président de l’UMP, c’est le président de la République lui-même ? D’ailleurs ce dernier ne se gêne pas pour intervenir et, n’en doutons pas, présider les conseils nationaux et les bureaux politiques de l’UMP.
Que le président de tous les Français soit aussi un chef de parti ne choque pas ou peu. Il paraît que c’est normal et qu’il s’agit d’une pratique moins hypocrite que celle de Giscard, Mitterrand et Chirac. Ben voyons ! Si on passe sur le fait que la transparence à tout prix n’est pas forcément le gage d’une société plus harmonieuse, on peut d’ores et déjà constater que les trois prédécesseurs de Nicolas Sarkozy[2. Et on peut même ajouter Georges Pompidou et le Général de Gaulle dont les cabinets avaient bien du mal à « tenir » les barons du gaullisme.] n’ont pas toujours eu la main complète sur le parti du président.
Jacques Chirac a dû cohabiter avec des Présidents de Parti qui n’étaient pas forcément ceux qu’il souhaitait : Philippe Séguin et… Nicolas Sarkozy. François Mitterrand contrôlait tellement peu le PS à partir de 1990 qu’il dût susciter la liste Tapie contre le Premier secrétaire Rocard aux européennes de 1994. Et on imagine que le PS dirigé par Jospin n’était pas forcément godillot. Reste Giscard. Entre 1974 et 1978, le parti majoritaire est gaulliste[3. L’UDR de 1974 à 1976, le RPR ensuite.], dans la main de Jacques Chirac[4. Et encore ! Pas dans l’immédiat.], son Premier ministre, qui lui devient hostile à partir de 1976. C’est seulement en 1978 que Giscard d’Estaing crée un parti du président totalement dévoué à son action et présidé par Jean Lecanuet dont le charisme laissait penser que le président de la République dirigerait tout[5. L’UDF.]. On peut donc accorder à Nicolas Sarkozy la seule période giscardienne de 1978 à 1981 comme précédent à son action. Déjà, on observe qu’il n’a rien inventé. VGE l’avait aussi précédé dans la désacralisation du pouvoir[6. Giscard appelait ça la décrispation.]. On note ensuite que cette expérience ne s’est pas forcément bien terminée pour l’hôte de l’Elysée. Et enfin, on s’aperçoit que l’argument décisif employé pour soutenir une rupture sarkozyenne, en l’occurrence la moindre hypocrisie, tombe à l’eau, comme d’habitude.
Avec malheureusement, l’approbation presque unanime des éditorialistes de la place de Paris.
Bien qu’un peu dérisoire, ceci aidera à méditer l’idée bien connue qu’un bon président passe d’abord par le vice.
Pourquoi le fait que Sarkozy contrôle le parti de la majorité constitue-t-il un problème de principe? Ses trois prédécesseurs, s’ils n’y sont pas arrivés ce n’est faute de vouloir ou essayer.
Je crois qu’il y a derrière cette question un point très sensible de la culture politique française : l’intérêt général ne peut pas s’appuyer sur un parti politique. le problème est que, le cas de Gaulle étant une exception, dans une démocratie, l’intérêt général est ce que la majorité définit comme tel. le chef de l’Etat peut en même temps être le chef de la majorité sans que cela diminue sa légitimité. il faut faire comme Audrey Hepburn dans laPetit Dejeuner chez Tiffany : appeler un chat un chat.
Vous y êtes, Gil. Mais pas seulement.
C’est effectivement un point sensible de la culture politique française. Le Chef de l’Etat est élu directement au suffrage du Peuple. Il n’a jamais été un problème que le Président du parti majoritaire soit le titulaire de Matignon car c’est la logique « anglaise » du régime parlementaire, le Premier ministre étant le chef de la majorité parlementaire. Mais un Président élu directement par le Peuple est issu d’une autre légitimité. Laquelle doit lui faire prendre de la hauteur. D’ailleurs, dans l’autre pays où le Président est élu par le Peuple (même si c’est par le biais du système des grands électeurs), les Etats-Unis, le Président n’a pas la main sur le Parti majoritaire. Encore moins que chez nous. C’est donc un point sensible de la culture française mais aussi une conséquence logique de l’élection du Président au suffrage universel direct. Mais je reconnais bien volontiers que nos institutions ont été triturées bien avant Sarkozy, par la loi sur le quinquennat notamment. Ce n’est pas une raison pour pousser le raisonnement à l’absurde. Car à vouloir tout contrôler, il finira pas ne plus rien contrôler du tout.
Le président américain n’est pas un chef de parti mais il n’hésite pas à faire campagne pour un candidat au congres ou au sénat. aux Etats-Unis rester républicain ou démocrate à la maison blanche n’est pas gênant. J’ai le sentiment qu’en France la politique est considérée comme quelque chose de sale tandis que le politique est une chose sublime. le problème est le passage de l’un à l’autre… on sait comment les enfants viennent au monde et il faut que ce soit aussi clair comment l’intérêt général est né…
Sarkozy a ce « don » qui consiste à exaspérer les choses et cela rend difficile un débat sur le fond. sur la question de principe, est-il exclu que quelqu’un soit le chef de l’UMP ou du PS et en même temps avoir cette hauteur, ce mélange de « dignitas » et de « majestas » ?
Ce n’est pas exclu, j’en conviens. Je reconnais qu’Alain Juppé, premier ministre et président du RPR avait une hauteur et avait le souci de l’intérêt général. Mais le Président de la République est élu directement par le Peuple et il doit s’affranchir des luttes partisanes. C’est pourquoi il n’aurait jamais dû avoir un mandat qui coïncide exactement avec celui des députés. Cela a complètement brouillé l’esprit de la constitution.
Vs citez Juppé :parcequ’il est le plus intégre de ts ?
Parce qu’il avait un peu moins l’esprit clanique.
Merci de ce petit « rappel » dans votre commentaire sur le quinquennat ! On ne parle que trop peu des conséquences de cette réforme qui me semblent vraiment négatives sur le fond. Il n’y a plus que l’élection présidentielle qui existe : je ne vois pas comment peut se construire une forme saine d’opposition quel que soit le parti au pouvoir, les batailles de personne sont inévitables (nos politiques n’ont pas peur du ridicule !). D’ailleurs les prétendants principaux au leadership du PS n’étaient pas députés ou sénateurs, rôles complètement dévalorisés dans le fonctionnement actuel des institutions.
La France n’est pas un grand pays fédéral comme les Etats-Unis, les tensions politiques et sociales, qu’on les trouve justifiées ou non, ne sont jamais loin de la surface, c’est pourquoi il faut un président capable de s’adresser à la nation sans exaspérer des pans entiers de la population ! Or Sarkozy est toujours à la limite du vulgaire, n’y-a-t-il personne pour lui dire d’arrêter de nous bassiner avec sa Carla ??