Une peine infinie : ainsi s’appelle le documentaire sur la peine de mort signé David André que nous proposait France 2 jeudi dernier. En 1999, en Oklahoma, le réalisateur avait interviewé un condamné à mort quelques jours avant son exécution. En 2010, il est revenu sur les lieux de ce “crime” pour interroger toutes les parties prenantes : avec le recul, à quoi ça sert vraiment la peine de mort ? Faute d’être dissuasive, contribuerait-elle au moins à soulager la dou­leur des familles en deuil ? 
Bien sûr que non ! nous dit d’emblée le réalisateur, qui ne met pas son Kleenex d’abolitionniste dans sa poche. Mais pour engagé qu’il soit, son do­cumentaire n’en est pas moins honnête : il donne la parole à tout le monde.
Voici donc l’histoire de Sean Sellers qui, à l’âge de 16 ans, a assassiné froidement sa mère et son beau-père (et en prime le gérant d’une supérette). Le truc, c’est qu’à l’époque, sans doute mal conseillé, Sean s’était plongé dans le satanisme, « jusqu’au point où je me suis dit que ce serait pas mal de tuer quelqu’un. Et c’est là que je l’ai fait ».
Condamné à la peine capitale deux ans plus tard, le jeune homme passera ensuite onze années dans le “couloir de la mort” – le temps pour lui d’épuiser toutes les voies de recours. Plus de dix ans après ce drame (entendez : l’exécution du condamné, pas les trois assassinats), David André sait pourtant faire parler assez équitablement toutes les parties concernées. Ainsi le fils et la fille du beau-père assassiné ne regrettent-ils ni l’un ni l’autre l’exécution du coupable : « Ça me convient », lâche sobrement le fils. « S’il n’était pas mort, précise sa sœur, aujourd’hui encore on l’aurait devant nous tous les jours. »
La tante de Sellers elle-même l’avoue avec une franchise émou­vante : « Si ç’avait été quelqu’un d’autre, on aurait réclamé la peine de mort ! Mais quand c’est quelqu’un qu’on aime, on ne sait plus quoi penser… » Son avocat, en revanche, dit « avoir perdu la foi dans la justice américaine », et le pasteur qui accompagnait les condamnés dans leurs derniers instants y a re­non­cé : trop dur moralement, dit-il.
David André est bien d’accord, qui conclut son doc sur une phrase qui servira de titre : « La peine de mort est une peine infinie pour tout le monde. » Tout le monde sauf l’ex-procureur, aujourd’hui à la retraite, mais toujours raide comme la justice. Le vieil homme ne regrette rien de rien, même pas le fait d’avoir obtenu la tête d’un assassin mineur au moment des faits : « Il savait parfaitement ce qu’il faisait. […] On ne peut pas laisser un enfant tuer ses parents et s’en tirer ! » En tant que parent, je suis plutôt d’accord.

Publié pour Valeurs Actuelles, le 31 mars 2011.

 

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