Longtemps, moi aussi je me suis couché de bonne heure. Puis mes activités de chroniqueur mondain et télévisuel m’ont fait basculer progressivement vers l’heure espagnole, puis grecque et parfois australienne. Bref, à 2 h 30 du matin, il m’arrive fréquemment d’être encore debout, ou au moins assis à ma table de travail – et souvent même pour vous servir… Mais je dois à la vérité de dire que vendredi dernier, à cette heure matinale, je me livrais à une occupation nettement moins sérieuse : citer Voltaire sur Twitter !
« Celui qui lit sans crayon à la main dort » : j’achevais de “partager”, comme on dit, cette excellente formule quand mon oeil fut attiré par un autre tweet, et autrement plus urgent : selon le New York Times, « le dossier d’accusation contre DSK (était) en train de s’effondrer ».
Je faillis tomber de ma chaise, comme déjà cette fameuse nuit du 14 mai où avait débuté l’invraisemblable série policière dont DSK est le héros malgré lui.
Pour la deuxième fois en moins de deux mois, mes horaires tardifs m’ont donc permis d’apprendre parmi les premiers une nouvelle pas banale, et d’en observer le traitement médiatique au fil de la nuit.
Peu à peu entre 3 et 4 heures, cette breaking news fut reprise par les radios et les sites des principaux journaux. À la télévision en revanche, silence radio ! Entendons-nous bien : je ne reproche pas à TF1 d’avoir poursuivi ses légendaires Histoires naturelles, ni même à France 2 d’avoir maintenu la rediffusion du Taratata spécial Lady Gaga. Service public oblige !
Mais quid des prétendues “chaînes d’info en continu” ? À 5 h 30 encore, sur BFMTV, iTélé et LCI, on répétait en boucle l’info de la veille (Strauss-Kahn convoqué à l’improviste au tribunal), sans mentionner jamais les révélations du New York Times. Pour expliquer cette comparution surprise, on se perdait en conjectures : les avocats de DSK allaient peut-être demander quelque chose au juge ? À moins que ce ne soit le procureur ? Ou tout le monde ensemble ?
J’imaginais les locaux déserts des trois chaînes, et les magnétos tournant tout seuls sous l’œil bienveillant du gardien de nuit… Quand soudain à 5 h 45, avec un bel ensemble, les trois chaînes s’emparèrent enfin de l’enquête du quotidien américain. Pourquoi un tel retard, et si bien coordonné ? N’y avait-il vraiment personne, nulle part, pour interrompre plus tôt le ronron nocturne et faire place à l’actu, la vraie ? Mystère et boule de com.
Espérons seulement, pour les chaînes “d’info en continu” – je ne me lasse pas de l’expression ! – , que la Troisième Guerre mondiale ou l’invasion des extraterrestres ne commenceront pas la nuit.
Publié pour Valeurs Actuelles, le 7 juillet 2011
