Comment le jeune Wojciech Jaruzelski, digne rejeton de l’aristocratie polonaise, doté en outre d’une solide éducation catholique, est-il devenu ce sombre général à lunettes noires, amateur de coups d’État communistes, que l’Histoire a retenu ?

Tel est le cours de rattrapage auquel nous conviait jeudi dernier, juste avant les vacances, la chaîne Toute l’histoire avec Jaruzelski, le Purgatoire d’un général, documentaire finlandais (donc neutre) alternant archives inédites et interviews serrées de l’intéressé.

Apparemment, la principale motivation du camarade Wojciech aurait toujours été le patriotisme. A priori, pour la famille Jaruzelski, la couleuvre communiste est plutôt dure à avaler : après la double invasion germano-soviétique, elle sera contrainte de s’exiler en Lituanie, avant d’être carrément déportée en Sibérie.

Tout ça n’empêche pas le jeune homme de rejoindre dès ses 20 ans l’armée polonaise “populaire”, c’est-à-dire sous contrôle soviétique. « C’était, explique-t-il aujourd’hui, le seul moyen de lutter contre l’occupant allemand. »

Après la guerre, la carrière de ce bon militaire et bon apparatchik connaît une ascension permanente : à 33 ans, il est le plus jeune général de son pays et à 45, ministre de la Défense.

À ce titre, en 1970, il dirige la répression des émeutes contre la hausse des prix, qui soulèvent les villes côtières : 44 morts. Aujourd’hui encore, dans les mêmes circonstances, il le referait. C’est bien simple : si les émeutes s’étaient généralisées, à coup sûr la Pologne aurait eu droit, comme la Hongrie et la Tchécoslovaquie avant elle, à l’intervention des “pays frères”.

Dix ans plus tard, l’opposition au régime, qui n’a cessé de se renforcer, crée le syndicat Solidarnosc, qui comptera bientôt dix millions d’adhérents. Alors notre général, qui cumule depuis peu les fonctions de chef du parti et du gouvernement, décrète la loi martiale : « La décision la plus difficile que j’aie eu à prendre en cinquante ans, pour ma patrie et audelà. » Et pourtant il la prend : à l’en croire, une fois de plus, c’était ça ou Brejnev !

Certes on peut toujours moquer l’“opportunisme” jaruzelskien. Après sa démission en 1990, ne plaidera-t-il pas pour l’entrée de son pays dans l’Union européenne et dans l’Otan ? Étrange retournement, en vérité, pour un ancien pilier du pacte de Varsovie !

Je tiens plutôt que, chez l’ami Wojciech, atlantisme et européisme sont, comme l’était auparavant le communisme, d’autres façons de défendre in situ la Pologne éternelle. « Dans cette région géostratégique, explique-t-il, nous ne pouvons pas survivre sans alliés. La preuve : dans le passé, à chaque fois que nous avons été seuls, l’histoire s’est mal terminée pour nous. »

Voilà, la leçon de choses politique est terminée. Rangez vos cahiers, bonnes vacances, et rendez-vous à la rentrée, si Dieu le veult !

Publié pour Valeurs Actuelles, le 13 juillet 2011

 

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