L’autre lundi, sur Canal Plus, le documentaire américain Terreur à Bombay retraçait une attaque terroriste sans précédent : dix fanatiques armés jusqu’aux dents, lâchés trois jours durant dans la plus grande ville de l’Inde. Bilan : plus de 170 morts et de 300 blessés.
L’objectif des commanditaires de l’opération, les djihadistes de l’organisation Lashkar-e Taïba (“l’Armée des purs”) est de semer la terreur, bien sûr, mais surtout de la démultiplier en fournissant aux télés du monde entier des images aussi spectaculaires et sanguinaires que possible.
Un plan médias méticuleusement préparé et téléguidé depuis le Pakistan, comme en témoignent les sidérantes conversations entre les tueurs et leurs tuteurs interceptées par les services secrets indiens.
Les dix hommes, par équipes de deux, ont une mission simple : aller tirer sur les foules au hasard dans des lieux “stratégiques” (gare centrale, grands hôtels, cafés, hôpital…).
Partout dans la ville, les mêmes scènes se reproduisent : fusillades, prises d’otages, explosions, panique. Puis tous les commandos convergent vers l’hôtel Taj Mahal, où les organisateurs ont prévu, si l’on ose dire, un bouquet final.
Au téléphone, on les entend même s’impatienter auprès de leurs subalternes, qui n’en finissent pas de tirer sur tout ce qui bouge : « Allez-y, il faut mettre le feu ! Sinon, on ne verra rien à la télévision ! »
C’est un succès : les images du palace en flammes feront le tour du monde. Tout fondamentalistes qu’ils soient, ces Lashkar-là ont intégré aussi les fondamentaux de notre société du spectacle !
Mais plus encore que leur cynisme, ce qui étonne, c’est la soumission aveugle des dix cyborgs programmés pour tuer et mourir au doigt et à l’oreille.
Quand on leur dit de flinguer un groupe d’otages, ils s’exécutent : « Tue-les maintenant, débarrasse-toi d’eux ! Vas-y, fais-le, je t’écoute ! » Et l’on entend les détonations… Mais quand on leur dit de mourir, à ces zombies, eh bien, ils s’exécutent aussi : « Tu ne dois pas te faire arrêter, tu te souviens ? Pour que ta mission soit réussie, tu dois te faire tuer. […] Bats-toi courageusement, Dieu t’attend au paradis ! Mets le téléphone dans ta poche et laisse-le allumé… » Et l’on capte encore un échange de tirs bref mais nourri avant que l’interlocuteur raccroche, satisfait.
Il y a de quoi ! Bombay est à feu et à sang et les scénaristes de cette tuerie de masse useront, pour la revendiquer, d’un langage cinématographique : « Ceci n’était que la bande-annonce. Attendez le film ! »
Forfanterie ? En tout cas, les producteurs de cette longue et massacrante “bande-annonce” sont toujours en activité, apprend-on : « Sept dirigeants du mouvement, soupçonnés d’avoir participé à l’organisation de ces attentats, ont été arrêtés par les autorités pakistanaises en 2009. Tous relâchés ! »
Publié par Valeurs Actuelles le 26 avril 2012