Tous les dimanches à midi, Canal Plus nous propose l’Effet papillon, un tour du monde en quarante-cinq minutes. Le dernier qu’il m’a été donné de voir fut aussi celui de Daphné Roulier, remplacée désormais par… son prédécesseur, Victor Robert.
Le “format” de l’émission : un sandwich avec, dans le rôle du pain, deux tranches de brèves variées, et deux “grands” reportages en guise de jambon-fromage.
Drôle de sandwich quand même, dont on ne garderait volontiers que le pain. Le reste est plutôt indigeste, voire difficile à avaler : en gros, il s’agit pour les cerveaux de l’Effet papillon de nous expliquer chaque semaine ce qu’il faut penser.
Passe encore pour les brèves : la diversité des images distrait agréablement des commentaires, à défaut de nous en dispenser. Mais le rapport qualité-prix s’inverse avec les reportages, où l’on éditorialise à tort et à travers. C’est, encore et toujours, cette petite musique branchouille qu’on appelle depuis tantôt trente ans “l’esprit Canal”. Mais soyons juste, le ton du magazine est résolument nouveau : à la fois néomoralisateur et néoracoleur, qui dit mieux ?
Dans le genre “humoristique”, pour son dernier dimanche, Daphné nous transportait d’un coup d’ailes à Haïti pour une enquête accablante sur l’île, qui n’avait pas de besoin de ça. L’angle : un portrait à charge de l’actuel président, Michel Martelly, d’ailleurs démocratiquement élu l’an dernier.
Le mec est un guignol, apprend-on. La preuve : dans les années 1980, il était crooner sous le nom de Sweet Micky ! Et aujourd’hui, eh bien, il continue de faire le show. Chef d’un État qui compte encore un million et demi de sinistrés, au lieu de gouverner, il distribue de l’argent liquide et organise des lotos pour la télé !
OK, Sweet Micky est un fumiste, et alors ? Haïti n’a guère été gâtée en fait de “gouvernance” depuis Papa Doc, sans parler d’avant. Alors on fait quoi, Daphné ? On recolonise ? On envoie BHL ?
Au programme le même dimanche, dans la catégorie “sérieux”, une enquête choc sur le « proxénétisme new look », dans un pays asiatique dont j’ai oublié le nom. Sous prétexte de dénoncer les pratiques de ces lover boys, on nous sert une accumulation de scènes et de propos scabreux à grand renfort de caméras cachées, comme dans une vulgaire émission trash de TF1 ou M6.
“Rien à voir ! protestera-t-on côté Canal historique. La différence tient tout entière dans la qualité des spectateurs ; les nôtres sont gens de qualité, capables d’être citoyens sans cesser de s’amuser – comme Michel Denisot et les siens en montrent quotidiennement l’exemple.”
Et moi je dis que, pour gober ça, il faut au moins être un “gobo” – néologisme hybride de gogo et de bobo, que j’envisage de soumettre dès maintenant à mes futurs collègues de l’Académie française.
Publié sur Valeurs Actuelles, le jeudi 6 septembre 2012