Nabila l’a compris : à la télé, mieux vaut être une idiote connue qu’un génie méconnu !
L’événement télé de la saison, à coup sûr, c’est l’apparition sur nos radars de Nabilla, nouvelle étoile au ciel des Anges de la téléréalité (NRJ12). Inconnue du grand public il y a six semaines encore, cette brune coruscante a su s’imposer, en trois coups de confidences dans le “confessionnal”, comme un incontournable phénomène sociétal.
Au passage, bien sûr, on s’est copieusement moqué de la donzelle et de ses dérapages plus ou moins contrôlés. Le plus culte : son coup de colère contre une collègue tête en l’air — coupable d’être partie tourner à Miami sans shampoing !
« Allô, vous m’entendez ? dit Nabilla, mimant une conversation téléphonique brouillée. Allô, non mais allô quoi ? T’es une fille, t’as pas d’shampoing ? C’est comme si j’te dis, t’es une fille, t’as pas d’cheveux ! »
Et tout le monde de ricaner — à commencer par ceux qui, à la télé, ne font guère mieux. Moi, je la comprends, Nabilla ! Bien sûr, à première vue, l’objet de son ire peut paraître frivole. Mais “recontextualisons” ! Quand il s’agit d’aller faire la bimbo devant les caméras, en Floride de surcroît, mieux vaut emporter une valise de shampoings plutôt que le Monde comme volonté et comme représentation, même en un seul exemplaire.
Sur le fond donc, Nabilla a raison. Mais c’est aussi la forme qu’on brocarde chez elle ; ce simulacre de coup de fil en solo, songez donc ! Justement : plus j’y songe, plus je trouve subtile cette métaphore sur l’incommunicabilité. Comment la sage Nabilla pourrait-elle se faire entendre de ces filles écervelées qui, telles les “vierges folles” de la parabole, oublient l’essentiel au moment décisif ?
Peu lui importe d’être “la risée des médias” : elle est devenue l’atout maître du sien. « Ne vous y fiez pas, Nabilla est intelligente, décrypte le directeur des programmes de NRJ12. Elle sait ce qu’elle veut. »
Ce qu’elle veut, hélas, c’est “être célèbre”. Je sais, c’est un peu court ; mais c’est aussi fort courant, depuis Loana et Warhol. Le plus de Nabilla, c’est qu’elle a pigé le mode d’emploi. Pour avoir son “quart d’heure de célébrité”, elle n’hésite pas à jouer à fond son rôle de Debila.
Être la dinde de service, pourquoi pas — si c’est le prix à payer pour être “vue à la télé”… Tout l’art de notre héroïne tient dans cette rude discipline : parler avant de réfléchir, sous peine de perdre en spontanéité.
À ce jeu-là, Nabilla est de loin la meilleure, pulvérisant ses concurrentes à coups de répliques qui tuent et autres impromptus.
Aux dernières nouvelles, notre championne serait bientôt récompensée de sa persévérance. On lui aurait proposé d’avoir, dès la rentrée, sa propre émission : un programme de téléréalité dont elle serait l’unique objet !
En attendant cet heureux temps, Nabilla aurait tort de se priver : après tout, elle au moins est payée pour faire la roue. S’il y a des dindons dans cette farce, ce sont ceux qui la regardent !
Article publié dans Valeurs Actuelles, le jeudi 4 avril 2013