Bien peu d’artistes s’engagèrent , tels Jean Gabin, contre le IIIème Reich. La plupart  firent comme si de rien n’était, à l’instar de Fernandel et de Jean-Paul Sartre…

Comme son titre l’indique, l’Occupation sans relâche, documentaire rediffusé sur France 5 l’autre dimanche, raconte la vie artistique étonnamment florissante en France durant ces années sombres. Pour l’auteur, Yves Riou, le comportement de nos stars est à l’image de celui des Français dans leur grande majorité : attentiste. Rares sont ceux qui s’engagent dans une collaboration autre qu’alimentaire et plus rares encore, bien sûr, ceux qui refusent tout accommodement avec l’occupant.

Joséphine Baker et Jean Gabin rejoindront les FFL et le jeune premier Robert Lynen, engagé dans le réseau Alliance, sera supplicié et assassiné par la Gestapo. Mais pour la plupart des artistes, malgré les circonstances, « le spectacle continue ».

Ainsi Clouzot tourne-t-il sous l’égide de la compagnie allemande Continental le Corbeau, où beaucoup verront une métaphore du climat de suspicion et de délation qui règne alors en France.

Quant à Jouvet, la tournée théâtrale géante qui le retient hors de France ces quatre années durant ressemble à un scénario de Guitry ! Lancée officiellement sous les auspices du Maréchal, elle reviendra triomphalement à la Libération avec les félicitations du Général…

C’est Sacha Guitry, justement, qui, avec Arletty, incarne le mieux cette contradiction entre un esprit français naturellement et culturellement “antiboche” et, disons, les contraintes de l’heure… Arrêté en août 1944 et inculpé d’“intelligence avec l’ennemi”, il répond : « Il me semble en effet n’en avoir pas manqué. » Après deux mois au Vél’d’Hiv puis à Drancy, il est libéré sans jugement. Les comités d’épuration seront plus sévères avec Arletty. Pourtant, on ne lui reproche aucun fait de collaboration ; elle a même sauvé de la déportation, entre autres, Tristan Bernard et Alexandre Trauner. Ce qu’on ne lui pardonne pas, c’est d’avoir entretenu une liaison avec un officier allemand.

D’autres, qui s’étaient nettement plus compromis avec l’occupant, s’en tirent mieux à l’heure des règlements de comptes. À cet égard au moins, Tino Rossi est le meilleur ! Quatre ans durant, il n’a pas ménagé sa peine pour s’attirer les bonnes grâces des autorités et engranger du blé aux quatre coins de la Gross Europa. Arrêté en 1944 sous l’inculpation d’“avoir chanté pour la LVF”, il est libéré quelques semaines plus tard… avec des excuses officielles. La classe !

Pas de gros problème non plus pour Piaf et Trénet, qui ont poussé la chansonnette jusqu’au coeur du Reich, ni pour Fernandel et Chevalier, joyeux animateurs des soirées de Radio-Paris. Moins encore pour Simone de Beauvoir, productrice notamment sur les mêmes ondes d’une série documentaire engagée sur l’Histoire du music-hall.

Son compère Sartre, lui-même édité et joué sans relâche, y compris devant des parterres vert-de-gris, justifiera ainsi après la Libération l’état d’esprit du couple durant ces années noires : « Me comprendra-t-on si je dis à la fois que l’Occupation était intolérable et que nous nous en accommodions fort bien ? » Mais oui, Jean-Paul, c’est parfaitement clair !

Publié dans Valeurs Actuelles, le jeudi 12 septembre 2013

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