La télé c’est Nabilla et Patrick Sébastien, mais c’est aussi l’éblouissant portrait de Gustave Thibon sur la chaîne Histoire. Comme quoi il y a plusieurs demeures aussi dans la maison du PAF…
« Il faudrait dire des choses éternelles pour être sûr qu’elles soient d’actualité ». La phrase de Simone Weil résume à merveille le documentaire consacré à son ami Gustave Thibon par la chaîne Histoire, « Il était une foi ». Grâce à Philippe Barthelet, les lecteurs de Valeurs Actuelles (n° 4018) ont eu droit à une pleine page sur cet instant de grâce, rare à la télévision.
En revanche, mes hebdos spécialisés n’ont pas jugé utile de le signaler. À peine une ligne sans commentaire dans TéléObs, et rien du tout dans Le Monde Télévisions. Même mon copieux Télérama (266 pages) ne consacre à l’affaire que deux lignes sèches, et pas un seul de ses fameux « T » en forme de recommandation.
Il faut dire que Thibon ne parle que de Dieu, qui Lui-même est mort. On en a encore eu confirmation ce mois-ci avec le sondage exclusif publié par Clés, le luxueux magazine post-bouddhiste de Jean-Louis Servan-Schreiber, à lire en dégustant un thé vert glacé. « 67 % des Français n’ont pas la foi », titre-t-il triomphalement, non sans enrégimenter au passage les 25 % qui « ne savent pas ».
Mais pour mes journaux télé de progrès, l’essentiel est ailleurs : Dieu ou pas, ce Gustave-là fut avant tout un fieffé réactionnaire, dont Simone Weil s’était entichée pour d’obscures raisons. Quant à l’auteur du documentaire, horresco referens, il n’est autre que Patrick Buisson en personne, le redoutable « maurrassien » qui a « droitisé » Sarkozy. Rien de bon à attendre de ces gens-là, n’est-ce pas ?
Pour ceux qui ne seraient toujours pas convaincus, j’ai deux bonnes nouvelles : non seulement l’émission est multidiffusée jusqu’à la mi-janvier, mais elle est disponible en DVD. Deux raisons de plus pour ne pas répéter ce que l’ami Barthelet a dit ici-même mieux que moi. La foi selon Gustave Thibon, conclut-il, est « une victoire sur le doute » (…) « un abandon à l’inconnu au-delà de toutes les consolations menteuses ».
Précisément, ces « consolations menteuses » sont l’objet du magazine Clés de JLSS, déjà cité. Armé de son bon sondage, il consacre sa couverture et un volumineux dossier à cette question absurde entre toutes : « Par quoi remplacer Dieu ? ». Au fil de trente-six pages bien serrées ressortent deux grandes réponses qui en valent zéro.
Par ma « métaphysique athée », suggère André Comte-Sponville : « Considérer que le surnaturel n’existe pas, c’est la position d’Épicure, de Lucrèce, de Spinoza, de Diderot, de Marx (…) Et c’est la mienne », ose la grenouille citant les bœufs.
À tout prendre, le psychanalyste de service est plus marrant. « Par quoi remplacer Dieu ? » Mais par n’importe quoi, voyons. Même après le décès constaté de Dieu, nous apprend Philippe Grimbert, « croire reste un besoin fondamental (…) Au cours de la vie, notre quête d’idoles s’incarne tour à tour dans le père Noël, le médecin, les rock stars, les marques… » analyse le psy. Après une telle révélation, il ne reste plus qu’à aller s’allonger.
Article publié dans Valeurs Actuelles, le 18 décembre 2013