L’Effet papillon, vous vous souvenez ? Non, pas ce battement d’ailes censé provoquer un tremblement de terre à l’autre bout du monde ! Juste une émission de Canal Plus dont je vous entretenais déjà la semaine dernière : le temps des fêtes, Daphné Roulier avait choisi de nous faire visiter l’Amérique. Après les aventures du petit Jonathan Krohn, “Mozart de la politique”, elle nous proposait samedi dernier, entre autres, un documentaire intitulé le Parti d’en rire. A priori, avec un titre pareil, je suis plutôt client… Sauf que là, en fait de “rire”, il s’agissait plutôt d’engagement, limite sartrien. L’argument : un portrait croisé de deux stars de la télé américaine, qui se livrent depuis dix ans à une véritable “guerre médiatique”. À la gauche de Canal, Jon Stewart, « l’un des humoristes politiques les plus populaires du pays » ; à sa droite, « l’ultraconservateur et très vociférant Glenn Beck ». Si, avec ça, vous n’avez pas compris qui sont respectivement le méchant et le gentil, je ne peux rien pour vous !
Le problème, c’est que Canal Plus n’a pas forcément tort. Moi-même qui vous écris, j’aurais naturellement tendance à préférer un ludion rigolo comme Stewart, fût-il progressiste, à ce butor de Beck – surtout s’il est censé en quelque manière incarner mes idées.
Simplement, je n’aime pas qu’on m’explique de façon aussi ostentatoire ce qu’il convient de penser. Le commentaire, passe encore… Mais le choix des images et la sélection des témoins : tout hélas, dans ce doc, est lourdement pédagogique. Un seul exemple : pour parler objectivement du bateleur républicain, les auteurs sont allés chercher qui ? Une “Fondation démocrate” richement dotée, dont l’objet est de « surveiller 24 heures sur 24 les médias de droite » pour en pointer « les dérapages et les raccourcis ». Ambiance !
Avec Glenn Beck bien sûr, ces gens-là sont à la fête ! Entre humour gras et vraies-fausses colères, la vedette de FoxNews ne ménage aucun effet pour brosser son public dans le sens du poil. « Il est très dangereux », commente avec gourmandise le vice-président de la Fondation – justifiant ainsi au passage ses émoluments.
Mais la “dangerosité” n’est jamais que le revers de l’influence. Or sur ce terrain-là, l’affreux Beck pourrait prendre des leçons auprès de l’aimable Stewart : élu “homme de la décennie” par un magazine branché, Jon a même eu l’insigne honneur de recevoir, dans son talk-show humoristique sur Comedy Central, le président Obama en personne.
En gros, résume le doc, si Glenn Beck est « célèbre », c’est Jon Stewart qui est « populaire ». La différence, pour autant que j’en aie compris, tient tout entière dans le cerveau des démocrates, américains ou autres : ces gens-là, figurez-vous, sont persuadés d’avoir déposé la marque “Peuple”.
Publié dans Valeurs Actuelles, le 13.01.2011