L’autre samedi, On n’est pas couché affichait en vedette ukrainienne Inna Shevchenko, cofondatrice des Femen (terme latin qui signifie “femme” selon Caroline Fourest et “cuisse” selon Gaffiot).
Raison de sa présence chez nous : des tracas d’ordre judiciaire dans son pays, après le tronçonnage d’une croix monumentale à Kiev. Ici au moins, un commando de Femen en tenue de combat, c’est-à-dire seins nus, peut sans risque envahir Notre-Dame de Paris en hurlant des slogans blasphématoires. Mais l’actualité d’Inna, c’est l’incarcération de quatre militantes en Tunisie, où malgré le “printemps arabe” ce genre de blagues passe toujours mal.
Amina, militante locale, a été arrêtée pour exhibitionnisme et graffitis sur le mur d’un cimetière ; elle risque deux ans et demi de prison. Aussitôt, un trio de collègues européennes sans peur et sans soutif décident de voler à son secours en allant manifester à Tunis dans leur costume traditionnel… Résultat : quatre mois de prison pour chacune, et l’aggravation des charges retenues contre celle qu’elles étaient venues soutenir !
Tout en reconnaissant leur “courage”, Ruquier se demande si en l’occurrence il ne frise pas l’inconscience. Les Femen n’ont-elles pas « un autre moyen de manifester » ? Non, rétorque Inna, inébranlable ; pour elle, c’est le seul moyen d’« ouvrir le débat » (sic). Elle balaiera du même revers toutes les critiques de Natacha Polony et d’Aymeric Caron, qui jugent contre-productives les méthodes du mouvement « sextrêmiste ».
Sur l’irresponsabilité du “coup de main” tunisien — condamné même par les associations féministes locales —, Mlle Shevchenko réplique d’une phrase définitive : « On ne se laisse pas démonter par la peur ! » Par la réflexion non plus, apparemment.
La militante, qui d’habitude s’exprime avec deux mots peints sur sa poitrine, est à la peine lors qu’elle doit garder son tee-shirt. Au fur et à mesure qu’elle développe sa pensée et sa stratégie, la pauvre se retrouve de plus en plus isolée sur le plateau. Même les autres invités, a priori bien disposés à l’égard du féminisme, émettent des doutes. « Je ne comprends pas bien le projet de ces femmes, avoue le chef cuisinier Thierry Marx ; s’agiter, ce n’est pas agir. » De son côté, le rappeur Akhenaton prodigue en vain des conseils de modération : « Il faut adapter les actions selon les pays. Et surtout ne pas heurter la croyance des gens. »
Quant au Dr Leibowitch, spécialiste de la trithérapie, plongé qu’il est dans ses travaux, il n’a jamais entendu parler des Femen. Ainsi dépourvu de préjugés, il va pourtant se fâcher tout rouge en découvrant les images du “chahut” de Notre-Dame : « C’est de la profanation ! Je ne suis pas spécialement croyant, mais je ne vais pas à l’église pour leur dire “Vous êtes une bande de cons !” »
Après trois quarts d’heure, Inna finit par être relâchée. Sur ce plateau télé qu’elle quitte, elle vient de passer un moment bien plus rude que lors de sa dernière interpellation policière.
Article publié dans Valeurs Actuelles, le 20 juin 2013