Coupe du monde 1942 : victoire-surprise des paysans mapuches contre les surhommes nazis. Dans un Mondial idéal, les Allemands ne gagnent pas toujours à la fin.
En 1942, une Coupe du monde de football a été organisée… en Patagonie. Tel est le point de départ de La Coupe du monde disparue, film italo-argentin diffusé par Canal plus à l’occasion du Mondial 2014. Pas besoin d’être expert en ballon rond pour s’en rendre compte assez vite : il s’agit là d’un « documenteur ». Les deux réalisateurs, eux-mêmes fans de foot, ont truffé de détails plus vrais que nature une histoire accumulant par ailleurs les invraisemblances. Tout commence avec des fouilles paléontologiques dans le sud de l’Argentine, qui mettent au jour un squelette humain serrant contre lui une vieille caméra. En enquêtant sur cette étrange affaire, un journaliste découvre l’existence de ce Mondial oublié de tous (le stade lui-même ayant été englouti par un raz-de-marée…)
En 1942 donc, la FIFA a annulé la Coupe du monde pour cause de Deuxième guerre mondiale. Quand soudain un aristocrate hongrois, le comte Otz, décide d’organiser quand même le tournoi en Patagonie – dont il se trouve être par ailleurs ministre des Sports. Tout le monde suit, jusqu’ici ?
Pour filmer l’événement, le comte engage officiellement Guillermo Sandrini, ancien photographe de mariages – « Leni Riefenstahl ayant décliné l’offre ». Sous l’œil de sa fameuse caméra, douze équipes vont donc s’affronter en terrain patagon, jusqu’à une étonnante finale nazis-Mapuches.
Tout ça n’est-il pas un peu gros ? objecteront certains. Mais tout est dans la manière… Ici, on a beau savoir que l’événement est imaginaire, on a envie d’y croire, comme à toute bonne fiction.
Le « plus » de ce vrai-faux documentaire, c’est son savoureux cocktail d’absurde et de réalisme, avec des zestes de parodie partout. Plus l’histoire qui nous est contée s’enfonce dans l’invraisemblance, plus la forme se fait rigoureuse.
Aux vraies interviews d’ex-gloires du football complices, se mêlent de fausses archives de toutes sortes : manchettes et dessins de presse, bandes d’actualité des années 40, bidouillées ou bidonnées.
Le meilleur est dans les extraits du « film inachevé » du regretté Sandrini sur ce Mondial 42. Danses folkloriques d’appellation incontrôlée ; pittoresque défilé des délégations nationales ; invention au passage de l’arbitrage vidéo, avec soixante-dix ans d’avance ; et pour finir, confrontation au sommet entre un redoutable buteur nazi à lunettes et le magnétique gardien de but patagon – qui fera la différence en hypnotisant son adversaire selon une vieille technique mapuche.
Drolatique exercice de style, que je ne saurais trop recommander à ceux d’entre vous qui partagent mon goût pour la parodie jusqu’à l’absurde, tant qu’il est maîtrisé. Même les autres, du moins les bons patriotes, devraient trouver quelque réconfort dans cette fable, après notre élimination précoce en quarts de finale par les Boches. Ces butors ont encore raté là une belle occasion de se faire pardonner Schumacher, entre autres…
[Article publié dans Valeurs Actuelles]