Une « fresque »; un « récit polyphonique »; un « roman tolstoïen »; un « monument »… La presse unanime a fait assaut d’éloges superlatifs à propos du maxi documentaire consacré par Arte à l’agonie de l’URSS sous le titre Adieu Camarades ! Et bien, malgré mon légendaire non-conformisme, je ne peux que joindre ma voix à ce concert de louanges : voilà un moment de télévision intelligente comme on aimerait en voir plus souvent !
Et pour ceux d’entre vous qui se flattent de n’avoir pas la télé, aucune excuse : le coffret DVD sort le 8 février, au lendemain de la diffusion des deux derniers épisodes : Rébellion (1989) et Effondrement (1990 – 1991), les plus captivants pour des anticommunistes sincères comme vous et moi.
Ces cinq heures d’images et de témoignages exceptionnels nous font vivre de l’intérieur l’événement le plus important de la fin du XXème siècle, qu’aucune chancellerie ni aucun service secret n’avait su prévoir. Le compte à rebours, commencé en 1975 avec la signature des accords d’Helsinki, se termine en 1991 par l’implosion du système soviétique : « la défaite d’un Empire réputé invincible, et qui ne fut vaincu que par lui-même. »
En 1975, l’URSS semble à son apogée et pourtant, en quelques années, les premières failles ne vont pas tarder à venir lézarder cette imposante façade.
La puissance militaire de l’Empire impressionne le monde entier; mais elle plombe une économie déjà en plein marasme, et finira par conduire au bourbier afghan.
Le système est chapeauté de gris par les zombies du Politburo, agitant du haut du Kremlin une main de fer estampillée KGB. Mais du haut en bas de l’échelle, de Moscou à Vladivostok, plus personne ne miserait un kopeck sur l' »avenir radieux ». Tout le monde fait semblant, de force ou par intérêt : la « Patrie du socialisme » n’est plus qu’un canard décapité qui continue à courir.
A sa tête, si l’on ose dire, une nomenklatura vieillissante : entre 1982 et 1984, les morts-vivants s’y succèdent. En fin de règne, Brejnev, dont les sourcils faisaient trembler la planète, est gagné lui-même par la trémulation. Il faut le voir, à la tribune du Soviet suprême, se lancer par erreur dans la lecture d’une note ultra-confidentielle… Ses successeurs Andropov et Tchernenko le suivront bientôt, du sommet au tombeau.
Ça devient même une habitude, comme le raconte drôlement un dissident hongrois : « Quand la télé interrompait ses programmes pour diffuser une symphonie, on se disait : « Ça y est, encore un qui est mort ! » » Trois décès en moins de quatre ans : le Kremlin devient une cité à haut risque !
L’Empire est-il fichu pour autant ? Non, car voici que le système agonisant se donne enfin un sauveur digne de ce nom : Mikhaïl Gorbatchev. Parviendra-t-il à du naufrage sauver l’Union soviétique ? Vous le saurez en lisant ma prochaine chronique…
Publié pour Valeurs Actuelles, le 2 janvier 2012.