À en croire « Secrets d’histoire », Jésus était un type comme vous et moi. Allez savoir pourquoi, deux mille ans après, on en fait encore tout un plat…

Un homme nommé Jésus : c’est sous ce titre — on ne peut plus neutre — qu’était diffusé, mardi passé, un nouveau volet de Secrets d’Histoire (France 2). Dès son introduction, Stéphane Bern tient à nous rassurer sur le sérieux de l’entreprise : il ne s’agit pas d’« ouvrir un livre d’images pieuses » mais de faire oeuvre d’historien, en évoquant « une succession de faits souvent indiscutables ». Sur cette base, l’animateur va-t-il parvenir à satisfaire l’ensemble de son public, des saucissonneurs du vendredi saint aux cathos pur porc ?

« L’histoire nous montre un Jésus bien différent du catéchisme traditionnel », insiste d’emblée le documentaire. Et d’abord, est-il né à Bethléem ou à Nazareth ? Les différents spécialistes consultés nous donnent la réponse : on ne sait pas trop ! En revanche, ils sont formels sur un point, amusant certes, mais guère nouveau et qui ne change rien : en vrai, Jésus est né entre l’an 7 et l’an 4 avant lui-même.

Avait-il des frères et des soeurs ? Des mentions scripturaires vont dans ce sens, mais un bibliste catholique nuance : « Le terme “frère” veut dire aussi “proche parent”. » Cependant, l’exégète protestant de service et un ancien moine, qui a quitté l’habit en même temps que la foi, n’en démordent pas : Jésus a bien appartenu à une fratrie, même s’« il ne s’est pas très bien entendu avec eux ». Comme quoi, il est toujours préférable de ne pas parler politique ou religion à table.

À quoi ressemblait-il donc ? Certainement pas aux « images sulpiciennes » (sic) auxquelles on nous a habitués depuis des siècles. Plutôt à ce portrait-robot qu’on nous donne à voir d’un « homme moyen de l’époque dans la région ». À coup sûr, ce gaillard-là fait moins penser au fils de Dieu qu’à un repris de justice.

Et pourtant Jésus avait « un charme fou », assure l’un des intervenants, s’appuyant sans doute sur les images d’époque filmées par Zeffirelli. Ça expliquerait, enchaîne le doc, la véritable cour de femmes qui le suivait partout — contrairement aux bonnes moeurs alors en vigueur.

Et d’enchaîner tout naturellement sur les relations ambiguës du Christ avec Marie-Madeleine ; après tout, on est sur une chaîne publique laïque et obligatoire et le téléspectateur en veut pour sa redevance ! Ça tombe bien : les Secrets d’Histoire de Bern n’ont jamais été avares en secrets d’alcôve.

Le Messie et la pécheresse sont-ils allés jusqu’à convoler en justes noces ? L’hypothèse semble hautement fantaisiste à ceux qui s’en tiennent aux Écritures ; elle est, en revanche, tout à fait plausible pour ceux qui se réfèrent aux travaux plus récents d’un Martin Scorsese ou d’un Dan Brown.

Pour le reste, c’est-à-dire l’essentiel, « il est impossible à l’historien de conclure ». Ce qui ne l’empêche pas, « l’historien », d’avoir sa petite idée : rien n’est inexplicable. Quant à la croyance en la divinité du Christ, c’est une affaire de foi, figurez-vous. Au moins aura-t-on appris, au terme de ces cent dix minutes d’enquête serrée, que Jésus était plutôt un chic type.

Publié dans Valeurs Actuelles, le jeudi 16 mai 2013

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