A quoi bon voter encore en France, quand tout se décide ailleurs ? C’est la conclusion à laquelle aboutit le téléspectateur moyen (moi, en l’occurrence) au vu du documentaire diffusé l’autre mardi par France 5 : Bruxelles, le vrai pouvoir.

À ce qu’il paraît, ce ne sont plus nos élus qui décident du destin de notre pays, mais “la Commission”. Sommet après sommet, vingt-sept chefs d’État et de gouvernement défilent, pour faire valoir leurs intérêts nationaux respectifs, auprès de commissaires qui ne les entendent guère, investis qu’ils sont d’une mystérieuse autorité supérieure : des suzerains face à leurs vassaux.

Soumission volontaire : au fil du temps, nos politiques ont abandonné à la Commission un droit de contrôle toujours plus grand sur notre budget et nos lois. Désormais c’est un droit de veto, et pas seulement “suspensif” comme celui de ce pauvre Louis XVI.

Viviane Reding, vice-présidente du machin, ne l’a pas envoyé dire aux députés français qui la recevaient — traités comme de vulgaires cancres : « Il faut, lentement mais sûrement, comprendre qu’il n’y a plus de politiques intérieures nationales. Il n’y a plus que des politiques européennes partagées dans une souveraineté commune. »

Par ce tour de passe-passe, on fait disparaître d’un coup la démocratie, le politique et le rôle de l’État. Et au profit de quoi, sinon d’une chimère ? La prétendue “souveraineté commune” entre des États comme l’Allemagne et la Grèce, avec la France au milieu !

En tout cas la machine, elle, est redoutablement efficace. Au service de nos aimables commissaires travaille une armée de six cents experts, chargés de surveiller nuit et jour les comptes publics de chaque pays. Parmi eux, quinze spécialistes sont affectés à la section “France”. À la lumière de leurs ordinateurs, ces gens-là émettent des “recommandations” qui, si elles sont validées par la Commission, prennent aussitôt force de superlois enjambant les nôtres. « Leur non-respect par la France pourrait lui valoir une amende de 4 millions d’euros », explique non sans fierté une de ces têtes d’oeuf. Mais peut-être toucherait-il sur cette somme une prime de rendement ?

Comment en est-on arrivé là ? « Nous n’avons jamais consenti […] au système dit “supranational”, qui noierait la France dans un ensemble apatride », disait de Gaulle dans une conférence de presse le 9 septembre 1968. Un demi-siècle plus tard, on y est, et de notre propre fait.

Si la France est aujourd’hui sous surveillance, voire sous tutelle, c’est à force d’abandons de souveraineté successivement consentis — sans qu’on voie bien ce qu’elle y a gagné en contrepartie.

Il y aurait bien sûr une solution à tout ça : consulter les Français pour savoir s’ils veulent que les décisions concernant leur quotidien et leur avenir soient prises à Paris ou à Bruxelles. Mais le risque, s’ils répondent mal, c’est qu’on ne tienne pas compte de leur avis. Non seulement c’est d’usage en matière européenne, mais là, en plus, ça nous éviterait une forte amende de la Commission…

Article publié dans Valeurs Actuelles, le jeudi 09 mai 2013

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