Le rendez-vous hebdomadaire de la bande à Ruquier : un divertissement certes, mais pas au sens pascalien du terme…
A la télé comme dans la vraie vie, les paradoxes se suivent et ne se ressemblent pas. L’autre semaine, je vous entretenais du paradoxe d’Ormesson – cet Immortel hors d’âge qui n’en finit pas de s’amuser de ses propres gamineries. La semaine dernière, c’est Jean lui-même qui s’étonnait d’un autre paradoxe. Invité d’On n’est pas couché (France 2, samedi 18 septembre, 22h55), soudain il s’exclama « Pour une émission de divertissement, on traite ici de sujets bien sérieux ! »
Il a raison, l’Ormesson ! Par rapport à ses concurrents, le rendez-vous hebdo de la bande à Ruquier est d’une haute tenue intellectuelle. Entre deux potacheries et trois blagues, on y cause quand même chaque semaine de l’actualité culturelle – et pas seulement pour faire la « promo » des gens présents sur le plateau… En vérité, les rôles sont répartis à merveille : si Ruquier a pour ses invités les prévenances d’un hôte parfait, c’est qu’il laisse à ses deux « méchants flics » Zemmour et Naulleau le soin de les cuisiner un par un.
Ce soir-là par exemple, on a parlé utilement beaux-arts, littérature, rapports entre science et foi… Qui dit mieux ?
Bien sûr, Jean-Jacques Aillagon peut énerver quand il justifie – avec une évidente sincérité, en plus ! – son entreprise de salopage du château de Versailles à coups de homards et de lapins roses (cf Valeurs Actuelles n° 3851).
Mais il y a Naulleau pour moquer « l’infantilisme régressif » de Takashi Murakami (le poseur de lapin) et Zemmour pour enfoncer le clou : « Dans une chambre de petite fille, ça serait parfait ! »
Et puis voici le Bohringer nouveau ! Fini les coups de gueule puérils : Richard apparaît grandi par la maladie qu’il a dû affronter, et qui lui a inspiré un bouquin de mémoires imaginaires. Sa fragilité enfin assumée touche, et sa modestie littéraire sonne juste : « Je voulais écrire le plus beau des poèmes, mais Rimbaud avait déjà fait le boulot ! » Il achève d’émouvoir (enfin, moi !) quand il confesse son coup de cœur humain et littéraire pour « les Hussards, flamboyants et magnifiques ».
Même le retour de la momie de Mgr Gaillot donne ici à penser. Après quinze ans de sarcophage, il nous revient intact avec sa relecture athée de la Bonne Nouvelle. Dieu est en nous savez-vous ?, et nulle part ailleurs ! Quant à Jésus, défenseur des pauvres et des opprimés, n’est-il pas un modèle de militant associatif ?
Pour le coup, c’est Ruquier en personne qui posera à Gaillot la question qui tue : « Mais alors, pourquoi vous êtes encore curé ? » Décidément, d’Ormesson a raison : ce bateleur-là peut être profond. Plus que l’académicien ? On n’est plus à un paradoxe près…
(Publié dans Valeurs Actuelles/Télésubjectif, le 30 septembre 2010)