Jean-Honoré Fragonard: Den vackra tjänsteflickan ("La résistance inutile"). NM 5415

Jean-Honoré Fragonard, La résistance inutile, c. 1755

Dans les premières pages des Liaisons, on lit la correspondance entre Cécile de Volanges et son amie Sophie Carnay, pensionnaire du couvent dont Cécile vient de sortir pour être mariée. Assez vite (en fait, à la lettre VII), Laclos note : « Pour ne pas abuser de la patience du lecteur, on supprime beaucoup de lettres de cette correspondance journalière ; on ne donne que celles qui ont paru nécessaires à l’intelligence des événements de cette société. C’est par le même motif qu’on supprime aussi toutes les lettres de Sophie Carnay, et plusieurs de celles des acteurs de ces aventures. » Heureusement, l’une de ces lettres supprimées par l’éditeur du roman a survécu. Cécile y raconte la nuit que vient de lui faire passer le vicomte de Valmont — nuit par ailleurs narrée par Valmont lui-même (lettre XXVI) et par Cécile (lettre XCVII) à la marquise de Merteuil, qu’elle croit sa confidente. Cette missive à la tendre Sophie Carnay, qui a sans doute partagée avec Cécile les voluptés que l’on n’éprouve qu’au couvent, éclaire d’un jour plus cru les agissements de l’infâme libertin — « un viol, M’sieur ! » trépignaient mes élèves d’Hypokhâgne. Et elles n’étaient pas les seules…

De Cécile de Volanges à Sophie Carnay
1er octobre 17…

Comment te dire ? Comment ne pas te dire ? Je ne sais, ou je ne sais que trop… Que s’est-il passé ? Comment ai-je pu, comment a-t-il osé ? Si confuse sans être affligée… Honteuse, et honteuse de l’être si peu… L’amour… Mais comment parler d’amour ?
Oui, comment te dire ? Ce mystère dont nous avons cent fois parlé, au couvent, n’a plus de secrets pour moi : en un mot comme en sang (1), je suis à présent femme – et très femme, même… oui, ma Sophie, cette nuit, un homme…
Je sens bien que déjà tu voudrais tout savoir, et de l’événement, et de ses circonstances (2). Ce vicomte dont je t’ai déjà parlé, cet être odieux dont les regards narquois me laissaient toute moite… Il est venu hier au soir dans ma chambre, et là… Il me menaçait d’un scandale épouvantable — et ma mère qui dormait de l’autre côté de la cloison ! « Un baiser », disait-il. « Rien qu’un baiser ! » À plusieurs reprises, il m’a bâillonnée de sa main, pour m’empêcher de crier — de frayeur d’abord, de douleur ensuite, de bonheur enfin… Oui, de bonheur : les caresses de cet homme épouvantable avaient bien plus de persuasion que celles de Sœur Suzanne (3), que tu as si souvent partagées avec moi… Mais jamais nos jeux innocents, ou moins innocents… Non, non, jamais je n’éprouvai un tel plaisir. J’en ai honte, bien honte, mais pour être tout à fait sincère, cette honte qui monte à mes joues brûlantes me fait penser à cette nuit, et le plaisir revient avec ma honte. Et déjà je sens que je ne pourrai terminer cette Lettre sans l’interrompre.
Jeux de mains, jeux de vilains, nous sermonnait la Mère supérieure quand elle nous surprenait dans nos ébats. Et nous devions le répéter tandis qu’elle nous donnait le fouet… C’est peut-être vrai face à Dieu, mais tout à fait faux face à un homme. Et celui-là est d’une adresse !… Sa main soulevait une gaze ici, une dentelle là. Le temps d’y penser, et de penser à protester, et j’étais déjà nue. Les baisers sont venus par dessus tout ça, et crois-moi, ils n’étaient pas si âcres que ceux de Saint-Preux : ce monsieur Rousseau n’y connaissait pas grand chose. Et puisqu’il me faut tout avouer, je n’ai pas eu plus de vertu qu’Héloïse : à bon instituteur, tout immoral qu’il soit (4), bonne élève.
Las ! Le souvenir de mon abandon fait remonter en moi celui de la sensation, je ne peux me défendre, aujourd’hui, contre ma propre main. Je m’en vais dissiper un trouble qui s’augmente à chaque mot griffonné sur cette Lettre.
Je reviens à toi, ma Sophie. Epargne-moi de te raconter le reste, je n’y survivrais pas, le souvenir des actes brûle autant que les gestes. Valmont a tout voulu de moi, il a tout obtenu. Il m’a comblée de toutes les manières, et je sais bien que mon Confesseur les réprouverait toutes, si je les lui confessais — ce dont j’aurai garde ! D’ailleurs, le moyen de le lui dire, quand les seuls mots écrits me replongent en enfer, c’est-à-dire au paradis. En tout cas, me voilà bien savante, mais pas assez : il m’a fait promettre de le laisser revenir ce soir, et en vérité, je ne suis déjà qu’attente. Puisque la porte est désormais ouverte, ce n’est pas pour la refermer, n’est-ce pas…
Ce sera lui ce soir, peut-être Danceny demain. Ce n’est que durant les pauses que j’avais le loisir de penser à Danceny, ce qui me désespérait fort — mais dès que le Vicomte revenait à la charge, j’oubliais Danceny, ma mère, ma Sophie, je m’oubliais moi-même.
Sans doute vas-tu bien me gronder, et tu sais combien j’aime à l’être. Oh oui, gronde-moi fort, j’en jouirai de plus belle. Adieu : il me faut à présent écrire une Lettre à Madame de Merteuil : prude comme elle est, je vais devoir jouer la confusion niaise, alors que jamais mes idées n’ont été si claires. En vérité, je te le dis, on a bien raison d’affirmer que c’est ainsi que l’esprit vient aux filles.
Ta Cécile qui t’aime, et qui pour un peu, souhaiterait que tu partages avec le Vicomte et moi la nuit prochaine, et toutes les autres. Comme nous nous amuserions ! (5)

(1) Curieux lapsus calami, — ou errance orthographique bien excusable de la part d’une jeune fille encore pleine de trouble.
(2) Ce goût des alexandrins témoigne bien sûr d’une société hantée de tragédie. Mais aussi d’une mise à distance, d’une théâtralisation de la scène (re)vécue.
(3) Sœur Suzanne, est-ce l’héroïne de La Religieuse ? Mais le roman de Diderot ne parut qu’en 1796. Cette lettre serait-elle apocryphe ?
(4) On se souvient sans doute que les « instituteurs immoraux » est le sous-titre de La Philosophie dans le boudoir, le roman de Sade. Mais ce dernier ne parut qu’en 1795, ce qui confirme la Note précédente : la lettre de Cécile est peut-être un inédit de Sade, qui toute sa vie envia Laclos. Ce que confirmerait les citations de Laclos lui-même don t cette prétendue lettre est truffée.
(5) La suite de la lettre évoque les diverses combinaisons que cette idée suggère à Cécile. Nous avons cru devoir épargner au lecteur un long paragraphe à caractère pornographique, auquel les amateurs suppléeront aisément.

Jean-Honoré Fragonard, Le Verrou, 1777

191 commentaires

  1. Pour répondre à Lormier, à propos du pastiche littéraire, je suis bien incapable d’en faire un aussi bon que celui de Fréry.
    Et quant à celui sur Laclos, je me garderai bien de le juger, ne connaissant pas assez le style du bonhomme que je n’aime pas plus que ça d’ailleurs. Il faut quand même bien connaître un auteur pour pouvoir apprécier un pastiche de ses oeuvres.
    Mais on peut sûrement espérer le mieux, puisque Brighelli, si j’ai bien compris, est un spécialiste de ce roman.

    • Arrêtez deux seconde avec Frery, d’une part, et c’est moi-même qui vous interroge sur votre talent et non Lormier, d’autre part.

      Il n’y a qu’une question : Êtes-vous au moins capable d’en faire un aussi bon que celui de Brighelli ?

      Je ne vous fais pas de procès d’intention, mais ayez l’honnêteté de vous mesurer à Brighelli autrement que par le biais d’un auteur.

    • Sanseverina 26 octobre 2023 At 19h34
      Et quant à celui sur Laclos, je me garderai bien de le juger, ne connaissant pas assez le style du bonhomme que je n’aime pas plus que ça d’ailleurs.

      Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, Brighelli après que vous ayez lu Ça, que nous ayons tous lu Ça, de la part d’une agrégée…

      • Et vous osez venir chouiner, » Bah Sansèv’ elle est pas gentille avec moiii » ?
        Vous savez que c’est un mythe* qui s’effondre en ce qui me concerne…

        Mon pauvre, Brighelli, tout ça pour Ça…

        * Sansèv’

      • (Je suis sûre que vous êtes en crise de fou rire, Brighelli, ça ne mérite rien d’autre. Mais quelle blague !)

  2. On ne pouvait en attendre moins de l’amoureux des Liaisons.
    on se serait sans-doute passé du « sang » (1), mais l’ensemble reste une très plaisante (!) leçon de Lit (sans rature),
    d’un « instituteur » à l’autre – Laclos, le Marquis, Rousseau.
    Quant aux Fragonard, c’est toujours un plaisir !

    •  » Il faut quand même bien connaître un auteur pour pouvoir apprécier un pastiche de ses oeuvres.
      Mais on peut sûrement espérer le mieux, puisque Brighelli, si j’ai bien compris, est un spécialiste de ce roman. »

      C’est si aimable à vous de laisser le petit peuple illettrée, que dis-je inculte et ignare, apprécier le savoir-faire en mode JPB.

      Et sinon, nous feriez-vous l’aumône d’une critique * de « Ruy Blas » ? Quid de Kad Merad, par ex. ?!

      * à condition, naturellement, qu’elle soit bien écrite, en mode agrégée ++ ; ce dont personne ne doute.

  3. Vous êtes inlassablement dans les mêmes sentiments, Marquise Sansèv’.
    Peut-on songer à obtenir de votre part ce que notre désespoir nous prive de moyen. L’objet de notre bonheur commun est d’obtenir de vous une lettre, un pastiche. Nous serions disposés à vous assurer notre repentir…

    • Mais, moi, je ne me suis jamais prise assez au sérieux pour faire le pastiche d’un grand roman!

      • Mouais. Autant Brighelli est intraitable avec l’école, autant il n’a pas présenté ses pastiches comme quelque chose de très sérieux – en accord avec le genre.

      • Un pastiche et non une œuvre, aucune autre gloire en profit que la communion épistolaire « à la manière de », un simple plaisir ludique et si modeste par sa longueur pour se mesurer à celle d’un commentaire. Mais oublions votre injure, Madame, souhaitons seulement que vous consentiez à vous joindre à cette distraction.

  4. Assistons-nous à l’émergence d’une con Fréry des adorateurs du Beyliqueue standard ?

    Y a-t-il un risque crédible de réécriture du R&N par une IA ?

    • La marquise, loin de toute vantardise, se refusant à pasticher, une IA, sans trouillardise, sous les traits de Lormier, capable de parodier ?
      Question d’actualité, que le sirénien du matin, au ton toujours badin, ne pouvait en vérité, éviter de poser.

  5. « …à bon instituteur, tout immoral qu’il soit (4), bonne élève. »

    Laclos a-t-il parfois utilisé le subjonctif avec la locution « tout…que » ?

    Oui.

    Une au-khul-rance:
    « Ce que je vous demande là, tout impossible que cela soit, vous feriez peut-être bien l’effort de me le promettre, de me le jurer même ; mais, je l’avoue, je n’en croirais pas de vains discours. Je ne pourrais être persuadée que par l’ensemble de votre conduite. »

    Lettre CXXXIV.
    La marquise de Merteuil au vicomte de Valmont.

  6. i)Tout agrégé que vous êtes,il y a des oeuvres dont la portée vous échappe.

    ii)Tout agrégé que vous soyez,il y a des oeuvres dont la portée vous échappe.

    iii) Si agrégé que vous soyez,il y a des oeuvres dont la portée vous échappe.

    i) absolument irréprochable
    ii) rejeté par les traditionalistes, accepté aujourd’hui par beaucoup de grammairiens
    iii) irrecevable (on n’est pas plus ou moins agrégé) ; le contraste avec ii) nous montre que « tout …que » n’implique pas forcément de notion d’intensité
    « tout…que » tend à équivaloir à « bien que », dans certains contextes.

    Bien que vous soyez agrégé,il y a des oeuvres dont la portée vous échappe.
    Tout agrégé que vous soyez,il y a des oeuvres dont la portée vous échappe.

    Mais alors, puisque on dispose de « bien que »,pourquoi utiliser « tout… que » ?

    • Mais enfin, Lormier, il n’y a que le mode qui vous choque ? Il y a un monstrueux solécisme par anacoluthe…

      « Tout agrégé que vous soyez, VOUS… ».

      (À moins que ce soit ce que vous vouliez pointer. Mais je ne vous crois pas assez subtil pour procéder ainsi.)

    • Le 2 est accepté parce que nombre de grammairiens — les guillaumiens, entre autres — valorisent la notion d’aspect dans le subjonctif, qui porte avec lui un doute essentiel. En fait, la phrase signifie, en sémantique profonde : « J’ai des doutes sur votre qualité d’agrégé, vous avez dû trouver ,votre titre, dans une pochette-surprise au ministère : peut-être vous rappelez-vous Vincent Peillon, Certifié devenu Agrégé sans qu’on ait jamais trouvé son nom sur les listes des agrégatifs. Et l’ancien secrétaire général du SNALC, Bernard Kuntz, a ainsi bénéficié des largesses de Xavier Darcos — qui s’en est beaucoup voulu par la suite, car le renvoi d’ascenseur ne fut pas bien franc…

      • « Vincent Peillon, Certifié devenu Agrégé sans qu’on ait jamais trouvé son nom sur les listes des agrégatifs. »

        Je crois qu’il a été inscrit sur « liste d’aptitude ». Il existe désormais trois façons d’être agrégé:
        i) par concours externe
        ii) par concours interne
        iii) par inscription sur une liste,c’est-à-dire par piston

        Par conséquent ma remarque « on n’est pas plus ou moins agrégé » n’est plus vraie.

        On ne dirait quand même pas : »Si agrégé que vous soyez… »

  7. Laclos a-t-il parfois utilisé le subjonctif avec la locution « tout…que » ?

    Oui.

    Et Stendhal ?

  8. Il m’a été assez facile de trouver chez Laclos un exemple de « tout…que » avec subjonctif;pour ce qui est de Stendhal,je n’ai rien trouvé.

    Cela ne veut évidemment pas dire qu’il n’y en a pas. Si un bon connaisseur de l’oeuvre…ou quelqu’un d’habile à exploiter les bases de données voulait bien…

    Le jour viendra ,hélas, où « après que +subjonctif » sera accepté;j’espère être mort avant.

  9. Supposons qu’un octogénaire passe devant moi (et devant tout le monde) chez le poissonnier.

    Nul ne conteste sa qualité d’octogénaire,bien connue de tout le voisinage.

    Elle ne lui donne pourtant pas une priorité.

    Je pourrais lui dire: »tout octogénaire que vous êtes, vous devez avoir la patience d’attendre votre tour;si la station debout vous est pénible,allez vous asseoir sur cette chaise,je vous garde votre place. »

    Je ne lui dirais pas » Tout octogénaire que vous soyez… »

    J’en sais plus d’un qui,pourtant,mettrait le subjonctif-sans savoir pourquoi.

  10. Tout agrégé que vous soyez,il y a des oeuvres dont la portée vous échappe.

    Jean-Paul Brighelli 27 octobre 2023 At 19h26
    En fait, la phrase signifie, en sémantique profonde : « J’ai des doutes sur votre qualité d’agrégé, vous avez dû trouver ,votre titre, dans une pochette-surprise au ministère .
    _________________________________________________________________________
    « sémantique profonde »…j’ignorais l’existence de cette discipline. Au fond,il s’agit d’interpréter…sans garantie que l’interprétation ne soit pas tirée par les cheveux.

    Quoi qu’il en soit,reste que l’indicatif s’impose s’il est question d’un fait qu’on ne met pas en doute.

  11. « Ce que je vous demande là, TOUT impossible que cela soit, vous feriez peut-être bien l’effort de me le promettre, de me le jurer même ; mais, je l’avoue, je n’en croirais pas de vains discours. Je ne pourrais être persuadée que par l’ensemble de votre conduite. »

    Et s’il avait écrit:

    « Ce que je vous demande là, SI impossible que cela soit, vous feriez peut-être bien l’effort de me le promettre, de me le jurer même ; mais, je l’avoue, je n’en croirais pas de vains discours. Je ne pourrais être persuadée que par l’ensemble de votre conduite. » ?

  12. l’ancien secrétaire général du SNALC, Bernard Kuntz, a ainsi bénéficié des largesses de Xavier Darcos — qui s’en est beaucoup voulu par la suite, car le renvoi d’ascenseur ne fut pas bien franc…

    Ah bon,il y a des renvois d’ascenseur ?

  13. Nous avons cru devoir épargner au lecteur un long paragraphe à caractère pornographique, auquel les amateurs suppléeront aisément.

    Nous comptons sur Sanseverina pour ce supplément.

  14. « L’adresse » de Valmont ne doit pas se limiter au déshabillage;mais c’est de cette seule adresse que parle Cécile.

  15. « …les caresses de cet homme épouvantable avaient bien plus de persuasion que celles de Sœur Suzanne … Non, non, jamais je n’éprouvai un tel plaisir.  »

    « Le souvenir de mon abandon fait remonter en moi celui de la sensation, je ne peux me défendre, aujourd’hui, contre ma propre main. Je m’en vais dissiper un trouble qui s’augmente à chaque mot griffonné sur cette Lettre. »

    « dissiper un trouble »,mais certainement pas éprouver le même plaisir qu’avec Valmont.

    Emmanuel Berl, en visite chez Proust ,lui dit un jour: »en somme, Maître, vous ne faites aucune différence entre l’amour physique et la masturbation. » (Proust répondit en lui lançant une pantoufle à la figure.)

    • « Je m’en vais dissiper un trouble qui s’augmente »

      Ça, c’est une citation directe de Laclos — dans une autre lettre.

  16. Jean-Paul Brighelli 27 octobre 2023 At 19h26
    En fait, la phrase signifie, en sémantique profonde : « J’ai des doutes sur votre qualité d’agrégé, vous avez dû trouver ,votre titre, dans une pochette-surprise au ministère .
    __________________________________________________________________________

    Considérons cette autre phrase,prononcée par un agrégé

    Tout agrégé que je sois,je reconnais que certaines oeuvres de poètes surréalistes me sont
    impénétrables.

    Difficile de dire ici que cette personne s’accuse d’avoir trouvé son agrégation dans une pochette-surprise;elle ferait mieux de dire « Tout agrégé que je suis… »

    • Oui. Mais le subjonctif met un doute sue la qualité de science infuse de l’agrég…

  17. « Non, non, jamais je n’éprouvai un tel plaisir. »

    Orgasme vaginal,dès la défloration ?

    (Soeur Suzanne ne lui avait-elle jamais mis un doigt ,le poing ? )

    • « …Soeur Suzanne ne lui avait-elle jamais mis un doigt ,le poing ? … »
      Cécile, et sa politesse excessive n’était pas très encourageante en répétant trop souvent :
       » Il n’y a pas de quoi, ma sœur, pour un si petit don.  »
      Oui…

  18. « Valmont a tout voulu de moi, il a tout obtenu. Il m’a comblée de toutes les manières… »

    Explicitons: »de toutes les manières… », c’est-à-dire par tous les trous. Qui sait si Valmont ne serait pas l’inventeur de la pince de homard ?

  19. Jean-Paul Brighelli 27 octobre 2023 At 19h26
     » le subjonctif, qui porte avec lui un doute essentiel.  »

    doute relatif à quoi,exactement ?

    Examinons ce petit texte.

    Il peut arriver au plus grand chirurgien du monde,devant une difficulté insurmontable,de devoir recoudre sans avoir opéré.

    « Tout grand et vénéré chirurgien qu’il fût, le Professeur Foscanatti, voyant l’imbrication de la tumeur dans l’organe,dut renoncer à l’extraire,de peur de tuer le patient. »

    L’excellence du chirurgien n’est pas mise en doute; l’idée est: peu importe cette qualité, il était impossible d’opérer sans tuer le patient.Nul n’aurait pu faire mieux.

    Loin de contester la valeur du chirurgien,je m’incline devant une impossibilité.

    Et,à mon avis,il vaudrait mieux écrire « Si grand et vénéré qu’il fût… »

  20. Il n’y a pas de quoi, ma sœur, pour un si petit don.

    Il n’y a pas de Doigt, ma sœur, pour un si petit KHon.

  21. Cedelle; âme damnée du pédagogisme journaleuxréécrit l’histoire :

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/25/depuis-les-attentats-de-2015-l-ecole-publique-est-surinvestie-d-une-mission-symbolique-regalienne-celle-de-sauver-la-republique-en-danger_6196451_3232.html

    « Mon enquête documente, du ministère aux salles de classe et de professeurs, comment le dénombrement des « incidents » devient ainsi un enjeu éminent jusqu’au sommet de l’Etat. De vives tensions surviennent alors après cet attentat entre le premier ministre, Manuel Valls, et la ministre de l’éducation nationale et de la recherche, Najat Vallaud-Belkacem, celle-ci étant accusée de minimiser le nombre des incidents. Mais il n’existe pas alors d’outil administratif susceptible de faire remonter rapidement au cabinet ministériel ce qui advient sur tout le territoire. L’information passe d’abord par les recteurs d’académie, et la définition même d’un incident varie selon les enseignants, le chef d’établissement, etc. »

    • Hmm… Pour ce que j’en ai su à l’poque, le type de tension entre Najat et Manuel n’était npas de ce type…

    • « L’invasion des émotions comme seule forme d’apprentissage est une régression »

      Yes ! Mais quoi donc ki reste ?

      • « Les scolaires et les curieux d’histoire y trouvent un riche récit… »

        « Les scolaires » ??

  22. Une lettre retrouvée de Cécile de Volanges? L’information est d’importance, car cette lettre n’a jamais été perdue ou oubliée : elle a été volée. C’est LA lettre volée d’Edgar Poe, revisitée par Lacan : on sait qu’elle est compromettante, on la cherche partout en vain, et pendant toute l’enquête elle est là, sous nos yeux, bien en évidence, d’une présence aveuglante à laquelle personne ne prête attention jusqu’à l’intervention du détective génial. Lacan y a brillamment vu une matérialisation de l’Inconscient : « Ça » crève les yeux, mais personne ne voit ou ne veut voir. Eh bien si, justement, allons voir de plus près tout ce que nous dit cette lettre volée/retrouvée de Cécile.

    Et d’abord : Volanges. Lettre volée, lettre volante, lettre vol ange. La femme : flamme sans L (Leiris). Dotée d’ailes ou pas, Cécile vaut l’ange. « Les liaisons dangereuses », ça se lit aussi comme « Les heureuses liaisons d’anges ».
    Donner chair à une narratrice, Brighelli n’en est pas à son coup d’essai (notons au passage que quand Brighelli incarne un personnage féminin, l’homosexualité féminine est toujours sous-jacente puis surgissante). Ici Brighelli usurpe l’identité de Cécile. Il fait l’ange. Il lui donne sa voix. Il vole et il restitue dans le même mouvement, mû par deux injonctions contradictoires. Car c’est bien connu : qui veut faire l’ange fait la bête. Et Brighelli peut être indifféremment le King Kong ou Lange (Jessica) du film de Guillermin, à sa guise. [La dualité consubstantielle à la personnalité de Brighelli est authentiquement baudelairienne : une double postulation simultanée vers Dieu et vers Satan. Cette dualité porte un nom, qui lui sera donné en fin d’analyse.]
    Il reste que sous la plume de Brighelli, Cécile reprend son souffle, déploie ses ailes et re-prend son vol, en imaginant les figures acrobatiques qu’elle pourrait exécuter en s’envoyer en l’air à trois vers le septième ciel, avec Sophie et Valmont. Mais le septième ciel n’est jamais bien loin du septième sceau bergmanien, et la petite mort est près de la grande. L’écriture brighellienne de textes érotiques porte en elle cette dichotomie élévation (le vol)/chute (le sol).

    Que raconte Cécile/Brighelli dans cette lettre ? Ni plus ni moins que son vol. A ce dernier mot il manque la lettre décisive, la lettre volée, qui mettrait un point final (comme un point sur un i) à toute ambiguïté : Cecile/Brighelli raconte le viol dont iel (!) a joui. Les élèves de Brighelli se récriant « Mais Monsieur, c’est un viol » n’avaient pas tort. Un viol qui aboutit – dans la fiction – à un moment de plaisir. L’oxymore ultime. L’occis, mort ultime. Septième ciel et Septième sceau/saut de l’ange de la mort.
    Cécile Brighelli : « Valmont a tout voulu de moi, il a tout obtenu. Il m’a comblée de toutes les manières ». Que peut-on entendre par là? Par là on n’entend jamais grand chose, sauf l’accord parfait « sol do mi » mais sans son aile (Leiris, voir plus haut).
    Le vol continue. Et le triste coeur de Cécile bave à la poupe.

    « Mon triste cœur bave à la poupe ». Rimbaud. Selon certains exégètes, le jeune Arthur désireux de participer à l’insurrection de la Commune de Paris, aurait été à cette occasion victime d’un viol collectif, épisode tragique qui aurait donné naissance à ce poème, intitulé….je vous le donne en mille… »Le cœur volé ». Et dans ce poème Rimbaud emploie à plusieurs reprises l’adjectif « ithyphallique » à l’allitération transparente. Lettre volée, coeur volé, vol de l’ange Volanges…Échapper à l’attraction terrestre, l’élévation plutôt que la chute, l’envol plutôt que l’écrasement au sol, I comme Icare, I comme Ithyphallique, le i manquant au cœur « volé » sans doute…
    Quand il écrit, Brighelli, virtuose du palimpseste, inconsciemment ou pas, convoque sa grande culture littéraire, et elle se présente toujours au rendez-vous : ici, il est plus que probable que le coeur v(i)olé de Rimbaud fait écho à l’innocence (en)volée de Cécile Brighelli. Et c’est par Rimbaud qu’apparaît, dans le champ thématique, l’homosexualité masculine qui fait écho à l’homosexualité féminine évoquée plus haut.
    Car Brighelli ne cesse de brouiller les cartes et de jouer sur la confusion des genres : capable de parler en femme et d’exprimer ce que ressentent les femmes sans que la supercherie soit découverte, et simultanément capable d’assumer son rôle de mâle alpha apparemment sûr de lui et dominateur.
    A ce point de l’analyse, il est clair que la dualité quasi-baudelairienne de Brighelli peut maintenant être nommée : tout dans l’écriture brighellienne montre qu’il est bi.
    Iel est Cécile et iel est Rimbaud.
    A l’appui, deux éléments incontestables :
    – l’obsession, déjà maintes fois signalée, de la sodomie qui annule symboliquemnt la différence de traitement homme-femme. Brighelli, qu’apparemment la Nature a bien armé, peut à bon droit pasticher le Stéphane du nom opposé : « Je suis hanté, l’anus, l’anus, l’anus, l’anus ! »
    – j’ai déjà évoqué le Brighelli virtuose du palimpseste. Le terme est peut-être impropre : mieux vaudrait parler d’intertextualité. Et quand on sait ce qu’il est capable d’écrire, quand on connaît un peu les œuvres de l’animal (la Bête King Kong qui fait l’Ange et inversement…), on passe très vite de l’inter-textualité à l’inter-sexualité. Évidemment.

    La lettre volée de Cécile-Arthur Brighelli de Volanges-Rimbaud a donc désormais été retrouvée par le détective-analyste, et elle a révélé tous ses secrets.
    Brighelli n’est pas trans-genre, il n’a pas à choisir. Il prend tout, en brouillant les pistes, mais non sans se poser – dans son inconscient – des questions. C’est de toute évidence un homme déconstruit. Sans aucun doute l’homme idéal aux yeux de Sandrine Rousseau (« Je vis avec un homme déconstruit et j’en suis très heureuse »). Et si cet homme, c’était….

    Merci de votre attention.

    • Je précise à toutes fins utiles que ce qui précède est la suite et fin de la psychanalyse sauvage et peut-être drôlatique de Brighelli.
      Merci de votre attention.

      • Si vous aussi en convenez, alors c’est du très haut niveau.
        Privés des pastiches de Sanseverina, avec les psycho-sémanalyses de Prophète Mao nous ne perdons pas au change.
        Au fait, Brighelli, savez-vous qui se cache derrière ce pseudonyme ? Le ou la connaissez-vous ?

  23. Jean-Paul Brighelli 28 octobre 2023 At 13h58
    Oui. Mais le subjonctif met un doute sue la qualité de science infuse de l’agrég…
    _________________________________________________________________________

    Peut-être avait-il cru que décrocher l' »inatteignable » agrégation, ce serait comme obtenir la clef magique donnant accès à toutes les oeuvres.

    S’il avait dit: « J’ai beau être agrégé, je dois reconnaître que certaines oeuvres de poètes surréalistes me sont impénétrables. » je ne pense pas que l’interprétaion eût été foncièrement différente.

    De même,avec
    « Tout agrégé que je SUIS,je reconnais que certaines oeuvres de poètes surréalistes me sont
    impénétrables. »

    On pourra toujours tortiller des fesses ou danser le French cancan, y a pas à tortiller:il est agrégé, c’est un FAIT et le subonctif est,dans cette phrase,impropre.

  24. S’il vous plaît Monsieur, allez lire mes poèmes, j’ai très très peu de relais, ça me fait déjà plaisir quand un intellectuel ou un écrivain me lit. poesie44.over-blog.com Il y a du sexuel, du social, et même du spirituel.

      • Franchement, il faut tous les lire, dans leur diversité tour à tour pornographique, réactionnaire… bigote, décadente… donc permettez-moi de vous faire l’affront de vous renvoyer encore une fois à poesie44.over-blog.com, c’est une cinquantaine de sonnets, et je n’ai que 31 ans.

        • Un seul exemple, « Yvonne-Aimée de Malestroit », quand je suis dans mes bons jours, bonne soirée.

          L’était un peu boulotte, et un air essoufflé
          Une voix distinguée et un regard de femme
          Un peu triste, et consciente des problèmes et des drames
          Des roses avaient poussé de sa chair boursouflée

          Des lys apparaissaient dans sa chambre insufflée
          De la présence du Christ, et au cœur une flamme
          L’habitait constamment, ou les griffes infâmes
          De Satan, en pleine nuit, venaient sa peau enfler

          Elle avait tant lutté pour les pauvres, pour la France
          S’invitant dans les soirées pleines de démence
          Ou cachant quelques résistants dans son couvent

          Oui, Jésus la chargeait d’aller récupérer
          Des hosties profanées chez des violeurs timbrés
          Ou, dans les bidonvilles, soigner aux quatre vents »

          • C’est pas mal. il faudrait encore un peu bosser la prosodie. Faites gaffe au « e » non caduc et par pitié, n’en collez pas à la césure !

  25. Jean-Paul Brighelli 28 octobre 2023 At 13h59
    « Je m’en vais dissiper un trouble qui s’augmente »

    Ça, c’est une citation directe de Laclos — dans une autre lettre.
    tours ?
    Hum…Votre mémoire vous ouerait-elle des tours ? Nous ouerait-elle des

  26. Les « marchands du temple » ont depuis lurette tout envahi – Dans la Latium, certains endroits (comme Caprarola), sont peut-être un petit moins fréquentés, et on ne se hasarde pas, par ex, à vendre des licornes en porte-clés ; mais allez savoir – J’apprécierais beaucoup que Sanseverina nous parle de l’Italie.

    En ce qui concerne les « glaciers qui fondent », l’on peut constater, à la lecture de « Personne ne meurt à Longyearben », un polar quelque peu réfrigérant (sans émission de gaz à effet de serre), que les ours blancs, se portent toujours aussi bien au Svalbard ;
    et quand prend l’envie à un local de s’aventurer un peu plus loin que les très très rares coins habités, non seulement il doit en prévenir les autorités, faire connaître le trajet qu’il compte emprunter, ne pas oublier son portable (fort utile dans certaines conditions !) comme… son fusil, dont il doit avoir appris à se servir : il peut arriver que les ours blancs ne fassent pas de quartier (surtout en cas de disette).

  27. Une fois encore, on ne peut que tresser des lauriers au Prophète M m ;
    ces lauriers qui furent couronnes destinées (!) aux poètes dans la Grèce antique – le laurier étant dédié à Apollon (étonnant, non !)… avant de devenir « laurea insignis ».

    Le Prophète : un.e agrégé.e qui lassé.e de son estrade, l’a lâchée pour un simple fauteuil, à l’écoute (c’est un vrai changement) de quidams allongés sur un divan ?
    Encore une QQRSR.

    • Effectivement la pseudo-psychanalyse de 14h est brillante, mais on ne sait plus très bien si c’est une blague ou bien si c’est du sérieux !

        • A la prochaine occasion, dites-le à Prophète Mao, car c’est un grand compliment.

          Lordon (et bien d’autres avec lui) essaie d’ouvrir le champ des possibles.
          C’est beaucoup plus stimulant que de se résigner à l’insatisfaction ou de se complaire avec cynisme dans le confort d’une médiocrité morose.

          • Si Lordon essaie d’ouvrir le champ des possibles, qu’il prenne (jeune) garde de ne pas enlever les haies qui l’entourent. Le crime écocide n’est pas loin…

          • Faute d’arrosage, en effet. Je ne suis pas loin de penser que vous êtes au nombre de ceux qui s’ingénient à fermer systématiquement les vannes d’arrivée d’eau.

          • Il est interdit d’arroser les champs des possibles car cela nuit au remplissage des nappes frénétiques

  28. Quartier(s), pas de quartier ! :

    « Partout où il y a une jolie femme l’hostilité est ouverte. Pas de quartier, guerre à outrance ! Une jolie femme est un casus belli ; une jolie femme est un flagrant délit. Toutes les invasions de l’histoire sont déterminées par des cotillons. La femme est le droit de l’homme. » (VH)

  29. Jean-Paul Brighelli 28 octobre 2023 At 15h52

    J’ai cité de mémoire…

    Le pastiche obéit-il à des règles ? S’il n’y en a pas ou peu,je suis sûr que des gens comme abcclim sont tout disposés à en écrire.

    A-t-on le droit,dans un pastiche,d’insérer des citations (de l’auteur qu’on imite) en les détournant et/ou déformant ?

    • Oui, c’est vrai cela ! Où sont passés Maurice et Virginie ? Se serait-il enfin rendu compte que vous vous foutiez de sa gueule ?

    • « A-t-on le droit,dans un pastiche, d’insérer des citations (de l’auteur qu’on imite) en les détournant et/ou déformant ? »

      Les « Poésies » de Ĺautréamont sont en grande partie fondées sur cette liberté qu’Isidore Ducasse n’a pas hésité à prendre.
      Reste à savoir si ces « Poésies » sont un pastiche. Débat sans fin, et pain béni pour les psychanalystes.
      Merci de votre attention.

  30. « nombre de grammairiens […] valorisent la notion d’aspect dans le subjonctif, qui porte avec lui un doute essentiel »

    Lormier, Massalia ? Personne pour réagir ? Brighelli confond aspect (expression du développement du procès : perfectif/imperfectif, sécant/non-sécant, inchoatif…) et modalité (expression de l’attitude du locuteur par rapport à son énoncé : réel, éventuel, potentiel, irréel…).

    Je ne suis pas bien sûr qu’un mode (verbal) puisse, en français, exprimer un aspect – notion du reste peu structurante dans notre langue.

  31. Dugong 28 octobre 2023 At 18h45

    Elle est marquée la ménopausée sur la photo.

    Rappelons que pour l’éminent Professeur Fischer,les ménopauses précoces consécutives aux injections d’ARN messager n’empêchent pas de concevoir ni d’enfanter.

    PS Apparemment Pfizer va dérouiller dans les tribunaux ,non à cause des effets néfastes de sa mixture,mais parce qu’il a vendu un produit « frelaté » (traces de palsmides non déclarés lors de la vente.)

  32. « Puisque la porte est désormais ouverte, ce n’est pas pour la refermer, n’est-ce pas…»

    Sauf si on est pétri de culpabilité askhé depuis sa plus tendre adolescence. Une fin d’après-midi de mai 2008, j’avais 16 ans, j’étais sur le quai du métro Pont-Marie, j’attendais un ami. Tout à coup s’approche de moi une jeune fille sublime brune aux yeux gris et me demande:
    – Salut, j’ai un rendez-vous, c’est toi Yann ?
    – …Euh.. non…
    – Ah… bon, excusez moi… au revoir.. »

    • ashké…pardon.

      Il m’arrive souvent de penser à elle…et à chaque fois je me dis:
      « Elle n’était pas mon genre..elle n’était pas mon genre..elle n’était pas mon genre..»

  33. Lormier 27 octobre 2023 At 19h15
    Il m’a été assez facile de trouver chez Laclos un exemple de « tout…que » avec subjonctif;pour ce qui est de Stendhal,je n’ai rien trouvé.

    Cela ne veut évidemment pas dire qu’il n’y en a pas. Si un bon connaisseur de l’oeuvre…ou quelqu’un d’habile à exploiter les bases de données voulait bien…

    Le jour viendra ,hélas, où « après que +subjonctif » sera accepté;j’espère être mort avant.

    – « Telle avait été en tout ceci l’innocence du professeur que beaucoup de Coustous, dont aucun n’avait voulu assister au mariage, affectèrent de répondre à son salut après qu’il eût trahi. » (Mauriac, Génitrix)
    – « Après que tu m’aies abandonnée, j’ai d’abord fui le couvent pour la montagne. » (Camus, La Dévotion à la croix)
    – « Si elle n’osait pas dire quelle place il occupait dans son cœur, ses lettres me le laissèrent apprendre après qu’il l’eût quittée à jamais, et aussi certain éclat de larmes, au lendemain de l’enterrement de mon père. » (Colette, La Naissance du jour)

    Nous dit-on : « Le grammairien Beauzée (fin 18ème siècle) considérait que la locution « après que » appelait le plus volontiers le subjonctif dans la mesure où l’événement de la subordonnée était plus ou moins hypothétique ou conditionnel par rapport à celui de la principale ».

    Dans ta face, Lormier ! Dans votre face à tous (Zorglub compris ) !

    • Les exemples de Colette et de Mauriac sont probablement des coquilles. Il est facile de confondre avec le passé antérieur. Le correcteur n’a pas fait son boulot.

      • Il n’est pas difficile de comprendre cet angle « que + ind. » apparut dans la langue dans le courant XIXème, volontairement pris par Stendhal pour asseoir son style résolument moderne et que cette buse bouffie de prétention peine à trouver dans ses textes.

    • Cette règle antérieure ne prime peut-être pas mais il faut être un sacré mange-merde ayant une très haute opinion de lui pour considérer « que + subj. » comme étant erroné.

      Enfin.. Beauzée est mort avant d’avoir lu les âneries d’une grosse plouc « endiplômée qui s’imagine » être au-dessus de Camus, Colette et Mauriac, dans ses savoirs : on s’en réjouit pour lui.

      •  » il faut être un sacré mange-merde ayant une très haute opinion de lui pour considérer « que + subj. » comme étant erroné. »

        Qui affirme cela ? La règle concerne la locution « après que », c’est tout. Et cette règle est clairement établie. Ce n’est pas parce que Colette, Mauriac ou Camus l’ont un jour transgressée qu’elle devient caduque.

        Quandoque bonus dormitat Homerus.

        • Qui affirme cela ?

          « Lormier : « Le jour viendra ,hélas, où « après que +subjonctif » sera accepté;j’espère être mort avant. »

          « Sera acceptée »… Ce qui signifie que cette conne ne la tolère pas, qu’elle n’est même pas considérée comme tolérée dans sa tronche de ploukesse.

          • Qui est « cette conne » ?
            Je m’y perds, parfois, dans les suppositions de sexe des uns et des autres.

          • [Tu nous la torcherais en espagnol (ta langue de prédilection, n’est-ce pas), que tu ne pourrais plus revenir pérorer sur ce que tu considères être les impairs de Brighelli…]

    • De la part de Merteuil qui maîtrisait mieux la langue que Lormier son VAE :
      « Madame de Volanges marie sa fille : c’est encore un secret ; mais elle m’en a fait part hier. Et qui croyez-vous qu’elle ait choisi pour gendre ? Le comte de Gercourt.  »
      (En lettre deux, Bouffonne !)

  34. plasmidique ARN messager
    Données avérées et reconnues officiellement:

    20/10/23

    In what one scientist described as an “admission of epic proportions,” Health Canada on Thursday confirmed the presence of DNA contamination in Pfizer COVID-19 vaccines, and also confirmed that Pfizer did not disclose the contamination to the public health authority.

    The DNA contamination includes the Simian Virus 40 (SV40) promoter and enhancer Pfizer did not previously disclose and that some experts say is a cancer risk due to potential integration with the human genome.

    https://childrenshealthdefense.org/defender/canada-dna-contamination-pfizer-covid-vaccine/

    Ceci va peut-être permettre d’attaquer Pfizer devant les tribunaux,pour tromperie sur la marchandise;

    Espérons…que Pfizer et Moderna soient condamnés à payer une partie des gigantesques compensations à verser aux victimes des injections;cela soulagera quelque peu le contribuable.

  35. Rappels divers:
    i) les nano-particules lipidiques sont en elles-mêmes néfastes (irritantes….)
    ii) la production de spicules à la suite de l’injection n’est absolument pas maîtrisée ni maîtrisable. (durée,quantité,lieux où elles se répandent);ces spicules sont hautement pathogènes
    iii) et maintenant il s’avère que la mixture est contaminée par de l’ADN plasmidique

    Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’accidents ?
    i) premièrement,on ne connaît pas précisément le nombre d’accidents,les autorités faisant tout pour masquer et trafiquer les statistiques;rappelons qu’un accident survenu moins de deux semaines après l’injection est classé comme affectant un non-vacciné
    ii) deuxièmement, les lots de « vaccins »sont hétérogènes;vous avez peut-être eu la chance de tomber sur un lot ne comportant pas ou pas beaucoup de substance active.

  36. « tout…que » rappel et complément
    i) Je n’ai pas réussi à trouver chez Stendhal d’exemple de cette locution accompagnée du subjonctif (« tout amoureux qu’il fût »). Si un bon connaisseur de l’oeuvre peut en fournir un, je serais vivement intéressé.
    ii) Jacqueline Pinchon (la meilleure grammairienne du XXième siècle,selon le Maestro-qui s’y connaît et qui assura ses TD) ne considère pas cet usage comme fautif.
    iii) Pour ma part,je préfère m’en tenir à ce qui m’a été enseigné: »tout …que » gouverne l’indicatif ; on énonce un fait et on précise que ce fait n’empêche pas que…
    « Tout agrégé que vous êtes,vous ne savez pas tout »
    « Vous avez beau être agrégé,vous ne savez pas tout. »
    Si maintenant je veux exprimer,dans une tournure concessive la notion que quelle que soit l’intensité de telle ou telle caractéristique, cela n’empêche pas que, je dispose de bien d’autres tournures:
    exemple: « Pour grands que soient les rois,ils sont ce que nous sommes. »
    « Si fortunée qu’elle soit,elle ne peut tout acheter. »

    Je ne vois donc pas la nécessité d’employer le subjonctif avec « tout …que »

    • ii) Jacqueline Pinchon (la meilleure grammairienne du XXième siècle,selon le Maestro-qui s’y connaît et qui assura ses TD) ne considère pas cet usage comme fautif.

      Et bien quand Zorglub intervint pour le signaler comme une faute sans appel, scandalisé qu’il était, arguant qu’elle lui fut enseignée en sixième, tu t’es faite absente subitement.
      Toi, Brighelli et les quelques autres agrégés qui gravitaient, TOUS se sont faits porter pâle, vous aviez TOUS oublié Pichon et son statut de meilleure grammairienne de-la-mort-qui-tue.

  37. gerard (qui, si j’ai bien compris, est une femme), est en train de nous dire (si j’ai bien compris) que Lormier en est une aussi.
    Le brouillage des genres et des sexes sur ce blog est tout-à-fait passionnant.
    Je reste très attentif aux productions des un(e)s et des autres, et le moment venu peut-être vous proposerai-je quelque nouvelle psychanalyse sauvage.
    Merci de votre attention.

    • Vous n’êtes pas au bout de vos surprises.
      Ne perdez jamais de vue que vous avez affaire à de grands amateurs de la geste de Merteuil et de ses manigances, de ses accords secrets et son goût immodéré pour manoeuvrer à l’aide de complices (de plum’ ?) untel ou unetelle, mais surtout unetelle pour ce qui nous concernerait…
      Brighelli a produit encore récemment un contrat SM faisant apparaître des clauses pour le moins particulières. Et quand vous avez lu son Dolorosa Soror, le roman fait mention de ces règles qui régissent le comportement que se doit avoir une soumises vis à vis d’une autre soumise en la présence de cet amant sadique, règles qui ne sont pas liées aux positions voluptueuses, horizontales ou non qu’elles devraient adopter mais à celles sociales où lui s’engage en secret à ne jamais en contredire la numéro 1 devant la numéro 2, même dans ses torts les plus avérés ; la numéro 2 ignorant l’accord passé et essuyant en permanence ces humiliations qui font le bonheur de J.P., personnage du roman, qui se confond si bien par ses moeurs à notre hôte.

    • Vous perdriez votre temps à discourir sur le sexe des anges.
      Mais là, nous avons à faire à de véritables démons ; incubes ou succubes ? Nous comptons sur vous pour enfin savoir.

      • Dans le passé (et bien avant les pastiches) le Maestro a utilisé plusieurs fois le subjonctif avec la locution « tout…que »;il me semble même qu’il s’en était expliqué; c’est un usage qu’il affectionne et cette affection est partagée par Jennifer Cagole.
        Dans le pastiche récent de Stendhal, on voit encore un exemple de cette forme « Tout amoureux qu’il fût ou qu’il se crût ».
        Est-ce une imitation du style de Stendhal, ou est-ce purement brighellien ?

      • Le mystère Gérard/Flo sera particulièrement difficile à éclaircir : passer de la multiplication des fautes aux subtilités grammaticales haut-de-gamme, ça laisse pantois ; de même que son amour-haine pour qui vous savez.
        Quant à l’IA, on pourrait se contenter de « iel », mais l’honneur vous revient de creuser plus avant.

        • « de même que son amour-haine pour qui vous savez. »

          Il n’y a que pour sa plume et ses tournures d’esprit que je nourris une certaine admiration. Ses positions politiques à géométrie variable, son pro américanisme primaire qui se dévoilent dans son funeste projet de certif’ de fin d’études en contradiction complète dans sa lutte contre les pédagos , ne se contentent pas de m’exaspérer mais déclenchent chez moi une colère noire que vous pouvez qualifier de haine, en effet. De cette haine que ressentirait une personne trahie par un tiers en qui elle avait placé toute sa confiance, de la haine que l’on nourri contre les traîtres.

          • nourrit *
            (Contrairement à WTH, je n’utilise pas de correcteur orthographique avant parution — je me l’interdis — et qui, sans cet outil, serait très certainement considérée au même niveau que le mien )

          • Je n’ai pas de correcteur orthographique, espèce d’abruti.e !
            C’est bien pour cela qu’il m’arrive, plus souvent que d’ordinaire (âge ? manque d’attention ?) de faire des fôtes !

          • Imbécile ! Si vous reconnaissez faire des fautes vous-même, gardez-vous dans ce cas de mentionner les miennes pour me définir ou êtes-vous trop conne pour le comprendre.

          • « Je n’ai pas de correcteur orthographique »

            Waf Waf Waf, mais ce qu’on se marre !

            Pour l’avoir déjà signalé, on a repéré ces fameux retours à la ligne suspects qui se manifestaient en milieu de phrase dans vos longs commentaires. Grillée, cocotte, tu es grillée.

  38. On vient d’inventer un parapluie révolutionnaire:il vous protège des fortes pluies,mais pas des averses fines (qui ne mouillent pas beaucoup).

    • Kikaosé ? le Maosaittout et son (ses) accoluthus,
      ce vendu à l’Amérique-que, ce « traitre », ce « pro certif » et j’en passe !

  39. Pardon, c’était une blague ridicule. Mais pour de vrai, juré craché, je ne suis pas Lormier. Juste un quidam exprimant en passant son opinion sur un point de grammaire.

  40. WTH 29 octobre 2023 At 17h01
    Quoi t’est-ce une « position politique » ?
    Les gens veulent savoir

    Vous aurez la réponse quand vous ne ferez plus de faute et que vous cesserez d’utiliser World avant de faire paraître vos commentaires. En deuz, vous pouvez faire une réclamation en privé auprès de Brighelli. Si si, vous lui ferez plaisir. En troiz : on ne vous pas sonnée, même si vos interventions ne rencontrent pas les succès que vous escomptiez (et les réflexions que Lormier peut en faire ne sont pas considérés comme des succès, loin s’en faut) occupez-vous de vos oignons, ça vous changera.

  41. Flo :
    « Dans votre face à tous (Zorglub compris ) !

    Et bien quand Zorglub intervint pour le signaler comme une faute sans appel, scandalisé qu’il était, arguant qu’elle lui fut enseignée en sixième, tu t’es faite absente subitement.  »

    Il faut être timbrée pour envisager que j’aie pu avoir un avis sur de tels points linguistiques.
    C’est très largement en dehors du champ de mes maigres compétences.
    Je suis plus porté sur la mécanique auto et l’orientation en milieu hostile.

    Néanmoins, je vous salue depuis un bivouac de rêve au sommet d’une colline dans les zones forts arides de la frontière syrienne, pas si loin de Kobane.
    La lune est pleine et rousse, la température parfaite, quelques chacals hurlent au loin.
    Agréable après des semaines passées au bords des neiges entre 2000 et 3000 m.

    Je ne rentrerai que pour rejoindre mon oasis perdue dans les sables mauritaniens.

    Imaginez comme l’usage du subjonctif m’émeut …
    Il semblerait du côté de ce blog que la vie des intervenant en dépende.

    J’ai des préoccupations bien différentes.
    Dans les montagnes du haut Kurdistan, j’ai été régulièrement importuné par des ours, parfois à moins de 20 mètres. Les loups restaient au loin, ils se contentaient de me faire savoir que j’étais chez eux. Je n’en suis jamais disconvenu, par politesse élémentaire autant que par prudence.

    • « Il faut être timbrée pour envisager que j’aie pu avoir un avis sur de tels points linguistiques. »

      Hélas, vous l’avez eu. Mais c’est chouette de vous lire ! Je savais que vous n’étiez pas loin à superviser le blog en sous-marin. Vos interventions manquent à ce blog, vous savez. En espérant que vous ayez la générosité dans l’avenir de nous partager votre aventure.

      PS : Les ours du Kurdistan sont homosexuels, il tout naturel qu’ils s’approchent à moins de vingt. Au-delà de cette limite, il vous est recommandé d’avoir sur vous, en permanence, un petit pot de crème grasse au fond de la poche ou à portée immédiate.

  42. Flo, je cède à votre insistance.
    Je ne sais hélas produire que de piètres ego-trips.

    IAL pourra s’en donner à cœur joie et relever impropriétés, poncifs et barbarismes.
    J’m’en tape …

    Dans la version traitement de texte, les flashback sont en italique, c’est plus joli et lisible … Je les ai remplacé par des _ /…/ _

    JPB si ça vous dérange, supprimez le post qui suit, je ne m’en offusquerai pas.

    • Lundi 26 septembre.

      Je quitte de bon matin un bivouac de rêve dans les collines arides qui surplombent la vallée de l’Euphrate. En arrière-plan, à l’est et à l’ouest, se déroulent de longues chaînes de montagnes dépassant les 3000 m au pied desquelles sont nichés de petits hameaux qu’on repère avant tout par les taches vertes des arbres qu’on entretient depuis toujours. Elles rompent le doré des blés moissonnés dans les rares petits plateaux cultivables. C’est dans l’un de ces champs que je me suis installé.

      Les pentes sont occupées par de maigres pâturages bien desséchés à cette saison et souvent de vastes étendues de terre nue. Pour la plupart ce sont des cendres volcaniques qui prennent des teintes improbables et très changeantes parfois à de faibles distances. Alternent des verts émeraude, des pourpres maléfiques, des bleus délavés et parfois des blancs éblouissants.

      Je poursuis la petite piste qui saute d’un relief à l’autre avec des pentes abruptes et des successions de lacets qu’il faut enrouler afin que les roues ne patinent pas. Dans les zones rocheuses, le paysage en entaillé de canyons. Certains font seulement quelques mètres de large, bordés par des falaises polies par le temps. On devine la fureur des torrents à la fonte des neiges. Au fond de ceux-ci, et parfois sur leurs flancs, profitant de petites failles, quelques arbustes se défendent chèrement.

      J’ai choisi de faire une vaste boucle afin d’éviter la route principale et de profiter de la sérénité de la campagne.

      _ Nous avons vu se réaliser les gigantesques travaux d’infrastructure des années 2000. Ils n’ont pas ménagé le paysage. Les Turcs ne font pas les choses à moitié ! Ils n’ont pas hésité à découper des montagnes, combler des vallées, créer des rampes dantesques afin de construire ces vastes routes à quatre voies qui relient désormais les villes principales. Y rouler est un pensum. La conduite locale est hasardeuse, au détour d’un virage il n’est pas rare de rencontrer un camion arrêté sur la chaussée, un vieux tracteur tirant laborieusement sa remorque sur la voie de gauche ou une vache qui médite. Les contrôles de vitesses sont fréquents, et les limites varient sans cesse en dehors de toute logique. On passe de 110 à 82 (?) puis à 90 et soudain à 54 km/h. Pour ne rien arranger la police routière n’est dorénavant plus corruptible.
      Je hais ces blessures qui ont dévasté des perspectives qui furent éblouissantes._

      Je finis par rejoindre par nécessité l’une de ces cicatrices afin d’atteindre le village de Kemaliye.

      Ce gros bourg est le centre d’une attraction touristique incontournable, le Taş Canyon.

      La profonde gorge de l’Euphrate est aujourd’hui inondée par un barrage. Les eaux ont noyé les nombreux affluents et sur la carte elles dessinent une pieuvre dont les tentacules coupent le paysage sur des dizaines de kilomètre. Je n’ose imaginer combien de tranquilles villageois ont été délogés de leur quiétude. Des canaux alimentent les vastes plaines du sud jusqu’à Batman et Diyarbakır à une centaine de kilomètre. On y cultive le coton et les céréales, cette maîtrise de l’eau est une source de tension historique avec l’Iraq qui a été privé d’une part importante de cette ressource.

      Dans le canyon, on a creusé une route en encorbellement qui rejoint la petite ville de Divriği.

      _J’ai des souvenirs très particuliers de ce lieu. Nous l’avons visité en famille il y a fort longtemps. À cette époque seule une piste cahoteuse la raccordait au monde.
      On y trouve un hôpital psychiatrique du XIIème siècle dans lequel les soins étaient prodigués dans un grand bassin occupant la cour centrale. La mosquée seldjoukide possède une architecture très particulière. Les décorations en rond de bosse sont uniques, exubérantes. Des oiseaux bicéphales et des motifs floraux ornent les extérieurs. À l’intérieur une profusion de formes géométriques complexes qui ne se répètent jamais sont sculptées dans la pierre tendre. Elles décorent piliers et voutes.
      .
      Nous arrivons en fin de journée, couverts de la poussière de la route collée par la sueur.
      Dans ce gros bourg un peu oublié, un seul hôtel plus que décrépi. Nous y prenons une chambre familiale. En ces temps reculés les draps propres étaient rares en dehors des villes principales. Et l’eau chaude pas moins, or même en été les sources qui alimentent les villages restent glacées.

      Nous nous attendions au pire et n’avons pas été déçus. Après avoir fait changer les draps souillés du pire afin de les remplacer par des haillons propres, nous avons pris possession de notre palace d’un soir. Les toilettes de l’immonde salle de bain empestaient d’une puanteur ammoniaquée poisseuse et prégnante. Et surtout, la seule eau disponible était brûlante. Les chauffe-eau solaires étaient déjà très fréquents en Turquie. Le soleil est accablant et les températures atteintes proches de l’ébullition. Par l’un de ces mystères de la plomberie locale, seule l’eau chaude était raccordée.
      L’espoir d’une douche s’est bien vite estompé._

      Le Taş Canyon est un incontournable de la région, une piste étroite d’une quinzaine de kilomètres construite en encorbellement à flanc de falaise, à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du cours de l’Euphrate. Les parois sont vertigineuses, plusieurs centaines de mètres de calcaire blanc avec au fond le vert de l’eau semblant contrefait tant il est intense.

      Les premières centaines de mètres du Taş Canyon sont prometteuses, la route taillée à flanc de rocher est si étroite qu’il me faut plier le rétroviseur gauche. Elle surplombe le fleuve, les parois sont abruptes.

      _Elle m’évoque les délices vertigineux des routes de montagne du Tadjikistan. Dominer sa peur pour en jouir, se concentrer sur la conduite tout en profitant du paysage.

      Et puis un lointain souvenir me revient. Nous étions en famille dans la région de Kara Deniz, sillonnant les profondes vallées, parcourant les alpages qui n’ont rien à envier à ceux de Savoie. Seuls de petits minarets métalliques brillant au soleil comme des fusées s’apprêtant au lancement rappellent qu’il ne faut pas chercher de clochers.

      Nous étions au fond d’une vallée profonde et très étroite. Un panneau peu lisible indique une chapelle byzantine en contre-haut. Certaines sont des splendeurs, souvent en partie troglodytes et ornées de fresques du Xème siècle.
      Un petit sentier terreux serpente sur les flancs très raides du coteau. Nous montons vite, la fin de l’après-midi approche. C’est éprouvant et la pente est de plus en plus forte. Après une grosse demi-heure nous atteignons une petite piste et nous distinguons enfin la chapelle beaucoup plus haut.
      En quelques instants l’orage arrive, c’est fréquent en Mer Noire. Le sentier s’est transformé en toboggan glissant. Or nous n’avons pas pris la peine d’enfiler des chaussures correctes. Vu d’en haut la pente est effrayante, et pas un arbuste auquel se raccrocher. M. ma compagne et P. notre fille qui est encore jeune paniquent à l’idée de la descente sur ce terrain glissant. Il est clair qu’une chute serait sans fin. La nuit n’est pas si loin.

      Avec A. notre fils, nous décidons de nous lancer prudemment afin de rejoindre la voiture. Il sera alors facile d’atteindre l’embranchement de la petite piste et de rejoindre les filles. À chaque pas le pire peut survenir, le terrain est gras, sans adhérence. Nous nous encourageons à la prudence comme nous l’avons longtemps fait par la suite avant de se lancer dans un couloir en ski.

      Laborieusement nous rejoignons la route et trouvons le départ de la piste après plusieurs kilomètres.

      Tout semble sous contrôle. Après une série de lacets qui nous conduisent assez haut, la piste devient de plus en plus étroite, taillée dans le rocher au-dessus d’une falaise d’une bonne centaine de mètres. Bien entendu pas de parapet. Tous les deux ou trois cents mètres une maigre espace laisse espérer qu’un croisement sera possible.
      Désormais le rétroviseur gauche plié frôle la paroi tandis que les roues droites sont à dix centimètres du vide. La route est très sinueuse suivant les replis de la falaise. Le sol est rocheux et bien entendu glissant de l’averse qui a déjà cessée. Les cahots font sursauter.
      J’ai la stupide idée d’envisager la nécessité d’une marche arrière … La tension monte. Dans les courbes, par la vitre ouverte, penché au-dessus du vide, A. vérifie que les roues restent sur la piste.

      Nous sommes encore forts loin du lieu où nous attendent les filles. Stupidement, je perds confiance.

      Un espace de croisement un peu plus large que les autres m’incite à faire demi-tour. La manœuvre est périlleuse et fort longue. L’arrière de la voiture déborde largement sur le précipice, tandis que le parechoc avant est collé au rocher. A. me guide. Au total, il est plus serein que moi. La force de la confiance qu’on accorde à son père durant la jeunesse.

      Nous entamons le retour au point de départ du sentier, enfilons des chaussures à crampons et prenons celles de filles dans un sac à dos. Je coupe de forts bâtons qui nous aideront à gravir la pente. Nous rejoignons M. et P. qui commencent à s’inquiéter, la nuit est proche.

      Bien vite, le sol s’est un peu asséché et nous descendons en famille prudemment, mais tranquillement._

      J’en suis donc là de mes divagations tandis que je parcours seul le Taş Yolu. J’ai rêvé du même frisson.

      Bien trop rapidement, la piste s’élargit. Puis se succèdent une série de tunnels qui, s’ils sont au début un peu distrayants car sinueux et bien sombres, finissent par être lassants. Parfois une « fenêtre » s’ouvre sur l’extérieur et on espère en vain avoir une perspective sur la gorge. Pour ne rien arranger, à mi-distance la route est coupée, des éboulements la rendent impraticable et il me faut faire demi-tour.

      Je rejoins Kemalye qui, au fil du temps, est devenu un hot spot du tourisme turc. J’y trouve de gros 4×4 dotés de pneus énormes et sans fonction particulière vu l’état de la piste que j’ai parcouru avec mon Kangou. À l’arrière sont installés des sièges et des barres de maintien afin de pouvoir se tenir debout durant « l’aventure ». Me revient le souvenir d’une vidéo YouTube dans laquelle la jeunesse dorée hurle sa joie simulée, cheveux au vent, variété turque à fond. Elle semble bien plus préoccupée de se filmer en prenant les poses grotesques qui sont le signe de la modernité que de regarder le paysage.

      Par négligence, je pousse la porte d’une lokanta au centre-ville et je m’y fais bien entendu escroquer. Une soupe de lentille (mercimek çorba), un plat de riz pilav et des pois chiches à la tomate pour plus de 8 euros. À Iliç, ville que je traverserai une heure plus tard, le prix aurait été de moitié et les portions plus généreuses.

      Un peu amer, je reprends la grande route en revenant sur mes pas afin d’atteindre Iliç, un gros bourg sans grâce au-dessus d’un des nombreux barrages sur les affluents de l’Euphrate.

      J’y dors dans un hôtel miteux.

      Mardi 27 septembre

      J’achète un peu de ce pain dégueulasse dont les Turcs ont le secret. À l’air libre, il sèche en quelques heures et se brise en miettes. Dans un de ces sacs plastiques qui envahissent le paysage, il devient une pâte gluante. Je suis certain que je saurais mieux faire et j’aurais pu le prouver …

      J’en suis là lorsque le téléphone m’interrompt. C’est le « réceptionniste » de l’hôtel qui me tient un grand discours. Je comprends que le problème est sérieux, mais … guère plus.
      Face à ce qui semble une urgence, je le rejoins. À sa mine, je perçois que la situation est grave. Lorsqu’il m’a rendu la monnaie, un billet est tombé au sol, il me manque 10 YTL (40 centime d’euro). Je le rassure, il ne me serait jamais venu à l’idée de douter de sa bonne foi.

      Détail croustillant, la plus grosse coupure est de 200 TL (8 €). Je vous laisse imaginer l’état de mon portefeuille. Le gouvernement se refuse à émettre de plus grosse coupures, ce serait avouer le désastre de l’inflation.
      J’ai connu « l’ancienne » livre turque, avec son billet de vingt millions qui valait 10 €.

      J’ai repéré sur la cartographie d’Osmand un long trajet à partir de cette ville qui me permet de rejoindre Tunceli. C’est un de mes objectifs.

      _Nous y sommes allés il y a fort longtemps. À l’époque cette zone était en état d’urgence à cause des fréquents combats entre l’armée et la rébellion du PKK.
      L’entrée dans cette vaste région de montagnes était gardée par l’armée, des fortins avec des mitrailleuses, balles engagées dans le canon, de vastes lignes de rouleaux de barbelés, des chars en bord de route. Aux nombreux check-points nous devions montrer nos passeports et justifier de notre présence.
      En règle générale les soldats n’étaient pas désagréables. Comme ils ne parlaient le plus souvent que turc, la conversation était limitée. Je me contentais d’un « Yol açık mı ? Yol kapalı mı ? » (« Route ouverte ? Route fermée ? »).

      Ils étaient dans l’incapacité technique de nous demander la raison de notre présence en famille, nos enfants étaient jeunes, dans ce qui était considéré comme une zone de guerre. Afin de montrer leur réprobation ils nous faisaient parfois ouvrir le coffre et jetaient un œil soupçonneux sur celui-ci. Le plus souvent tout se passait bien, ils étaient bien obligés de reconnaître que la route était ouverte. Si le contrôle s’éternisait, un simple « Telefon ambasad » (en turc dans le texte) suffisait à les calmer. _

      Je désire me rendre à Tunceli afin de tenter de me lier avec des Alevis. C’est une bien étrange branche de l’islam, imprégnée de subsistance des croyances zoroastriennes dont cette petite ville est un des centres spirituels. Dieu est à chercher dans tout être vivant, animal ou végétal et non dans un « ailleurs céleste ». Ce sont donc en quelque sorte des écologistes avant l’heure …
      Hommes et femmes ont la même valeur. Aucune obligation de se voiler, sauf par coquetterie. Boire de l’alcool est déconseillé mais pas interdit.
      On prie en commun dans des Cem Evi et non dans des mosquées. Durant les cérémonies Semah on alterne chants psalmodiques, musique méditatives au son envoutant du ney, une flute spécifique, ou du saz. Le cérémoniant, nommé Dede, déclame des poèmes ou des chants édifiants auxquels les fidèles répondent. Des séquences de danses lentes et un peu solennelles réunissent hommes et femmes en une chaîne lâche et harmonieuse.

      Ils sont méprisés par les chiites et haïs par les sunnites.

      J’aimerais rencontrer un Dede, une sorte de guide spirituel qui accompagne les fidèles dans leur quête métaphysique et conduit les cérémonies. Ce ne sera pas simple d’en trouver un parlant français ou anglais mais je ne désespère pas et il ne semble loin d’être impossible d’assister à une Semah.

      Je dois donc me rendre à Tunceli. Il aurait été facile de le faire depuis Erzincan, la ville que j’ai atteinte après ma rapide traversée de plus de la moitié du pays (1 300 km). Mais j’ai choisi le chemin des écoliers.

      Sur la cartographie, depuis Iliç, une petite route de campagne très sinueuse part dans la montagne en direction de l’Est. Elle s’avèrera rapidement devenir une piste pas très bonne. Elle se prolonge par un trait pointillé d’une quarantaine de kilomètres. Ce symbole indique parfois un simple sentier parfois une piste vaguement carrossable. J’ai la conviction que ce sera le cas car sinon le détour est énorme. Or les habitants ont besoin de se rendre d’un lieu à l’autre en économisant le carburant qui est fort coûteux. Le coup est jouable.

      Le paysage est parfait, au fil des villages, je demande à des habitants que je pressens informés si la route de Tunceli est ouverte. Je sais d’expérience que chacun prend très à cœur d’aider le voyageur de passage et ne lui refusera jamais une réponse, quitte à l’inventer s’il n’en sait rien. Je fais préciser « Kıtı – cok zor – zor – normal – kolay ? » (« Foutue – très mauvaise – mauvaise – normale – facile ». Ils semblent s’accorder entre mauvaise et normale.

      Je roule tranquillement, quelques montées sont pénibles et j’atteints les alpages (yayla) aux environs de 2 000 m. Ce sont des successions de molles collines entrecoupées de vallons parfois assez profonds.

      En dehors de rares graminées, la flore y est très particulière, sans doute endémique. Elle est d’une grande variété, le plus souvent très rase afin de résister au rude climat, été brûlants et secs, hivers glacials lorsque la neige ne protège pas des froids intenses, vent intense. J’aimerais tant connaître le nom de ces plantes. Elles semblent, au premier regard, insignifiantes si on n’y prend pas garde. Il faut se pencher pour les observer et découvrir d’étonnantes beautés. Des arrangements géométriques fractals, des fleurs microscopiques de structure singulière, d’étranges toupets de graines prêts à être dispersés par le vent, des feuillages charnus et velus de teintes variées.
      Je prends grand plaisir à les contempler et j’aimerais être capable de les nommer afin de marquer mon respect. Seuls les ovins de ces zones sont à même de les digérer, ils produisent alors un lait gras et très odorant.

      La piste serpente désormais sur les crêtes des collines faisant parfois de vastes détours afin d’éviter d’avoir à franchir les vallons.
      De loin, je l’aperçois et plus je m’en rapproche, plus elle s’offre à moi. Une superbe montagne, imposante mais pas effrayante. Les montagnes sont faites pour être gravies. Pour le reste, elles ne servent à peu près à rien. Celle-ci sera la mienne. Un coup d’œil sur le GPS indique 3 150 m. On n’a pas pris le soin d’en indiquer le nom. Il est certain qu’il existe, tous les lieux même insignifiants sont nommés, c’est bien le moindre si on veut se comprendre entre bergers. Et cette montagne est loin d’être insignifiante. J’ai le sentiment de ne voir qu’elle quand bien même elles sont nombreuses à l’entourer.

      Et puis, j’ai monté un club de randonnée. J’en suis le seul adhérent. Il me faut le faire vivre.

      À la jumelle, je repère un vaste couloir d’avalanche, pierreux à cette saison, qui semble donner accès au sommet. Je m’approche et trouve par chance une petite piste récente non cartographiée, le sol est encore marqué des chenilles de l’engin qui l’a tracée. Elle me conduira à proximité du couloir et m’évitera une marche d’approche de plusieurs centaines de mètres de dénivelé. Comme souvent on ménage régulièrement de petites plates-formes destinées à permettre le croisement lorsqu’un étrange hasard fait que deux véhicules empruntent la route en sens inverse.
      Sans doute par excès de zèle, ou par bienveillance anticipée à mon égard, le conducteur d’engin a creusé un espace bien plus vaste qu’à l’habitude juste en dessous du départ du couloir. Il sera parfait pour le bivouac. L’altimètre indique 2 200 m, le sommet est à 3 150, ce sera rude.

      Après un repas modeste, pâtes abondamment arrosées d’huile d’olive accompagnée de thé, je prépare mon sac. Je me dispense des quelques verres de mastika qui m’aident à trouver le sommeil. J’ai acheté la bouteille en Bulgarie, pays béni dans lequel l’alcool est à un prix dérisoire alors qu’il est plus cher qu’en France en Turquie. La qualité est en regard du prix. Cette boisson anisée démonte la tête, ce qui est une vertu, mais également l’estomac, ce qui l’est moins.

      Mercredi 28 septembre

      Le réveil à 5 h 30 m’assure d’être prêt à la pointe du jour. Il fait 4° mais l’air est très sec et calme, le vent ne s’est pas encore levé. Je n’ai pas souffert du froid durant la nuit, des vêtements techniques et un bon duvet. Une vaste peau de mouton que m’a offerte Ahmed à Ouadane me protège du sol métallique de la voiture, elle conserve la chaleur sous le corps.
      Pas utile de ranger le bivouac. Je suis en zone Kurde Alévi. L’honneur a encore un sens ici. Qui se servirait sans y avoir été invité ? Et puis, chacun dispose du nécessaire dans son campement, et méprise le superflu.

      _Je connais ces gens, ils sont très respectables.
      Nous les avons souvent rencontrés dans le passé lors de nos voyages. Nous nous arrêtions près de leurs installations d’été. Ils nous invitaient à rentrer sous leurs étranges tentes de tissus blanc ressemblant à des tipis ou parfois dans des cahutes aux murs construits en pierre sèche, un peu enterrées, et couvertes d’une simple toile. Des nattes ou des tapis élimés couvraient le sol. Des bâtons polis par l’usage servaient de cintres sur lesquels étaient suspendus leurs guenilles. Souvent une caisse métallique décorée de peinture écaillée complétait le mobilier afin de préserver les biens les plus précieux.

      Nous ne nous comprenions évidemment pas, les traducteurs en ligne n’existaient pas et, de toute manière, il n’y avait pas de réseau. Mais leurs intentions étaient transparentes : offrir à ces étranges étrangers le meilleur d’eux-mêmes. Parce que c’était une évidence, naturel et qu’ils auraient perdu leur estime de soi à ne pas le faire.

      Ils préparaient du thé. C’est un peu (!) long car en Turquie on simule le samovar en empilant deux théières métalliques. Le récipient inférieur contient de l’eau qui bout et sa vapeur réchauffe la théière supérieure. On y place une large dose de thé et peu d’eau. Il infuse très longuement, on obtient un élixir très fort dont on verse une petit quantité dans d’incontournables verres tulipes. On y ajoute de l’eau bouillante afin de le diluer. En été, il fait torride même en altitude. On en est réduit à patienter ou à se brûler le palais. Il est très inconvenant d’ajouter de l’eau froide afin d’abréger l’attente. Lorsque je le fais chez mon ami Sinan, avec qui je ne me gêne pas, il se moque beaucoup. C’est infantile d’être impatient.

      À l’alpage, pour patienter, on nous servait toujours de l’ayran, une sorte de babeurre très aigre et un peu salé. Il est traditionnellement conservé dans une outre en peau de chèvre. Les femmes l’agitent fortement afin que se forme une mousse qui est un plus indispensable. Cette boisson est le graal de l’alpage. On ne peut la refuser si on souhaite rendre la politesse qui nous est faite. C’est suivant les lieux de terrible à redoutable. Souvent tiédasse, toujours très acide, fleurant bon le bouc. La bouche est révoltée et l’estomac se tord.

      Suivait du peynir, un fromage frais un peu trop salé conservé en saumure accompagné de lavaş, cette mince galette de blé cuite sur une tôle. Le bois est trop rare et précieux pour qu’on le brûle. Les femmes collectent les crottes de mouton, celles de chèvre s’y prêtent moins, les malaxent avec de l’eau puis forment avec cette pate odorante des disques qu’elles font sécher au soleil. Ce combustible produit une fumée âcre et abondante. Son odeur est prégnante et imprègne l’habitat.

      Parfois les bergers étaient descendus au village récemment, avec des tracteurs hors d’âge ou de vieilles guimbardes Toros, des Renault 12 fabriquées sous licence en Turquie avec quelques simplifications mécaniques (oui, c’est possible, même sur un modèle si rustique à sa base !). Ils en ramenaient des pommes vertes et des prunes pas mures. Un délice qu’ils nous offraient généreusement.

      Leur sourire émaillé de dents en or jaune, le comble du chic, réchauffait le cœur. L’expression la plus simple et sincère de la fraternité humaine. Toujours, ils nous tenaient de longs discours. Il leur était impossible d’imaginer que nous ne parlions pas turc, tant c’était une évidence pour eux. Parfois un gosse ânonnait trois mots d’anglais dépassant rarement « What is your name ? Where are you from ? ». Les deux premières phrases d’une méthode d’anglais qui semble avoir fait fureur dans tant de pays. Souvent les seules que les enfants ont retenues, leur fréquentation de l’école étant épisodique, il y a tant à faire à la maison pour les filles et aux champs pour les garçons.

      Je garde de ces instants un souvenir ému. Et je n’oublie pas l’accélération du transit intestinal qui les suivait.
      Dans les jours qui viennent j’irai les visiter. Je veux espérer que rien n’a changé._

      En zoomant sur la photo, j’ai longuement examiné LA montagne afin de déterminer un itinéraire qui semble raisonnable.
      J’ai la bouche un peu sèche lorsque je me mets en marche dans le froid du petit matin. Je n’espère pas que le soleil me réchauffe avant longtemps, le couloir est orienté plein ouest et très encaissé.
      Je doute … Ces derniers mois, pour diverses raisons qu’il ne me sied pas de détailler, j’ai négligé les exercices physiques. Même si je le nie, et que chacun s’accorde à me trouver une apparence avantageuse, les années se sont accumulées et mon hygiène de vie a été plus que douteuse.

      Je résiste à la tentation de prendre un peu de cortisone afin de me doper. Je n’ai plus de raison de tricher.

      _Il m’est arrivé de le faire lorsque les enfants ont atteint un niveau de ski éblouissant. J’étais tenu de les suivre de la première à la dernière benne, hors-piste dans des pentes terribles ou alors à très grande vitesse et sans pause sur les boulevards que sont devenus les pistes trop bien préparées des stations. C’était une sorte de devoir moral de les suivre sans rechigner. Lorsqu’ils étaient jeunes et moins expérimentés, je leur ai imposé ce rythme, les poussant à dépasser leurs limites, par tout temps et en toutes conditions de neige. Ils en ont sans doute parfois souffert, mais skient mieux que beaucoup de moniteurs aujourd’hui.
      De ce fait, je ne me suis longtemps jamais accordé de céder à la facilité lorsqu’ils m’ont largement surpassé. J’ai renoncé tardivement après un grave accident. Il m’a fallu des mois pour m’en remettre et je n’ai jamais retrouvé la confiance en moi. _

      Il est facile de trouver son second souffle en montagne. Il suffit de serrer les dents durant les quinze premières minutes en refusant de capituler et faire une pause. Le souffle est court, il faut lutter pour dominer l’essoufflement. Se forcer à trouver un rythme et s’y tenir.

      Il est plus difficile de dépasser la vraie fatigue. Dans mon cas, elle apparait après environ 500 m de dénivelé.
      Lorsqu’elle arrive, je vais chercher la rage motrice qui sommeille en moi. Celle de mon passé récent et ancien, et celle de mon présent. C’est une énergie insondable qu’on peut convertir en hargne, en désir de ne pas céder, d’aller plus loin, plus fort, de dépasser le bout de soi-même.

      Le couloir est très raide, le terrain détestable. L’altimètre m’indiquera seulement 3,3 km de distance parcourue pour un dénivelé de plus de 900 m. Et encore, ai-je dû faire de nombreuses traversées afin de rejoindre des zones moins délicates. J’ai aussi pris par inadvertance une branche latérale conduisant à une falaise et j’ai été obligé de redescendre un peu, à mon grand dépit.

      Alternent de gros blocs instables, des éboulis de graviers dans lesquels le pied s’enfonce et recule à chaque pas, des zones herbeuses glissantes dans lesquelles je progresse d’une touffe à l’autre dans une apparente facilité mais en me mettant en danger.

      À mi-parcours, j’observe à la jumelle une cavité juste en bas de la falaise sur le côté opposé de celui que je suis. J’ai la conviction qu’il s’agit d’une tanière d’ours, ils sont nombreux désormais car protégés. Un mince boyau s’enfonce dans le rocher. Sans doute une ancienne résurgence. Je distingue très bien la terre ocre qui en a été extraite, elle est fraîche encore marquée par le travail de terrassier. J’hésite à m’approcher. Les traversées sont dangereuses dans les pentes raides et les ours sont forts grincheux. C’est la saison durant laquelle ils s’appliquent à s’engraisser. Les baies sont épuisées, les champignons pas encore sortis. Je pourrais tout à fait devenir un complément appréciable aux quelques brebis qu’ils dévorent à l’occasion.
      Ce n’est pas si facile la vie d’ours. L’alpage est gardé par des kangals. Ces chiens énormes sont si féroces que même leurs maîtres en ont peur. C’est le plus grand danger des lieux. On les munit de gros colliers en fer forgé hérissés de pointes acérées. Les loups mordent à la gorge, ils en sont ainsi protégés.

      _Les kangals sont redoutables et infatigables. Dans un lointain passé, nous rentrions d’Ani, l’ancienne capitale arménienne abandonnée au XVème siècle, dévastée par un tremblement de terre. Une paire de ces molosses a surgi de nulle part afin de faire fuir notre voiture qu’ils prenaient pour un ennemi. En ce, les kangals sont en quelque sorte donquichotesques … J’ai réglé ma vitesse entre 40 et 50 km/h en les observant dans le rétroviseur. Je ne souhaitais pas les décourager en roulant trop vite et leur éviter une blessure si l’idée leur était venue de mordre les pneus.
      Je suis certain qu’ils ne sont pas découragés avant au moins cinq kilomètres. Et encore étaient-ils fiers d’avoir mis leur ennemi du jour en fuite. _

      Je gravis le couloir en 1 h 45.

      J’arrive à un petit col juste en dessous du sommet. Il ouvre le regard sur la chaîne de montagne vers l’est. Au sud, très loin, on devine le vaste lac de barrage sur l’Euphrate. En direction de l’ouest rien n’interrompt la vue, peut-être sur cent kilomètres. L’air est clair, il n’est pas troublé par les brumes de chaleur bleutées, permanentes en été.

      J’examine le sommet. Il est à moins de cent mètres de dénivelé. Pour y accéder une petite escalade sans difficulté m’amène à une crête acérée d’une vingtaine de mètres seulement. Sur le côté gauche une falaise verticale imposante d’environ 600 m. Suivra une autre escalade. Le rocher est du calcaire totalement fracturé par la gélifraction, ce qu’on nomme du « rocher pourri », celui que tous les alpinistes évitent.

      Du dépit. Je ne veux pas mourir d’accident. Je vaux mieux que ça, je choisirai mon heure.
      Je reste longtemps à contempler ce vide. Tout en bas un étrange petit lac est logé au fond d’une sorte de cratère. Sans doute une doline. Son eau est d’un bleu laiteux semblant toxique.

      Mes yeux se mouillent. Sans doute le vent glacial et l’excès de luminosité ?

      Après l’effort intense de la montée, je suis un peu déprimé. La descente d’endorphines, c’est classique. Toutes les drogues occasionnent cet état lorsque le cerveau cesse d’en être alimenté. Parfois, c’est durable, plusieurs jours.

      À la montée, proche du sommet, j’ai vu quelques crottes sur le sol. Je parcours à la jumelle les pentes. J’espère en vain apercevoir un bouquetin ou un chamois.

      Je m’aperçois, tardivement sans doute, qu’un couple d’aigles royaux effectue de larges cercles au-dessus de moi, profitant des ascendances créées par le rocher qui commence à se réchauffer.
      Qui est cet intrus si peu habituel ? Ils s’enhardissent et veulent satisfaire leur curiosité. À présent, ils font de longues glissades sur l’aile qui les approchent si près qu’ils emplissent le champ de mes jumelles.

      Je crois percevoir un clin d’œil « Même pas cap’ ! ». Cette falaise est parfaite pour un premier envol. Ils le savent et leur aire y est sans doute installée.
      C’est bien tentant. Les 600 mètres seraient suffisants pour comprendre le sens de la vie.

      J’ai le mauvais goût dans la bouche.
      C’est en partie une séquelle de la neuropathie. Mais pas seulement …
      Depuis quelques années, mes capteurs gustatifs envoient des informations erronées au cerveau. Il subsiste des paresthésies dans les membres, et surtout cette étrange saveur permanente et intense avec laquelle il me faut bien composer. Un mélange d’aigre et d’amer.
      Surtout de l’amertume, d’ailleurs. Ces temps mon amertume est intense.

      Je mange du chocolat. Il a fondu dans la voiture et s’est couvert de cette pellicule blanche peu ragoutante qui se forme lorsqu’il a été longuement exposé à la chaleur. Du Lindt 70% goût intense, mon préféré, je le traîne depuis le départ. D’une certaine façon, je m’en félicite. Encore que …
      Le chocolat est un puissant anxiolytique. Avec une cigarette.
      À nouveau, d’une certaine façon, je m’en félicite. Encore que …
      Un bel envol.

      Je quitte mon perchoir sur la crête vertigineuse et regagne le col à peine plus bas.

      J’y trouve un espace plat que je débarrasse des pierres afin de pouvoir m’y allonger. En dépit du soleil d’altitude qui brûle la peau, il fait froid. J’enfile mon Gore Tex et protège mon visage avec un pull. Je reste durablement allongé à somnoler, à rêvasser, lorsque ce n’est pas à cauchemarder. Mon corps est aussi relaxé que possible. Mon corps seulement.

      Je suis sorti de cet état hypnotique par quelques sifflements stridents. Les aigles sont revenus. Ils semblent converser. Sous réserve de l’éplucher, ce corps immobile ne ferait-il pas un repas acceptable ? Je les déçois en m’asseyant.

      J’entame la descente. Elle est impressionnante. S’ouvre devant moi près de mille mètres de pente abrupte. Je sais que ce sera long, éprouvant et dangereux.
      Je me souviens de cette phrase si souvent prononcées avant que nous ne démarrions les premiers virages d’un hors-piste exposé à skis « Pas le droit de tomber ! ». Et nous ne tombions pas parce qu’il ne fallait pas !

      Pas par accident … Ce serait nul.

      Une banale entorse serait une fort mauvaise idée. Pas de réseau et j’ai sottement oublié de prendre le Thuraya. Je ne m’habitue pas à l’idée de ce parachute moderne auquel j’ai cédé l’hiver dernier dans le désert. C’est un peu de la triche. Pire, l’autorisation tacite de « se rater » puisqu’on pourra appeler les secours. La vraie histoire de garçon, à l’ancienne, c’est seul avec soi-même.

      À la montée, j’ai mémorisé au mieux les passages les moins défavorables. Éviter les traitres ravines creusées à la fonte des neiges. Ne pas s’engager dans un ressaut bien tentant car moins en pente mais aboutissant sur une falaise de quelques mètres. Se souvenir qu’il faut passer à droite de ce gros rognon de rochers qui sépare le couloir en deux car l’autre côté est fort mauvais.
      Mais rien ne ressemble moins à un paysage vu à la montée que celui qu’on observe lorsqu’on le descend.

      J’hésite, me trompe quelques fois et en suis réduit à faire des traversées incertaines lorsque je me suis fourvoyé. Rien n’est pire. Les pieds sont posés perpendiculairement à la pente et la tenue est douteuse.

      Les zones herbeuses sont encore plus traitresses qu’à la montée. Il est parfois impossible de les éviter, ailleurs la terre est à nu et terriblement glissante.

      J’ai passé ma jeunesse en montagne, cette imprégnation revient vite. Il faut laisser le corps penser. L’esprit doit seulement définir la stratégie globale, la trajectoire optimale en évitant de laisser la pensée de vagabonder. C’est au corps de gérer la tactique. Lui seul connait la position optimale des pieds, sait reconnaître la pierre instable, peut accepter, lorsqu’on trébuche, de pas tenter de se rattraper, mais d’au contraire se laisser tomber en sécurité. Les yeux quittent le sol seulement pour vérifier qu’on suit la bonne ligne. Penser, c’est douter.

      Je regrette de ne pas avoir de chaussures à semelle Vibram et à tige rigide maintenant solidement la cheville. Avec un bon bâton, je pourrais descendre « en ramasse », la version estivale du télémark. Je pourrais alors privilégier les zones de petits cailloutis, celles que j’évite aujourd’hui. Les deux pieds face à la pente, la pointe soulevée, on maintient le corps un peu en arrière et on se laisse glisser. Le bâton sert de frein et de gouvernail. C’est une sensation de glisse plaisante et c’est très rapide. Il faut rester vigilant, lorsque les pierres dépassent une certaine taille, elles cessent de rouler sous les pieds et le corps est alors violemment projeté vers l’avant. Il suffit de l’avoir expérimenté une fois pour s’en souvenir à jamais.

      J’en suis parfois réduit à une version du pauvre. Lorsque je ne peux pas éviter les cailloutis, je plie la jambe gauche afin que mes fesses soient à peine au-dessus du sol et je tends la jambe droite, le talon fermement planté dans l’éboulis. En réglant la pression du pied aval on module la vitesse. Idéalement, les mains évitent de toucher le sol et servent seulement à la stabilité latérale, comme un balancier. Mais c’est un idéal et la réalité est parfois cruelle, surtout que les chardons abondent.

      La descente martyrise mes vieilles articulations. Elle n’en finit pas. Passant du côté au soleil à celui à l’ombre, je suis tantôt brulé tantôt glacé par le vent de pente qui remonte le couloir.

      Je dérange parfois la quiétude d’un bloc, il me rappelle à l’ordre en dévalant la pente.
      Des choucas tournoient en poussant leurs cris aigres et métalliques. Ils semblent attendre un faux-pas. On lit souvent qu’ils commencent par les yeux. Aussi bien est-ce vrai ?

      J’ai mis beaucoup plus de temps à descendre qu’à monter. J’avais d’ailleurs cauchemardé durant la nuit que je me trouvais dans l’impossibilité de le faire. C’est assez banal, désescalader un passage semblant pourtant facile est souvent plus que délicat.

      Je suis parti vers 6 heures, il est 16 heures, mais j’ai beaucoup traîné au sommet.
      C’est étrange, j’ai beau le savoir, je suis chaque fois surpris de constater que rien n’est « mieux » en haut. On reste le même et la réalité ne change pas au prétexte qu’on s’est exténué à gravir la montagne. Mais on récidive à la recherche d’un faux espoir.

      Lorsque j’arrive à la voiture, un vautour percnoptère m’y attend. Il vole tout près. J’ai juste le temps de l’entrevoir et il s’enfuit. Comme pour me dire « Ne rêve pas, c’était juste pour te laisser espérer. Un contact fugitif et c’est fini ». D’un bref cri, il me nargue. C’est lui le maître du jeu et il entend me le faire savoir.

      Le bivouac est en ordre. Je m’autorise à boire beaucoup d’eau. J’en avais avec moi, mais en montagne comme dans le désert, on se doit de la préserver.

      Du thé bien fort dans lequel je trempe des Petits Lu. Ces infâmes biscuits qui laissent la gueule empâtée et sont nauséeux à force de sucre. C’est très technique. Une demi-seconde de trop dans le thé, ils se transforment en une bouillie répugnante qui pollue la boisson. Une demi seconde de moins et ils nous rappellent qu’ils sont désespérément secs. Une vie de Petits Beurre m’a rendu expert en la matière. Avec la fatigue, mon attention se relâche et la pâtée se répand sur la moquette du coffre.

      On a les échecs qu’on mérite, les miens sont peu ambitieux ce soir-là.
      Je sais pourtant bien mieux faire.

      Jeudi 29 septembre

      Le froid a été vif cette nuit.

      Au réveil, un berger Kurde passe me saluer. Il porte un improbable tee-shirt arborant le slogan « FEMINISM : The radical notion that women are people »

      Je quitte « ma » montagne au petit matin, mes os endoloris me rappellent à l’ordre.

      J’ai prévu de rejoindre Ovacık puis Tunceli par une petite piste qui serpente dans le paysage longeant des ruisseaux asséchés à cette saison mais qu’on devine déchaînés à la fonte des neiges et franchissement de petits cols. Environ 30 km avant de rejoindre un mauvais goudron.
      Très vite, j’aboutis à un de ces chantiers dont les turcs ont le secret et dont la finalité reste mystérieuse. Peut-être un projet en rapport avec l’exploitation d’un filon aurifère ? Peu avant, j’ai quitté Icil et son paysage dévasté par les mines d’Anagold.
      La piste est coupée par les engins qui procèdent à des carottages. Mes faibles connaissances en géologie sont bien insuffisantes à m’aider à lire celles-ci.

      Face à mon désarroi, tout relatif, le chef de chantier me demande quelle est ma destination. Il comprend aisément les motivations que je lui vends, rejoindre Ovacık par la route « normale » occasionnerait un détour de 150 km ! Il me demande d’attendre un peu.

      Je l’entends converser avec ses ouvriers. Bien vite une énorme pelle mécanique s’approche. Elle entame la montagne en contrebas du chantier avec détermination. Le chef de chantier m’invite à patienter moins d’une heure. L’engin s’active et je comprends qu’il s’active à créer une déviation qui me permettra de contourner le chantier. Improbable …

      J’observe avec intérêt les progrès du travail. J’ai toujours été fasciné par le génie civil de grande ampleur, j’ai passé des heures depuis l’enfance à contempler ces spectacles.
      C’est dantesque d’oser s’attaquer à la nature avec autant de violence. J’y ressens une attraction un peu malsaine, un trouble qui m’attire.

      Les délais sont tenus ! Rare dans le domaine. Une trace hasardeuse démarrant par une descente abrupte me permet de dépasser l’obstacle. Je les remercie et m’enquiert de la suite de la piste, la cartographie la signale par un simple pointillé. On me rassure, ce sera sans encombre.

      Durant les dix premiers kilomètres, c’est en effet le cas, un chemin très correct. Je jouis par avance des paysages qui s’annoncent. Puis, les montées deviennent délicates avec des pierres qui font patiner la voiture, de profondes tranchées d’écoulement de l’eau qu’il faut maintenir entre les roues. Un peu d’élan mais pas trop, le moteur gueule, les roches sautent sous les pneus, l’obstacle est franchi.
      Je veille à ne jamais m’engager dans une descente qu’il me serait impossible de remonter en cas de nécessité.

      La route est manifestement peu fréquentée. Dans les vallons, elle est terreuse et parsemée de colchiques. L’inévitable survient, un virage serré permet de franchir une combe, la route est en fort dévers et comme grignotée par la crue printanière. Un monstre a, d’une bouchée, englouti le côté droit de la piste. Exclu d’espérer poursuivre, même en tentant d’aménager le passage.
      Je l’ai fait si souvent en cas d’absolue nécessité, parfois quelques simples rochers empilés permettent de franchir une marche d’escalier, parfois les travaux ont été de plus grande envergure, si possible à la meilleure heure et sous un soleil brûlant.

      Par chance le demi-tour ne s’avère pas trop douloureux.

      Un peu déçu je rejoins le chantier. Les ouvriers mangent accroupis dans une cabane en tôle, silencieux. Les gamelles en aluminium tintent sous les coups des cuillères. On m’invite à partager le repas, je décline. Un peu amer j’explique au chef de chantier qu’il aurait été plus astucieux de reconnaître son ignorance de l’état de la piste plutôt que de m’affirmer que la suite était kolay (facile).

      Je m’engage sur la déviation qui a été créée pour moi et, bien entendu, même en prenant de l’élan, impossible de franchir le raidillon impressionnant qui la termine, la terre est bien trop meuble.
      Après le repas, c’est l’heure du thé et d’un petit repos que je n’ose perturber. Lorsque l’activité reprend, je vais demander de l’aide.
      Entre-temps, j’ai déballé le coffre du Kangou à la recherche du crochet de remorquage. L’énorme pelle mécanique s’approche dans la pente. Le godet un peu maléfique est tendu vers la voiture. On y accroche un câble et l’engin part en marche arrière me dominant de son gigantisme jaune un peu effrayant.

      Je rejoins Icil et la solitude de son hôtel triste et déprimant.

      And so on …

      • Bravo, et pour ce périple, et pour la maîtrise du récit. Vous m’avez sciée.

        « C’est au corps de gérer la tactique. Lui seul connait la position optimale des pieds, sait reconnaître la pierre instable, peut accepter, lorsqu’on trébuche, de pas tenter de se rattraper, mais d’au contraire se laisser tomber en sécurité. Les yeux quittent le sol seulement pour vérifier qu’on suit la bonne ligne. Penser, c’est douter. »

        On attend la suite, merci encore à vous.

        PS : Je me souviens d’un de vos souvenirs d’enfance que vous nous aviez raconté. il s’agissait d’une branche de gui fixée sur un crucifix qui s’effeuillait au fil des jours, au gré des besoins superstitieux qu’entretenait votre grand-mère qui utilisait ses feuilles en les infusant pour récupérer leur pouvoir christique et salvateur. Une belle histoire. Après une chamaillerie, vous nous m’aviez dit finalement ne pas être à l’origine de cette histoire, que vous l’aviez glanée sur la toile… Celle-ci vous ressemble trop pour que vous n’en soyez pas l’auteur. Ne me dites pas qu’il s’agit d’un extrait d’un S. Tesson. Ne me dites pas ça, j’y ai trop cru.

        • Tesson c’est plutôt le vélo, non ? L’escalade aussi (et ça lui a coûté cher).
          Si Z. s’est amusé à une forme de copier-coller, pourquoi pas !
          C’est très réussi ; vraiment.
          Et ça change, agréablement, de « l’ordinaire » de BdÂ.
          (telle est forte ma nostalgie des routes et des voyages).

  43. Secouée ; vraiment secouée ; et ce ne sont pas que les cahots, et la route ; la ROUTE.
    Vous avez bien fait d’acquiescer à la demande de Gé-Flo (et merci, au passage).
    C’est un tel bol d’air, dans ce blog ; tellement inattendu…
    VOYAGE ; voyage dans le passé – et dans le présent ; un passé, en passe de disparaître ? Resterait la Nature, à défaut de l’humaine – nature.
    Voilà qui m’a fait penser à Edward Abbey, et son Désert ; lui qui s’y est fait enterrer, dans un lieu resté secret.
    Secouée, vraiment.

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