Dans une remarquable interview parue dans le Figaro du 9 novembre — jour anniversaire de la mort de De Gaulle, qui sert de fil conducteur à l’entretien —, Henri Guaino revient sur la politique du gouvernement actuel face à l’épidémie et face au risque terroriste.
Le moins que l’on puisse dire est que ce n’est pas l’enthousiasme qui l’étouffe. Parce qu’il a un raisonnement politique global, un raisonnement national — un raisonnement gaullien — au lieu de le diffracter en « politique sanitaire » et « politique sécuritaire » — politique politicienne en un mot. Au lieu d’assumer personnellement des décisions douloureuses, le Président de la République les a dispatchées entre de multiples fusibles. « La réponse gaullienne, dit Guaino, aurait consisté à ne pas diluer les responsabilités des mesures prises entre le gouvernement, le Parlement, le conseil scientifique, puis les préfets et les maires, ce qui a eu, entre autres, pour effet que chaque décideur gère avant toute chose son risque pénal plutôt que la crise sanitaire. Il aurait été plus gaullien et plus conforme à l’esprit des institutions que, pour mettre entre parenthèses toutes les libertés fondamentales, le président de la République, qui n’encourt pas de risque pénal, mette en œuvre l’article 16 de la Constitution, précisément fait pour ce genre de situation. Ainsi aurait-il porté, lui seul, la responsabilité politique des décisions. »
Mais l’ombre de l’affaire du sang contaminé, dans les années SIDA, plane sur les décisions avortées. Macron a préféré « se cacher derrière la science pour prendre des décisions qui n’ont rien à voir avec la science. » Il s’ensuit que « la dissolution du Conseil scientifique lèverait cette ambiguïté malsaine. » Car enfin, décourager le port de masques en mars, était-ce de la science ? Les imposer dans la rue, quand les contaminations se font en espaces clos, est-ce de la science ? Fermer les petits commerces et laisser les grandes surfaces ouvertes, quand la Catalogne fait exactement l’inverse, est-ce de la science ? Non — mais cela sert les intérêts de grands groupes, où sont peut-être positionnés les copains.
Cela permet aussi d’instaurer une politique de la peur. Franchissant le point Godwin avec perspicacité, Guaino remarque que la dernière fois que l’on a joué la peur contre les Français, c’était sous Vichy — alors que De Gaulle jouait la carte du courage. Mais on ne lit pas beaucoup de courage derrière tous ces visages masqués. Imaginez-vous De Gaulle, qui à la Libération de Paris a descendu les Champs-Elysées debout, sans courir, alors que des tireurs embusqués le prenaient pour cible, affublé d’un masque ?
Il en est de même pour le terrorisme. « Ce qui serait gaullien, ce serait de prendre enfin la mesure de ce que nous devons affronter, c’est-à-dire une véritable guerre de civilisation sans merci menée contre nous ». Menée non seulement par des terroristes fanatisés, mais par « des minorités agissantes qui travaillent sans relâche à la culpabilisation de l’Occident et au communautarisme devant lesquels, par lâcheté collective, nous nous aplatissons depuis des décennies. » Oui — mais les considérations électoralistes l’ont emporté au fil des ans sur le raisonnement politique. Et nous voici prenant des mesures savantes contre un virus dont nous ne savons pas grand-chose, et n’osant pas en prendre contre un ennemi dont nous savons tout.
C’est drôle, quand on y pense, ce désir de Général. Benoît Duteurtre en avait fait une magnifique pochade il y a quelques années avec le Retour du Général — seul à même de faire accepter d’honnêtes mayonnaises maison, et d’ignorer les consignes sanitaires de l’Europe, qui obligent les bistros à utiliser de la mayo industrielle… Et aujourd’hui, le voici convoqué pour contrôler les frontières et courir sus à l’islamiste qui s’en vient égorger nos fils et nos compagnes…
Une seule solution : refaire une Nation. Recréer ce destin collectif qui fut de tout temps le génie de la France. En finir avec les lubies intéressées de la mondialisation. La nation n’est pas une notion dépassée, comme s’efforcent de nous le faire croire des commentateurs aux ordres de quelques banquiers intéressés à la dilution de l’entité France.
Il faut réagir vite — sinon, dans les basques d’une épidémie dont nous constatons, en France, les dégâts, bien plus importants que chez nos voisins, et donc la nocivité de la politique sanitaire suivie, ce sera un fascisme réel qui s’instaurera, comme le nazisme s’est insinué dans les fourgons d’une république de Weimar en déliquescence. Ce n’est pas au conseil scientifique, un organisme non élu et désigné selon des critères troubles, de résoudre un problème qui est en fait une question de civilisation. Et je ne voudrais pas que demain, le choix s’opère entre la mort par épidémie et la soumission à un ordre nouveau — la charia, par exemple.
Jean-Paul Brighelli