Il y a le Magister — du latin magis, « plus ». D’abord, Magistrat. Puis le G inter-vocalique tombe, du S ne reste qu’une trace, un accent circonflexe, à l’arrivée, voici le Maître. Aussi bien le maître d’école que le maître de l’art du thé. Voir la nouvelle de Yasushi Inoue.
L’existence d’un mot souvent entraîne l’apparition de son contraire. Il y avait par exemple « heur » (du latin augurium, à distinguer de « heure » qui vient de hora — de sorte que « heur » signifiait à l’origine « de bon augure »), sur lequel on a fabriqué « malheur » — et quand on a oublié le sens originel du radical (« Rodrigue, qui l’eût cru ? Chimène, qui l’eût dit ? Que notre heur fût si proche et si tôt se perdît »), on a recomposé l’antonyme « bonheur », qui n’était au fond qu’un pléonasme, tout comme « aujourd’hui » est le pléonasme d’« hui », qui veut dire « aujourd’hui » (et je ne vous dis pas ce que je pense des imbéciles qui disent « au jour d’aujourd’hui »).
« Magister » a donc généré son contraire. À magis, plus, correspond donc minus, moins. Que l’on a substantivé en « ministre ». Comme dans « ministre des menus plaisirs »… « Je suis ministre, donc, je ne sais rien faire », dit excellemment De Funès dans la Folie des grandeurs. Minus !
Ah, précisons tout de suite : le mot est masculin. Tous ceux qui disent « la » ministre en croyant faire plaisir aux théoriciens du Genre font une faute contre la langue. Ce n’est pas du français, c’est de l’idéologie. Et ce que l’on devrait enseigner aux enfants, c’est le français — parce que la langue donne accès à une culture, alors que les idéologies, souvent, ferment la porte sur la culture.
Eh oui : le ministre, étymologiquement, c’est un moindre. Quelqu’un qui n’a pas la maîtrise.
Regardez à l’Education Nationale. On peut se passer d’un ministre à cinq jours de la rentrée, non parce qu’il aurait bouclé la rentrée (qui sera chaotique, rythmes scolaires et difficultés de recrutement obligent), mais parce que ce sont les bureaux (la DGESCO, par exemple) qui s’occupent de la mise en place au jour le jour, semaine après semaine — et à l’autre bout de la chaîne, les maîtres d’œuvre de la rentrée, ce sont les chefs d’établissement. Du ministre, aucune nouvelle. Il n’est même pas là pour donner l’orientation : tout le monde sait, depuis des années, que la rue de Grenelle commence et finit à Bercy.
À noter que tout le monde sait aussi que Bercy commence et finit à Berlin, depuis quelques années.
Le « ministre », donc, n’en déplaise à tous ceux qui quémandent un poste à chaque remaniement (ah bougre, Jean-Luc Benhamias !), est un pion de moindre importance — ni le roi, ni la reine — juste un pion, que l’on sacrifie pour trouver l’ouverture. Exit Montebourg, qui s’imagine lui aussi avoir un avenir en 2022. Prévoir, c’est gouverner…
Un moindre. Un minus. Un individu d’une importance dérisoire. Un zéro qui ne multiplie qu’en passant dans les médias.
Tout cela pour dire quoi, au fait ? Ah oui : Najat Vallaud-Belkacem est désormais ministre de l’Education nationale et des Universités.
Jean-Paul Brighelli
Tout à fait d’accord.
Mââme Najat sera parfaite pour faire la com de la dgesco (Mââme Florence).
Quand elle entrera dans une pièce, un aboyeur l’annoncera d’un tonitruant « Madame la Storytelleuse ».
Bonjour M. Brighelli,
Depuis plusieurs jours des milliers d’internautes se déchaînent contre les « baltringues » de Sciences Po…
J’avoue que je ne sais que penser… Entre l’extrême-droite bêtement viriliste et ces jeunes enthousiastes à l’idée de s’humilier publiquement, on est mal barré.
http://www.egaliteetreconciliation.fr/De-la-virilite-des-futures-elites-francaises-27452.html
Et ça n’a pas tardé, dans le genre langue de bois :
http://www.franceinfo.fr/actu/politique/article/pas-de-polemique-inutile-dans-mon-ministere-najat-vallaud-belkacem-556791
On remarquera au passage qu’elle n’a pas un mot pour les enseignants — piétaille et valetaille…
Vous êtes notre ministre des Menus-Plaisirs …
Merci pour vos interventions au Club de la presse sur Europe 1.
Je me sens d’attaque pour la rentrée.
« Merci pour vos interventions au Club de la presse sur Europe 1. »
écrit Fantomas.
Pour ceux qui ont raté ce grand moment de cinéma et veulent voir la séance supplémentaire :
http://www.europe1.fr/france/jean-paul-brighelli-le-ministre-de-l-education-ne-sert-a-rien-2216053
« Les pions sont l’âme des échecs » (dans tous les sens du terme ?)
François-André Danican Philidor.
Par ailleurs, je suis extrêmement surpris : tout un billet sans accusation contre le libéralisme triomphant (avancé, etc.) !
A propos d’étymologie, aviez-vous remarqué que « libéralisme » vient de « liberté » ? Étonnant, non ?
Ne serait-ce pas « latin » plutôt que « matin » qu’il faudrait lire dans votre première phrase ?
Par ailleurs suite à votre intervention sur E1, j’ai l’exemple de ma petite fille qui était l’an passé en CP au Lycée C. De Gaulle à Londres avec une Institutrice « républicaine » qui utilisait – éloignée du contrôle bureaucratique – la méthode syllabique accompagnée d’un livre excellent avec des exercices pour la maison. Elle savait lire à Noël , ce qui n’a rien de surprenant, mais ce qui m’a surpris c’est de voir avec quel plaisir elle découvrait avec chaque leçon les subtilités de la structure de notre langue et qu’elle faisait ses exercices comme si c’était un jeu. Docere ludendo !
Merci pour « matin » ! Ce n’est pas un méfait du global, c’est le fait de lire ce que l’on croit avoir écrit…
Ça m’arrive souvent…
Merci Brighelli pour le lien qui nous a permis de voir votre intervention.
Si vous étiez ministre … on en rêve ! Et on en aurait des analyses à vous livrer !
La phrase « la rue de Grenelle commence et finit à Bercy, Bercy commence et finit à Berlin, depuis quelques années » est très pertinente. On peut aussi rajouter que Berlin commence et finit à Washington.
Je trouve intéressant d’observer la politique européenne vis à vis de la Russie. On dirait que c’est la même politique qui est appliquée à l’école. Il faut être vraiment sorti d’asile pour croire que les sanctions économiques et les menaces contre le pays le plus vaste de la planète vont avoir des effets sur sa politique ! Ce n’est pas Cuba, pardi ! Si l’Europe refuse de vendre certains produits, les autres pays (Amérique du Sud et Asie) vont se précipiter pour déverser leur marchandises. Jamais dans l’histoire, la conquête d’un marché aussi immense n’est aussi instantanée !
Ce qui est encore plus intéressant, c’est observer la vassalité ostentatoire des dirigeants européens devant les diktats américains. M.Hollande et Madame Merkel ont cherché à résoudre la crise ukrainienne entre Européens. Mais par peur des représailles de Washington, les dirigeants faisaient machine-arrière sur tous les fronts en l’espace de quelques jours.
Pour finir, le mot pion est très bien choisi. On peut même l’étendre au Président de la République. Ce n’est pas M.Hollande qui dirige la France, mais bien le roi monde Obama. La souveraineté de l’Europe est un mythe, l’Europe est entièrement occupée. D’abord sur le plan militaire, les Américains en possèdent plus de 500 bases et 400 bombes thermonucléaires B61. Sur le plan économique, les grandes entreprises européennes sont de propriété américaine. Même la grande banque française BNP est devenue une entreprise américaine puisque des fonctionnaires US s’installent en son cœur. Cette histoire de frondeurs au sein du gouvernement, c’est du cinéma. MM.Hollande, Juppé, Montebourg, Macron, Hamon, …, Wauquiez, Peillon, etc. font partie d’une même équipe : des élus du roi Obama,
Oui c’est le Global Malin … encore la faute au Libéralisme !
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