Le Figaro s’émeut : la sédentarité des adolescents, dit Delphine Chayet, atteint des niveaux alarmants. Et de parler d’ « épidémie silencieuse », parce que les 11-17 ans passent désormais devant des écrans le double du temps qu’ils consacrent au sport — et sans doute bien davantage. Sans compter le confinement, qui oblige à la paresse, particulièrement chez les plus pauvres, ceux qui n’ont pas la place d’installer un vélo d’appartement — ou le partagent à douze.
Notez qu’avec un peu de chance, l’ascenseur de leur HLM est en panne. Une bonne occasion de faire de l’exercice.
Toute plaisanterie mise à part, les gosses les plus démunis sont les heureux gagnants d’une loterie à double tirage. Privés de cours et de culture, ils sont en même temps assignés à obésité. Et gros tôt, gros tard.
Un cardiologue de Rennes, le professeur François Carré, parle de « bombe sanitaire à retardement ». « À long terme, le manque d’exercice va favoriser une augmentation à bas bruit des niveaux d’inflammation et de stress oxydatif à l’origine de la plupart des maladies chroniques comme le diabète, les maladies cardiovasculaires, la dépression et certains cancers. » Etonnez-vous que le centre anti-diabétique de Marseille ait été construit dans es quartiers Nord, là où la misère se nourrit de sucres rapides…
Sans compter que les habitudes prises à 10 ans ont tendance à se perpétuer. « Un enfant assis sera un adulte assis ». Belle formule, qui rappelle ces enfants battus qui deviennent des adultes batteurs. Gros culs un jour, gros culs toujours. Est-ce en prévision de cette mutation physiologique que les sœurs Kardashian, avec leurs postérieurs de fermières, sont devenues des modèles callipyges ?
C’en est bien fini des « cintres » que Lagerfeld voulait pour ses défilés, adolescentes filiformes importées de pays de l’Est mal remis de l’Holodomor. Et retour général des Vénus hottentotes de toutes origines. Les petits boudins, hin hin hin, chantait jadis Dominique Walter. Demain, nous serons tous gros tas.
Et gros tas dépressifs. Les centres d’aide psychologique reçoivent des centaines d’appel d’étudiants confinés, de moins en moins capables de suivre des cours distribués dans des conditions acrobatiques, privés des petits boulots qui les faisaient vivre, enfermés dans 9m2, et suicidaires à court terme. Plus vieux, on a tendance à compenser l’absence des autres — le gouvernement, qui compte tant de ministres intelligents, a manifestement oublié que l’homme est un animal grégaire — en se jetant sur les nourritures compensatrices. Fin du « régime crétois », et bonjour Nutella. Les ventes de saloperies arrosées à l’huile de palme ont augmenté très significativement pendant le confinement — près de 50% en sus. Et habitude prise, habitude perpétuée.
Mais on ne doit pas savoir cela, dans les cantines des ministères, où les nourritures restent raffinées et les vins de qualité…
À noter que nombre de cantines scolaires, qui délivraient souvent le seul repas chaud et équilibré des enfants les plus déshérités, ont fermé, sous la pression des angoissés du virus. Un grand pas en avant dans la malbouffe.
J’avais l’habitude de marcher au moins une dizaine de kilomètres par jour. Me voici réduit à un aller-retour quotidien jusqu’au lycée où j’enseigne. Deux fois 15 minutes. Le reste du temps, pour compenser l’ennui massif né du manque de divertissement — le gouvernement, qui compte tant d’esprits supérieurs, a manifestement oublié de relire Pascal ou Giono —, je cuisine : là aussi, adieu les salades et bonjour couscous, cassoulet et choucroute. Lipides et glucides vont en bateau, je tombe à l’eau.
Nos gouvernants, hantés par la mémoire de l’affaire du sang contaminé, se bardent de précautions pour éviter qu’on les traîne en justice : le Covid ne passera pas ! Pas par eux !
Mais le diabète, les décompensations psychiques, les suicides, l’obésité galopante, la destruction rapide des corps envahis par des graisses opportunistes — de tout cela aussi on devra exiger des comptes. « Ne négligez pas votre santé ! » disent les médecins, « n’hésitez pas à consulter ! » Oui — sauf que les hôpitaux postposent les opérations considérées comme non urgentes. Voici deux mois qu’une amie se balade avec les tendons du pied arrachés, et que l’opération qui devait les rattacher est indéfiniment reportée — broutilles que cela ! Elle boitera à vie, mais qu’importe ! On aura au moins conservé un lit vide, au cas où. Merci, Olivier Véran !
Il est temps d’en finir avec ces restrictions qui seront à terme dévastatrices en termes de santé publique. Oui, mais le Covid ? Nous le combattrons bien mieux en nous activant, en ayant une vie sportive et un moral d’acier, qu’en jouant, comme on dit éloquemment en anglais, aux couch potatoes.
Mais c’est peut-être cela, l’idéal de la société post-libérale. Une France peuplée d’obèses, vautrés sur leurs canapés, et vivant de sucreries bon marché achetées avec un salaire universel de misère. Comme disait Houellebecq, le monde d’après sera le même, mais en pire.
Jean-Paul Brighelli
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