agression journaliste

Les risques du métier.

Ce lundi 7 janvier, le service reportage de la chaîne d’information continue BFMTV a décidé de boycotter les Gilets Jaunes « en signe de protestation », après que plusieurs journalistes ont été pris pour cibles par des manifestants.

Ils étaient contents, les journalistes, de faire dans le sensationnel avec des vidéos exclusives de destructions et d’agressions. Ils jouaient à nous faire peur et à se faire peur en nous racontant que la France était dans une situation insurrectionnelle.

Une insurrection qui n’a lieu que le samedi après-midi, jusqu’à nouvel ordre, c’est une séance de défoulement, rien de plus.

Et quelques dizaines de milliers de manifestants, pour la plupart bien calmes, cela ne fait pas trembler la République.

Mais pour la première fois, on a affaire à un mouvement qui ne se résigne pas à sa couverture médiatique. Le souvenir de la Manif pour Tous n’est pas loin: des manifestants qui avaient tout fait pour plaire à la presse, des défilés ultra-balisés, ambiance bon enfant plus-que-ça-tu-meurs, atmosphère familiale, chansonnettes, poussettes, les gays catho aux premiers rangs, pas un rétroviseur de rayé. Mais il fallait que la Manif pour Tous apparût comme un mouvement violent et inquiétant alors elle fut désignée comme tel. Peu importait ce qu’elle était, on disait d’elle ce qu’on voulait qu’elle fût.

Alors à quoi bon. A quoi bon être sages et gentils si, avant même de manifester on est déjà d’extrême droite ?  C’est ce qui est arrivé aux Gilets Jaunes. Leurs motivations premières (le prix de l’essence) étaient si peu honorables aux yeux des journalistes qu’on a d’emblée glosé sur les accointances supposées du mouvement.

Or, on ne peut presque rien contre le discours des journalistes. Il a une autorité énorme. Vous pouvez dire à peu près n’importe quoi, du moment que vous avez un gros micro en mousse dans la main et que vous parlez devant une caméra, vos mots ont une portée effroyable. Alors, pour contrebalancer la force de frappe de ce discours, certains n’ont trouvé que celle de leurs poings. L’impression désagréable que ces journaleux se postent toujours là où il y a de la casse et de la bagarre a de quoi excéder et il était inévitable que, tôt ou tard, ils se trouvassent physiquement menacés.

Mais cela ne fait-il pas partie des risques du métier ? Qu’est-ce qu’un journaliste qui n’accepterait de couvrir que les manifestations où il est bien accueilli ? Quand ils ont choisi ce métier, ne se rêvaient-ils pas en reporters de guerre, bravant courageusement les balles pour informer le monde ? Prêts à tous les sacrifices pour défendre la vérité ?

BFMTV, la chaîne des journalistes planplan.

Ce qui est amusant, c’est de constater que lorsqu’ils sont en danger, ces vaillants Tintin des temps modernes sont capables d’une autocritique tout à fait lucide:

Nous faisons trop de “mono-actualité” : depuis un mois et demi, rien n’existe sur l’antenne à part les « gilets jaunes ». C’est l’édition spéciale permanente. On tire trop sur le fil, parce que cela fait de l’audience. »

Le Monde ajoute :

Récemment, la SDJ a estimé que BFM-TV avait surcouvert l’arrestation du « gilet jaune » Eric Drouet. « La chaîne diffuse moins de reportages, regrette un autre journaliste. On passe notre journée à faire des duplex en direct toutes les trente minutes, ce qui nous expose aux agressions. »

Eh oui. Pourquoi les courageux qui osent le dire « en interne » ne sont-ils pas écoutés ?

C’est que nos « marchands de nouvelles », selon la belle expression de Maupassant, sont soucieux de conserver leur monopole :

Un reporter évoque aussi la « pression » maintenue par la direction pour que BFM-TV reste leader et que ses reporters ne se fassent pas doubler sur une séquence par leurs concurrents de LCI.

L’angoisse de se « faire doubler ». Je pense que Cyril Hanouna « double » beaucoup d’autres chaînes sur son créneau horaire. Est-ce un gage de respectabilité ?

 

5 commentaires

  1. Bah, une fois qu’on a compris qu’un « bon » journaliste/éditorialiste (genre Apathie, Cayrol, Cotta, Dassier, etc, tous bien sûr représentants du « nouveau monde » si cher à Macron) est celui qui surfe bien comme il faut sur les peurs que sont censés engendrer ceux qui surfent sur les peurs, on se dit que le « système », dans ce qu’il a d’aliénant envers la pensée des masses peut dormir tranquille..

  2. On voudrait bien des informations basées sur la neutralité politique, alors que tout ce que ces journaleux sont fichés socialo-communistes macronistes ! Leurs commentaires sont orientés ! méchants gilets jaunes : on ne fait que d’entendre les désastres qu’ils ont occasionné sur le commerce, le nombre de manifestants qui est faible et décroit régulièrement, tous des casseurs ou des tueurs de flics, Alors que le gouvernement (les gentils) offre des sucettes. Les commentateurs formatés profondément par les gentils nous serinent ce qui est bien, et ce qui est mal, etc…Chacun de leurs commentaires fait du mal, et pour moi je ne fais que me révolter contre ce qu’on m’impose de penser !

    • …les désastres qu’ils ont occasionné sur le commerce, dites-vous… oui, bien sûr, mais aussi, par voie de conséquence, sur l’emploi (les faillites ont marqué un pic en fin d’année), les investissements, le tourisme… et l’image de la France dans le monde entier. Bravo Mesdames et Messieurs !
      et bravo les « journaleux » qui répandent goulûment l’ivraie !
      Merci Madame pour vos analyses.

  3. J’aime beaucoup Ingrid Riocreux, j’ai lu son livre sur la Langue des médias; ayant moi-même étudié à Lyon 2 la grammaire du langage audio-visuel, je suis pleinement d’accord avec ses analyses. Il faut relire Mac Luhan « Pour comprendre les médias » et Umberto Eco « La structure absente ». Les trains qui arrivent à l’heure, ce n’est pas une information (enfin pas pour le moment!).
    arche69

  4. Chère Ingrid, vous semblez acquiescer aux excuses que se donnent les journalistes pour mériter la colères ds GJ….ils en auraient « trop fait » ….
    Est-ce bien la vraie cause ? Ou une échappatoire bien naïve ?
    Car, de fait, ce qu’ils ont fait était-il bien fait? …du moins aux yeux des GJ eux-mêmes?
    C’est là oú le bât blesse : les GJ se sont sentis maltraités, mal jugés dans la transcription par les journalistes de leurs aspirations profondes ….même et peut-être surtout par la mauvaise expression qu’ils en faisaient eux-mêmes …
    Mais, ça, les journalistes ne l’ont toujours pas vu.
    Et ça n’est pas à leur honneur !

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