pma manifUn récent article de Causeur insistait sur le caractère inaudible de certains arguments récurrents dans la bouche des opposants à l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes. Le discours de ceux qui militent en faveur de cette mesure me semble également présenter de grosses faiblesses. Je vais les aider un peu.

Je suis assez surprise de constater avec quelle timidité les médias soutiennent cette nouveauté. Ils ne font pas de zèle. C’est-à-dire qu’ils ne font pas bloc contre des opposants qui seraient désignés comme « réactionnaires », « conservateurs » ou comme « refusant cette évolution ». Dans le cas du mariage gay, ils avaient fait correctement leur boulot. Vous, les militants de la cause, n’aviez pas besoin de courir les plateaux. Les journalistes faisaient tout le travail : rappel constant des enquêtes d’opinion indiquant une « évolution des mentalités » et interviews sévères des opposants à cette loi.

Pour l’instant, rien de tel. Et je vais vous dire pourquoi.

D’abord, cela va trop vite. Entre le PACS et le mariage dit « pour tous », nous avions eu le temps d’oublier et les journalistes aussi. Oublier qu’à l’époque, on nous avait dit qu’il ne serait jamais question de mariage unissant des personnes de même sexe. Cette fois-ci, les gens n’ont pas eu le temps d’oublier et les journalistes non plus. Ils s’entendent encore rétorquer eux-mêmes aux militants de la Manif Pour Tous qu’il ne serait jamais question de PMA pour les lesbiennes. Alors, forcément, dire l’inverse si tôt est une posture difficilement tenable. Il faut les comprendre.

Deuxième point, la GPA. Ce sont les journalistes (confirmant donc la validité de ce que je viens de dire) qui soulèvent la question : au nom de l’égalité entre couples d’hommes et couples de femmes, après la PMA, réclamerez-vous la GPA ?

A ce jour, je n’ai vu aucun de vos militants répondre correctement à cette interrogation.

Vous donnez même le bâton pour vous faire battre, puisque vous fournissez vous-mêmes à vos opposants des objections faciles et énormes. C’est du suicide rhétorique :

  • Joël Deumier, président de SOS homophobie déclare qu’il n’est pas question de réclamer la légalisation de la GPA parce qu’elle est illégale en France. Ok, mais la PMA pour les lesbiennes est tout aussi illégale en France et pourtant, il en demande la légalisation !

 

 

 

  • Alice Coffin, membre de la conférence européenne lesbienne fait bien pire, en deux temps :

Premièrement, elle affirme que derrière le refus de la PMA se cache le mot lesbophobie. Eh bien, moi je vais vous dire que derrière le refus de la GPA se cache le mot gayphobie.

Et surtout, elle conclut le débat en refusant de répondre sur la question de la GPA « parce que c’est un argument de la Manif pour Tous ». Voilà une dame qui refuse de répondre aux arguments de ses adversaires ! Je crois qu’on rêve tous d’un débat l’on ne répondrait qu’aux arguments de notre propre camp : cela s’appelle une discussion entre potes.

Le journaliste est d’ailleurs clairement mis en demeure de ne plus poser la question qui fâche, sous peine de tomber sous le coup d’une accusation d’homophobie (30:24 et suiv.) :

_ Pardon, Alice Coffin, je n’ai pas compris si vous étiez pour ou contre la GPA.

_ Et moi je n’ai pas compris pourquoi vous continuez, en tant que journaliste, à me poser cette question.

Un bon journaliste doit être pro-PMA comme il a été pro-mariage gay. Et demain, il faudra qu’il soit pro-GPA. Un bon journaliste doit donc poser les bonnes questions et ne pas trop se poser de questions.

Au final, on a l’impression que vous prenez les gens pour des cons. Il faut éviter cela, conseil d’amie.

Comme disait l’autre :

Ne faites pas semblant de ne pas vouloir la GPA. On n’y croit pas une seconde : vous n’avez aucun argument contre et vous ne vous donnez pas même la peine d’en inventer. Dès lors, on voit trop que votre refus de la GPA est strictement stratégique et temporaire. Résultat : vous passez pour des menteurs, des manipulateurs et des hypocrites. Si vous voulez forcer les gens à soutenir votre revendication, assumez de réclamer à la fois la PMA et la GPA. Mais « n’oubliez pas qu’ils en sont » : allez-y à fond sur le thème du en avance/en retard. C’est incroyable mais cet argument, reposant sur une croyance totalement irrationnelle et typiquement religieuse en un sens de l’histoire préécrit contre lequel on ne pourrait rien, jouit d’une efficacité remarquable.

Mais attention au choix de vos exemples : non, Caroline Mécary, on ne peut pas affirmer que l’Inde est « l’un des pays les plus en avance en matière de procréation médicalement assistée ».

Parce que la conception d’enfants par voie médicale en Inde, cela évoque d’emblée à tout le monde une image qui ne fait pas très « en avance » :

usine à bébéUsine à bébés

Reprenons. Pour ce qui est du logos (argumentation rigoureuse et rationnelle), votre discours est assez indigent. En ce qui concerne l’éthos (image que vous donnez de vous-mêmes), je ne saurais trop vous suggérer de recourir à des gens ayant des figures sympathiques et non à des militants au visage hargneux respirant le mépris et la détestation de tout ce qui n’est pas eux. Cela joue beaucoup, croyez-moi. Finalement, là où vous pouvez tout parier, c’est sur le pathos, c’est-à-dire les sentiments que vous inspirez à votre auditoire. Jouez à fond les deux cartes suivantes : la peur et la honte. Vous savez le faire :

La peur (cf. Alice Coffin)  : le terme d’homophobie a un pouvoir énorme. L’homophobie, c’est bien connu, n’est pas une opinion, c’est un délit. Faites passer l’idée que si l’on est contre la PMA et la GPA, on est homophobe. C’est le meilleur moyen de gagner le débat sans avoir à débattre : la position de l’adversaire est tout simplement illégale. Excellent.

La honte (cf. Caroline Mécary et Joël Deumier) : insistez beaucoup sur le caractère minoritaire des opposants à cette nouvelle disposition. Cela va de pair avec l’argument dit « du sens de l’histoire » (voir supra.). Là encore, si vous le faites avec suffisamment de conviction et d’aplomb, vous pourrez vous dispenser de débattre. L’adversaire se sentira seul et découragé avant même de défendre sa position. Il se persuadera qu’il mène un combat d’arrière-garde et qu’il a perdu d’avance. Trop fort.

Évidemment, il y a des gens avec qui cela ne marchera pas mais que voulez-vous, la rhétorique n’est pas une science exacte.

5 commentaires

  1. A propos du mot « solidaire » dans votre (excellent) article
    http://blog.causeur.fr/lavoixdenosmaitres/le-ministere-du-bien-00493.html
    (Les commentaires sont fermés donc je poste ici)
    Vous semblez ignorer l’origine de l’utilisation du mot « Solidaire » dans la propagande des gauchistes du camp du bien progressiste en France.
    Je crois que cela vient de votre âge : trop jeune pour ça.
    « Solidaire » est un avatar de « Solidarité », un mot qui s’est imposé au début des années 80 dans le vocabulaire propagandiste de tous ceux qui ne savent faire que du vent mais qui veulent faire savoir qu’ils font LE BIEN (et AUSSI qu’ils LE font BIEN…).
    Et ce mot « Solidarité », il est venu d’où ?
    C’est devenu une mode à l’époque du syndicat « Solidarnosc » de Lech Walesa, en Pologne, quand Lech Walesa, vers la fin des années 70 et le début des années 80, n’était encore que l’héroïque leader syndical du mouvement de fond fissurant la dictature communiste polonaise, ce qui allait contribuer à faire s’effondrer l’empire soviétique.
    Solidarnosc ça veut dire « Solidarité » en Polonais.
    A partir de cette époque plein de trucs « progressistes » se sont choisis un nom de type « solidarité bidule », chacun voulant jouer à être le Lech Walessa de son petit pré-carré dégoulinant d’humanité.
    Puis, comme toutes les modes, elles passent, elles évoluent
    La mode « solidarité » a évolué pour devenir la mode « solidaire » afin de surfer dans la continuité sur la vague des « migrants », humains komvouzémoa, avec qui nous avons un devoir de « solidarité » c’est à dire le devoir d’être « solidaires ».

    • tout faux. Au moment du coup d’état de Pinochet l’un des slogans des manifs gauchistes était « Chile Chile Solidaridad ».

      Et en passant, puisque j’ai ici un espace de liberté, et qu’on y parle de « phobies », je voudrais faire une parenthèse sur la demande du CRAN de déboulonner Colbert. Je propose aussi qu’on supprime le nom de Buffon des rues, des écoles et des monuments. J’ai acheté une édition ancienne de son histoire naturelle, et je dois dire que le chapitre intitulé « les nègres » vaut son pesant de cacahuètes.

  2. Excellent article comme d’habitude d’Ingrid Riocreux !
    Ah les mots ! Ils tuent autant que certaines armes bien tranchantes !
    J’ai particulièrement apprécié les deux paragraphes
    – La peur
    – La honte
    En citant les auteurs, vous les démolissez avec une telle grâce !
    Ces gens bouffis de certitudes, manipulant la rhétorique, la retournant pour faire d’eux les « justiciers » de leur cause qui est, j’en suis certaine, minoritaire dans notre pays.

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