Oubliés du « printemps arabe »

Lundi 21 novembre, Canal Plus diffusait un numéro de Spécial Investigation intitulé : « Chrétiens d’Orient : l’exil ou la mort ? » Bien sûr je n’ai pas appris grand-chose, pas plus que vous amis lecteurs de Valeurs actuelles (à supposer que vous ayez la télé…) N’empêche : ce programme est une bonne action ! Hors lendemains d’attentats, nos médias audiovisuels ne s’intéressent guère à cette minorité-là. 

C’est bien simple : la plupart des gens ici ne savent même pas qu’il y a des chrétiens là-bas ! Pourtant, ils représentaient 15 % de la population du Proche-Orient en 1900 – contre 6 % seulement de nos jours… Et l’islamisme radical n’explique pas tout, comme le souligne utilement l’enquête de Gwenaëlle Lenoir.

Voyez l’Égypte, qui est sous les feux de l’actualité. Les premières élections libres y seront-elles aussi les dernières ? En tout cas les démocrates du cru se méfient déjà de l’armée – que le documentaire soupçonne d’ailleurs d’avoir commandité elle-même les récents attentats contre les coptes.

Entre ces stratèges cyniques et les islamistes en col blanc, donnés une fois de plus gagnants, la démocratie, comme prise en sandwich, risque fort de finir avalée.

Encore cette démocratie-là, en Égypte pas plus que dans les autres pays du “printemps arabe”, ne saurait-elle garantir la liberté religieuse. De nos jours encore, en pays musulman, la distinction entre “croyants” et “infidèles” structure toute la société ; comment, dans ces conditions, les chrétiens pourraient-ils y être traités sur un pied d’égalité ?

Eh bien, si ! justement, suggère le documentaire sans le dire : c’était le cas en Irak… sous Saddam Hussein ! Avant l’intervention américaine, on comptait un million de chrétiens en Irak. Depuis la chute du tyran, en moins de dix ans 500 000 d’entre eux ont fui l’enfer des attentats, des persécutions et de la discrimination tous azimuts.

Ce paradoxe pose la question de nos responsabilités dans cette région du monde : soutenir la “floraison démocratique”, fort bien – mais pas au prix de l’éradication du christianisme ! En janvier dernier, Nicolas Sarkozy dénonçait à juste titre l’« épuration religieuse » actuellement en cours au Proche-Orient. Mais que faire concrètement pour épargner aux non-musulmans le choix, décidément sinistre, entre la valise et le cercueil ?

C’est compliqué, la politique ! Prenez la Syrie par exemple : le monde démocratique tout entier voue aux gémonies son régime dictatorial et sanglant. Pourtant, pas un mot sur ce pays dans le documentaire, et pour cause : les chrétiens y sont plutôt bien traités.

Ce n’est certes pas une raison suffisante pour souhaiter le maintien au pouvoir de Bachar al-Assad. Mais pas non plus pour encourager indistinctement ses opposants, sans la moindre garantie que ces “démocrates” là, une fois au pouvoir, respecteraient vraiment les droits de l’homme – y compris chrétien.

Publié pour Valeurs Actuelles, le 1er décembre