Invité vedette de Zemmour et Naulleau, l’autre vendredi sur Paris Première : l’insubmersible Bernard- Henri Lévy. Depuis bientôt trente-cinq ans, ce ludion-là promène d’un plateau télé à l’autre sa silhouette de dandy, élégamment brushé et déboutonné. Il y vend ses vents, souvent contraires, mais utiles toujours à sa posture de l’instant. Une cohérence comme une autre, au service d’une oeuvre où alternent pamphlets ap proximatifs (l’Idéologie française, 1981) et sommes tautologiques (Questions de principe I à X, 1983-2007, s’il vous plaît.)
D’ordinaire, avec le temps, ça finit par se voir. Sauf que, dans l’intervalle, cet ex-nouveau philosophe-là a su se consacrer à l’essentiel en ce bas monde intellectuel : tisser un solide réseau d’amis, d’obligés et, au-delà, de craignant-BHL. Résultat : il peut dire et écrire n’importe quoi, et même scander solennellement rien du tout, sans être jamais déconsidéré. Pas mal, hein ?
Certes, mais c’est du boulot ! Un carnet d’adresses ne suffit pas : il y faut aussi une abnégation de tous les instants. Savoir renoncer le cas échéant à l’esprit de finesse et au simple bon sens, sans même parler de cohérence.
Le risque ontologique qu’assume Bernard-Henri, on l’a mesuré pas plus tard que l’an dernier avec son brûlot De la guerre en philosophie : pour renvoyer Kant à son néant, ne se référait- il pas à un philosophe imaginaire, inventé par un journaliste du Canard ? Eh bien, il a survécu à cette épreuve : ça lui a touché une mèche sans faire bouger l’autre.
Mieux : les deux Éric, alors chroniqueurs chez Ruquier, l’avaient convenablement étrillé. Ça ne l’a pas empêché de revenir chez eux vendre son nouvel aspirateur à idées,la Guerre sans l’aimer. Quand on est en promo, une télé ça ne se refuse pas ! Dans ce récit romancé, l’auteur raconte comment, avec ses petits bras, il a fait bouger l’Élysée, l’Onu et l’univers entier jusqu’à libérer la Libye de la dictature la plus immonde du monde. « Et la Syrie ? Et la Corée du Nord ? », ricanent les deux Éric. « Du calme ! Un bouquin à la fois ! », semble répondre Béhachelix, qui ne craint décidément qu’une chose : que le silence lui tombe sur la tête !
Qu’importe ce « petit » Zemmour qui, tel Idéfix, lui mordille les mollets : « N’êtes-vous pas « l’idiot utile » de l’islamisme ? » Il n’aura pour toute réponse qu’un haussement d’épaules dialectique. Naulleau croit viser plus juste en s’attaquant à la forme, c’est-à-dire au fond du béhachélisme.
Après un bref florilège de ses contradictions des origines à nos jours, il lance à Bernard-Henri la question censée tuer : « Est-ce que vous n’auriez pas dû réfléchir avant de parler ? » Peine perdue : « Je ne regrette rien! », conclut dignement le petit marquis à tête de piaf.
Publié pour Valeurs Actuelles, le 15 décembre 2011