La chute de l’empire soviétique, vous vous souvenez ? La semaine dernière, j’en étais au tournant de l’excellent documentaire diffusé par Arte, Adieu camarades ! En 1985, après avoir enterré trois zombies en trois ans, l’URSS se dote soudain d’un président jeune, en pleine santé, et populaire avec ça ! Il faut dire aussi que Mikhaïl Gorbatchev a dans sa musette plein de gadgets séduisants tels que « glasnost » et « perestroïka ».
Lorsque “Gorbi” accède au pouvoir, il a en tête un projet original : concilier socialisme soviétique et démocratie. Son idée, en gros : “Ça ne peut plus durer, ce système absurde qui ne tient que par la force ! Et si on enlevait la force ? ”
Reste bien sûr l’absurdité ; mais ça, notre jeune premier (secrétaire) mettra un certain temps à s’en rendre compte. Contestation démocratique, dissensions ethniques : le dégel provoque un chaos généralisé et le camarade Mikhaïl découvre que le système n’est pas réformable ; quand on tire un fil, c’est tout le tricot qui vient…
Dépassé par le mouvement qu’il a lui-même initié, Gorbatchev passera six ans à danser un étrange tango entre libéralisation et répression. L’historien Youri Afanassiev raconte bien le drame de ce démocrate à la mode soviétique, qui « voulait sauver à tout prix l’Union, le socialisme et le Parti, ses trois vaches sacrées ». Résultat : il les a suivies de peu à l’abattoir, et aujourd’hui encore le peuple russe le rend responsable de cette débâcle.
C’est très injuste ! S’il y a bien un irresponsable dans cette affaire, c’est Gorbi : jusqu’au bout il prêchera la démocratie pour peu qu’elle ne s’oppose pas à lui. Un Kadar en Hongrie, ça va ; mais un Eltsine chez soi, faut pas pousser.
Au bout du compte, Gorbatchev tombera du côté où il penche. Images inédites d’une session historique du Soviet suprême en 1991 : son bras droit, Chevarnadze, le met en garde contre l’imminence d’un coup d’État. Et comment réagit Gorbi ? En nommant vice-président Guennadi Ia naïev – l’homme qui conduira le putsch quelques jours plus tard ! « Le camarade Ianaïev a le sens du dialogue, c’est son point fort », explique alors Micky sans rire.
À la veille de leur coup, les conjurés en informent Gorbatchev, qui se la joue Ponce Pilate : “Allez au diable ! Faites ce que vous voulez !” “Retenu” dans sa datcha de Crimée, il attendra de voir comment ça va tourner…
Eh bien, ça tourne mal pour lui : quand il rentre de son exil bref et doré, l’Histoire ne l’a pas attendu… Face à la Russie renaissante, qui s’appelle alors Eltsine, il ne préside plus qu’une URSS fantôme. Une coquille vide que tout le monde a déjà désertée, et pour cause : aucun peuple n’y était entré de son plein gré.
Allez savoir pourquoi : le “soviétisme démocratique” à la mode Gorbi me fait irrésistiblement penser à cette bonne Europe qu’on essaie de nous vendre de gré ou de force depuis vingt ans, avec le succès que l’on sait.