Dérangeant, sidérant, implacable… le tout nouveau roman de Christine Angot a été accueilli, dans la bonne presse, par un déluge d’épithètes censément flatteuses mais qui feraient plutôt peur – à l’instar de l’auteur.
Il faut voir cette Gorgone fragile pétrifier de terreur tous les plateaux télé qu’elle écume actuellement pour sa promo. Même acquis d’office à sa cause, ses hôtes n’en mènent pas large, et pour cause ! Mme Angot écoute les questions les plus complaisantes, les compliments les plus appuyés avec la froide circonspection d’un examinateur à l’oral d’angotologie – une science dure, on s’en rend compte assez vite.
Le sujet d’Une semaine de vacances, comme son titre ne l’indique pas, est le même que celui de son premier succès, l’Inceste (1999). Mais à part ça, précise l’auteur à chaque interview, les deux bouquins n’ont rien à voir. Dans le premier, c’est en fin de livre et à la première personne qu’elle racontait comment son père avait abusé d’elle à l’âge de 13 ans. Dans la version 2012, le viol est narré à la troisième personne et s’étale, si l’on ose écrire, sur tout le livre.
Pourquoi une telle exhibition, qui n’épargne au lecteur aucun détail sordide ? C’est, en termes infiniment plus diplomatiques, la question que pose à notre “écrivaine” François Busnel, animateur de la Grande Librairie (France 5).
Réponse de l’intéressée : « J’ai voulu montrer ce qu’est vraiment l’inceste. […] La question que pose mon livre c’est : “Qu’est-ce que ça fait quand on est en train d’être tuée ? ” Je suis évidemment dans l’incapacité totale de vous répondre ! »
Là, l’omniaimable Busnel rame un peu. Comment son honorable cliente espère-t-elle nous faire profiter d’une expérience si traumatisante que, quarante ans après, elle-même ne sait toujours pas “ce que ça fait” ? Par chance, point n’est besoin de saisir toutes les subtilités existentielles du “sujet Angot” : il suffit de traiter cette nouvelle reine Christine avec les égards dus à son rang littéraire. Examen réussi pour François Busnel, qui sera même gratifié in fine du rare et fugitif sourire angotien.
Étonnamment, l’ambiance était moins décontractée le lendemain au Grand Journal, temple de la branchitude où la chantre de toutes les marges, assumées ou subies, a sa statue de droit. Ce soir-là, la tension était palpable sous le velours des compliments. Incompatibilité d’humeur, apparemment, entre les bobos rigolards de la bande à Denisot et la bobo hiératique qui rit quand elle se brûle.
Il y a au moins quelque chose de clair chez cette ténébreuse mère Angot : son tragique manque d’humour, notamment sur elle-même et son oeuvre. Follement sérieuse ou sérieusement folle ?
Publié sur Valeurs Actuelles, le 20 septembre 2012