Pour avoir évoqué l’avortement de façon équilibrée, Arte est vouée aux gémonies par les féministes…
L’autre mardi, Arte consacrait une de ses fameuses soirées Thema à l’avortement, sous le titre vintage « Mon ventre m’appartient ». Au programme, deux documentaires allemands inédits, mais tout ce qu’il y a de plus complémentaires, voire contradictoires.
Le premier tient tout entier dans son intitulé militant : Droit à l’avortement, le combat continue ! Après enquête en France, en Allemagne et en Pologne, l’auteur a fini par trouver ce qu’il cherchait : la preuve que ce « droit »-là est aujourd’hui « gravement menacé en Europe » Plus que jamais, apprend-on, sur fond de crise économique et de montée-des-populismes (sans oublier l’influence délétère de l’Eglise), l’accès à l’avortement reste un « parcours du combattant ».
Fidèle à lui-même, Télérama décerne à ce doc de combat son label « 2 T » (Recommandé par la maison.) Quant au Planning familial, il applaudit avec d’autant plus d’enthousiasme qu’on lui donne ici généreusement la parole.
Avec le deuxième documentaire (diffusé hélas à minuit), changement de ton radical : intitulé Avortement, la loi du silence, il met en lumière le côté obscur et les drames cachés d’un acte désormais banalisé. La réalisatrice elle-même confie avoir avorté à vingt-cinq ans, sans l’avoir vraiment « choisi ». C’est bien plus tard, en revenant sur les lieux de l’intervention, qu’elle prendra enfin conscience des « séquelles » qu’elle trimballait depuis.
Dès lors, la cinéaste n’a de cesse de rencontrer d’autres femmes traumatisées par leur IVG. Dans son reportage, quatre d’entre elles racontent leur expérience et ses conséquences ; toutes témoignent d’un manque général d’information, tant sur l’avortement lui-même et ses éventuelles conséquences psychologiques que sur les alternatives possibles.
« J’aurais tellement aimé que quelqu’un autour de moi m’explique les autres choix qui s’offraient à moi, dit une quadragénaire qui a avorté à l’âge de 17 ans. Mais j’étais entourée de gens persuadés qu’il fallait se débarrasser de l’enfant. À les entendre, c’était aussi anodin que de se faire opérer de l’appendicite… »
« Tu vas gâcher ton avenir », avertissaient famille et amis, tandis que le médecin se faisait rassurant : qu’est-ce qu’un fœtus, après tout, sinon « un amas de cellules embryonnaires » ?
« J’ai tué un enfant » s’exclame une autre de ces femmes, qui a pourtant fini par trouver le chemin de l’apaisement intérieur. Mère de famille, elle se consacre désormais à la prévention en milieu scolaire.
Compliments à Arte d’avoir ainsi rééquilibré, même tardivement, sa « Soirée avortement » avec ce « documentaire salutaire sur les séquelles occultées de l’IVG », comme l’écrit le dossier de presse. Le hic c’est que, dans les milieux fémino-progressistes, on ne l’a pas entendu de cette oreille.
À ce programme-là, Télérama colle un infamant « Moins » en forme de sens interdit, et son principal argument vaut le détour : « Ce documentaire marque cruellement de contrepoids ! » Elle est pas bonne, celle-là ? Et le doc précédent, dix fois plus vu, c’était quoi ? Intervilles ?
De son côté, le Planning familial se fend d’un long et accablant communiqué. Il y accuse Arte de s’être « décrédibilisée avec ce deuxième documentaire, qui tranche radicalement avec la ligne habituelle de la chaîne » ! Intéressant, ça… Arte serait donc sortie des clous en propageant un « discours manipulatoire, prônant la culpabilisation des femmes et la stigmatisation de l’acte de l’IVG » (sic).
Face à tant de mauvaise foi, ma plume reste sans voix. Par bonheur la réplique qui tue, je la trouve tout écrite dans le dernier Causeur sous la signature d’Eugénie Bastié, qui elle aussi a vu le doc incriminé : « Pour ces féministes-là, on avorte toujours le sourire aux lèvres ! »
D’ailleurs c’est bien simple : aux yeux de nos Plan(n)euses, tout ce qui n’est pas rationnel n’est pas réel… De quoi s’inquiéter pour leur mouvement, non ?
[Article publié dans Valeurs Actuelles]