L’avantage avec l’extrême droite, comme auparavant avec la bête du Gévaudan, c’est qu’on peut en dire à peu près n’importe quoi. Lundi 9 mai, le service public ne s’en est pas privé. Après la série policière L. A. Enquêtes prioritaires, France 2 nous a gratifiés d’un Complément d’enquête tout aussi haletant et prioritaire, consacré cette fois à « La tentation de l’extrême-droite »

On aurait aimé frissonner… Hélas, le sujet s’est vite avéré sans objet. Au menu, trois reportages successivement consacrés à Marine Le Pen, à Claude Guéant et aux skinheads ; et pourquoi pas les satanistes et les cathos intégristes qui, comme chacun sait, partagent les mêmes idées ?

L’amusant, c’est qu’au fil de ces investigations, le documentaire s’autodétruit, comme dans Mission : impossible. Évacuons d’emblée le sketch sur les “skins”, qui, à coup sûr, décoiffe – surtout venant juste après celui sur Guéant… “Est-ce bien la même émission ? ”, se seront sans doute demandé des téléspectateurs dissipés. Mais oui, puisqu’il s’agit de pimenter un peu cette enquête au titre “survendeur”. Hélas, croit-on comprendre, les bandes de skins ne sont plus ce qu’elles étaient il y a encore vingt ou trente ans. C’est bien simple : même nos services de renseignements s’en sont désintéressés… Restent quelques fêlés à croix gammée dont raffolent les médias et qui sont la hantise de Marine.

Mlle Le Pen, nous explique-t-on en effet, n’a qu’une idée en tête : se démarquer des provocs de papa pour ratisser plus large, y compris au sein de l’électorat UMP. Même démarche à l’envers pour Claude Guéant, dont les déclarations fracassantes relèveraient en fait, selon nos “enquêteurs complémentaires”, d’une stratégie élaborée à l’Élysée pour – devinez quoi ? – gagner la présidentielle.

À en croire le commissaire Duquesne, qui a mis tous ses hommes sur l’affaire, ce plan machiavélique comporterait deux étapes : tout d’abord, focaliser le débat sur l’immigration et l’insécurité pour marginaliser d’emblée la gauche, qui n’a rien à dire d’audible sur ces sujets ; puis assurer ainsi au président un “nouveau 21 avril”, c’est-à-dire une réélection de maréchal, et républicain en plus !

On cherchera en vain, dans ce calcul, une “tentation extrémiste”. Il participe au contraire d’une course aux suffrages tout ce qu’il y a de plus normale dans nos institutions, ou du moins dans leur pratique. Nul doute qu’au centre, s’il existe, et à gauche en tout cas, dès qu’on saura qui est qui, on assistera aux mêmes contorsions préélectorales. Et mépriser ça, cher Benoît Duquesne, c’est être un bien mauvais démocrate.

Publié pour Valeurs Actuelles, le 19 mai 2011

 

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