François Bayrou ne manque pas de panache, ni même d’idées ; c’est triste qu’il soit centriste…

Invité politique d’On n’est pas couché l’autre samedi, François Bayrou. J’étais curieux de voir comment le président du Modem s’en sortirait, pour deux raisons au moins. Primo, depuis Poher, le « Mystère des Voix centristes » est resté entier pour moi. Et puis dans cette émission, après les départs du duo Zemmour-Naulleau puis de Polony, pour tenir une heure durant un discours cohérent, mieux vaut désormais « compter sur ses propres forces », comme disait le président Mao.

Dans l’ensemble, j’ai été plutôt agréablement surpris par la prestation de Bayrou. Certes, il n’est guère étonnant d’entendre un leader centriste se plaindre de la bipolarisation droite-gauche, qui déporte le centre vers la périphérie, voire la satellise. Au moins François avance-t-il des arguments qui ne sentent pas trop leur boutique. Les deux camps, dit-il, n’existent même plus, puisque droite et gauche sont également coupées « au moins en deux ». Du coup le président de la République, une fois élu, ne peut plus compter que sur le soutien d’un quart des Français, « les bonnes années ».

Le vrai problème, selon l’hôte de ces lieux, c’est que « la représentation est bafouée. Il y a à l’Assemblée nationale 577 députés, et 50 % des Français n’y sont pas représentés. » Alors ces gens-là, bizarrement, se désintéressent des débats parlementaires , qui d’ailleurs n’ont plus guère d’intérêt : « On discute entre soi, de commissions en amendements, et au bout du compte il n’en sort pas grand-chose »… Pas faux, tout ça ! Ce genre de « populisme », même habilement déguisé en centrisme, je suis toujours preneur.

Logiquement, l’animateur ramène son invité à l’actualité tragique du mois dernier.  Face aux massacres djihadistes « made in France », que faire ? Pour l’immédiat, estime Bayrou, les autorités se sont montrées à la hauteur. Mais sa grande idée, « pour reconstruire ce qui doit l’être », c’est l’éducation. Il faut enseigner l’Histoire, et par exemple celle de nos Guerres de religion, dit sans surprise ce biographe, disciple et « pays » d’Henri de Navarre.

Encore cela suppose-t-il la maîtrise de la langue, qui est loin d’être acquise : « En fin de primaire, un tiers des élèves ne savent ni lire ni écrire »,  déplore l’ancien ministre… Et de citer un prof rencontré trois jours auparavant : « Comment voulez-vous qu’ils s’en sortent ? Ils ont cinq cents mots ! »

De quoi réveiller l’hémisphère gauche d’Aymeric Caron, qui ne dort d’un lobe : « Vous oubliez l’aspect social, le milieu dont l’élève est issu et qui est souvent déterminant. » Ce déterminisme-là énerve le prof François : « L’école est faite justement pour rattraper ces inégalités ! Il y a des maîtres, des classes, des écoles grâce auxquels bien des enfants ont réussi, malgré un milieu social défavorisé. C’est d’eux qu’il faut s’inspirer. » Certes, mais l’actu  ne rend-elle pas ce débat un peu obsolète ? Les frères Kouachi n’avaient-ils pas décroché CAP et BEP avant de se radicaliser ?

Interrogé sur les responsables de ce nouveau terrorisme, Bayrou n’hésite d’ailleurs pas à dénoncer « un assaut contre notre civilisation du fanatisme religieux, salafiste et wahhabite » – c’est à dire qatarien et séoudien. Fort bien. Mais face à un tel « assaut », comment ose-t-il proposer les instits comme ultime rempart ? Point aveugle dans la « vista » de notre homme d’État en (volonté de) puissance.

« On ne s’assimile pas au doute » comme disait l’autre, dont j’ai malheureusement oublié le nom. Les jeunes, issus de l’immigration ou pas, ont besoin d’idéaux. Et qu’avons-nous à leur offrir, sinon de vains bavardages sur le pont du Titanic ? Déjà que ça n’intéresse plus leurs aînés, comme dit Bayrou lui-même… Pourquoi diable est-ce que ça motiverait tous les Saïd et Cherif – sans même parler de Maxime, leur paisible émule normand, devenu à vingt-deux ans bourreau en Syrie ?

[Publié dans Valeurs Actuelles]

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