Théorie du genre, « islamophobie » : Onfray prouve qu’on peut être de gauche et rebelle au désordre établi…
Au lendemain des massacres djihadistes, j’ai suivi avec intérêt, entre autres, les réactions de Michel Onfray, qu’on a pu voir successivement chez Zemmour & Naulleau puis dans On n’est pas couché.
Chez Ruquier, que vous raconter ? Notre philosophe n’aura guère eu le temps de développer sa pensée. À chaque virgule, il est sommé par le duo Salamé-Caron de se défendre de l’infamante imputation d’ « islamophobie », le pauvre ! C’est particulièrement injuste pour lui qui, dans son trop fameux Traité d’athéologie, mettait un point d’honneur à balancer dans la même poubelle les « trois monothéismes » – avec même une petite dilection pour l’anti-christianisme primaire.
Eh bien, ça ne suffit pas ! Pour plaire ce soir-là, Onfray aurait dû au moins opiner du chef quand Caron décréta, la main sur la mèche, au nom d’un plateau unanime : « Ces attentats, ça n’a rien à voir avec l’islam ! ». Mais ça, c’est au-dessus de ses forces…
Ce que Michel tente de faire entendre, entre deux interruptions, c’est le distinguo nécessaire entre un Coran aux sourates un peu souvent guerrières et la pratique paisible de la plupart des musulmans.
Mais le philosophe tombe mal, avec ses emberlificotages. Ce samedi chez Ruquier, c’est soirée t-shirt mouillé de sang, 100 % Charlie, avec quand même un capitaine de soirée pour rappeler le mot d’ordre anti-islamophobe de rigueur : « Pas d’amalgame ! » À quoi bon vouloir approfondir le débat, quand il n’y en a pas ?
Cela dit, chaque émission a son intérêt, pour peu qu’on ait quelque chose à dire ou à vendre, et surtout les nerfs solides. Après, il suffit de s’adapter : plus on parle au grand nombre, moins on peut faire passer d’idées… Comme disait superbement ce misanthrope d’Anouilh, refusant justement de causer dans le poste, « je n’ai rien à dire à tout le monde ».
À cet égard, la visite d’Onfray chez Zemmour & Naulleau sur Paris Première est le complément parfait de sa prestation dans le show de France 2. Sous l’aimable arbitrage de Naulleau, on assiste là à une controverse autrement intéressante, entre Onfray le sulfureux et Zemmour le caramélisé.
Comme Valeurs actuelles vous le contait tout récemment (n° 4076), depuis tantôt un an Michel se retrouve, à son corps défendant, interné dans le camp des « nouveaux réacs ». Son crime ? Avoir moqué, dans une chronique, ces écoles où l’on voudrait enseigner la théorie du genre avant la lecture…
Ce n’est pas bien, certes ; ce genre de blague est réac, Onfray devrait le savoir. Mais de toute façon, ce ne fut qu’un prétexte : depuis quelques années déjà, le camp du Bien l’attendait au tournant… Quelle mouche l’avait piqué, aussi ? Après avoir correctement déconstruit trois religions millénaires, pourquoi s’en prendre soudain aux dernières idoles de notre Occident couchant (Freud, Sartre, Sade…) ?
Le réac chef Zemmour accueille avec une empathie à peine teintée d’ironie ce « malgré-nous », qui apparemment ne comprend toujours pas ce qui lui est arrivé. Lui, l’ « homme de gauche » qui voulait juste « poser la question de l’islam de façon laïque »… Sauf que penser laïc c’est penser français, comme lui souffle ce diable d’Eric, puisqu’aussi bien la « laïcité à la française » n’a pas d’équivalent dans le monde.
Ce qui inquiète ses ex-amies chenilles, c’est de voir Onfray se transformer en papillon. Dieu sait qu’il a bougé dans son cocon, et dans le bon sens, depuis ses premières contorsions de rebelle cynique ou d’athée intégriste. Et pourtant, il reste empêtré dans son rêve de « 3e gauche libertaire, fouriériste et proudhonienne… » – « Celle qui perd toutes ses guerres, toujours écrasée par d’autres gauches ! » ironise méchamment Zemmour.
Un de ces jours, Onfray finira bien par se l’avouer : par les temps qui courent, il devient difficile d’être à la fois intelligent, honnête et de gauche.
Publié dans Valeurs Actuelles