Dans la « bio romancée » consacrée par Philippe Besson à James Dean, on n’apprend rien de nouveau sur l’acteur, mais tout sur les fantasmes de l’auteur.
Parmi les invités d’On n’est pas couché l’autre samedi, j’ai eu le plaisir de retrouver Philippe Besson – à ne surtout pas confondre avec son homonyme Patrick, romancier moins doué pour l’engagement mais un peu plus pour l’écriture.
Le mois dernier, ici même, j’avais déjà évoqué ce personnage, auteur pour France 2 d’un documentaire résolument engagé contre l’homophobie, et radicalement autocontradictoire. En gros, La Manif pour tous était seule responsable de la recrudescence de cette discrimination – sauf que tous les « témoins » témoignaient du contraire.
De ce remarquable foirage, je fus le dernier surpris. J’avais déjà pu voir, « du même auteur dans la même collection », d’autres « documenteurs » aussi consensuels que variés sur Mai 68, Le strip-tease, Lacan et … Ruquier en personne.
Ce samedi soir, c’est en tant qu’écrivain que Laurent reçoit son ami Philippe. Pour le présenter, notre bateleur se met même à parler comme un livre : « Il s’est inscrit dans le paysage littéraire en publiant un roman par an depuis quinze ans… » Mais à ce compte-là, Mlle Cartland aurait mérité le Nobel !
Problème pour Besson : en ce lendemain de massacre à Charlie Hebdo, avant de faire sa promo, il est bien obligé de « dire un mot ». Il en aura même trois : « sidération », « effroi », « stupeur ». Le tout, hélas, sonne un peu faux ; on dirait un élève de première année de théâtre expérimental.
Par chance chez Philippe, comme il le dit lui-même, très vite « l’émotion fait place à la réflexion ». « Ils ont tué l’intelligence, l’irrévérence, l’insolence… Mais puisqu’ils nous veulent morts, il faut que nous soyons vivants ! » On l’aura compris : ce nous qui est l’intelligence, non seulement Besson en fait partie, mais il croit l’incarner lorsqu’il déclame solennellement : « La meilleur réponse à la mort, c’est la vie ! » De fait, il fallait y penser.
Après ce passage obligé, enfin la récré ! Pour nous présenter son « petit dernier » sur James Dean, l’auteur se lance avec l’animateur dans une surenchère de « révélations » croustillantes, quoi que romancées, sur la vie (bi)sexuelle de son héros.
Philippe : « Hommes ou femmes, James Dean couche utile ! » Laurent : « C’est une pute ! » Philippe : « Ouiiii ! » Laurent : « D’ailleurs c’est ça, hein, l’histoire du parking où il drague un publicitaire… » Philippe : « Oui, ils font leur affaire, et ensuite l’autre lui fera tourner ses premiers spots publicitaires… »
« Cela dit, relance Ruquier, c’était pas un super coup sexuellement, hein ? » – « Les femmes disent qu’il était pas terrible au lit, confirme Besson ; mais je pense qu’avec les hommes, c’était un peu mieux… » « Fantasme d’homosexuel ! » interrompt Léa Salamé. Mais cette remarque ne fait qu’égayer plus encore nos deux lurons, tout à leur affaire.
« À un moment, pouffe Laurent, j’ai même été choqué ! J’ai écrit « Oh ! » dans la marge... » – « Ah oui, rebondit l’autre, aux anges. C’est quand il y a fellation et sodomie, non ? »– « Voilà, j’ai retrouvé le passage ! » s’exclame Laurent… Et de nous livrer de larges extraits d’une scène hot, « reconstituée » par l’auteur, entre James Dean et un ami…
Au milieu de tout ça, c’est quand même l’intervention d’Aymeric Caron la plus pertinente. Que dit donc ce méchant de comédie ? La stricte vérité, hélas : faute du moindre élément nouveau, il ne s’agit pas là d’une énième bio, même romancée, mais d’un « faux reportage documentaire ». (Décidément, ça devient la spécialité de Philippe…)
À quoi bon bouder son plaisir ? En ce qui me concerne, vous connaissez mon ouverture d’esprit ! Pour dégonfler une baudruche comme ce Besson-là, je suis prêt à faire flèche de tout Caron. Et inversement.
[Publié dans Valeurs Actuelles]