L’autre jeudi, M6 diffusait un one-man show de Gad Elmaleh intitulé L’autre c’est moi. Sans doute bluffé par ce titre métaphysique,Télérama, mon vade-mecum audiovisuel, décernait deux “T” à ce troisième spectacle, « plus personnel » mais « toujours aussi drôle ». Sur la foi de cette recommandation, je me suis fait avoir une fois de plus – et j’aimerais vous en faire profiter !

Pendant 130 minutes, Gad égrène les sketches autour de son “concept”, dont il n’a pas l’air mécontent : « L’autre, c’est tous les moi dans la vie de tous les jours. » L’affaire donne lieu à de petites saynètes plus ou moins réussies, mais toujours assez convenues.

Pas de vulgarité ni d’obscénité donc, mais guère plus d’aspérités intellectuelles dans ce spectacle garanti tout public : rien que de l’humour lisse, pasteurisé, aseptisé.

Banal même, au point que l’on éprouve, en découvrant certains sketches comme la Discothèqueou les Meubles Ikea, une pénible impression de déjà-vu-cent-fois. Comme si Elmaleh reprenait des vieux standards qui firent la gloire de Roland Magdane dans les années 1980…

Quant au développement qu’il consacre à la télévision, c’est bien simple : on dirait que l’artiste n’a pas eu le temps de la regarder depuis, disons, le lancement de Canal Plus. En tout cas, il est bien le seul dans sa branche à oser encore des blagues sur le cryptage de la chaîne cryptée…

En revanche, je ne boude pas mon plaisir lorsque, évoquant Arte la nuit, il mime un spectacle de danse contemporaine particulièrement abscons puis fait mine de s’inquiéter : « Mais qu’est-ce qu’ils ont, ces malheureux ? Où est-ce qu’il faut envoyer de l’argent ? »

Le problème avec l’ami Gad, c’est que même dans ce créneau grand public-familial-charmeur de ces dames, son spectacle est affreusement inégal. Difficile d’éclater de rire, certes – mais on peut rire parfois ou plus souvent sourire. Et puis soudain, catastrophe : l’humoriste enchaîne d’une bonne blague sur une très mauvaise. Et le pire, c’est que les rires du public suivent…

Ainsi dans ses variations sur le thème ô combien subversif du Téléphone, commence-t-il plutôt bien en plaidant, à propos des erreurs de numérotation : « Quand on se trompe d’un seul chiffre, on ne devrait pas tomber sur un type complètement différent de celui qu’on appelait… »

Hélas ! Ce bel effort de vulgarisation du nonsense est aussitôt gâché par une plaisanterie d’un genre qui devrait être interdit aux plus de 7 ans. Ce grand gamin de Gad enfile un loup de carnaval avant d’appeler quelqu’un sur son portable : « Allo c’est moi, je t’appelle en masqué ! » Et les rires qui redoublent à ce moment-là vous glacent d’effroi. Moi-même, seul devant mon poste, j’ai failli rentrer sous terre…

Après réflexion, j’aurais eu bien tort. Au contraire même, c’est une bonne nouvelle : si ça c’est drôle, moi je suis le roi de Prusse!

Publié pour Valeurs Actuelles, le 8 septembre 2011

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