Excellent portrait de l’excellent Philippe Tesson, l’autre soir sur France 5 (vendredi 1er octobre, 20 h 35). J’en fais trop ? Mais la collection Empreintes est par nature inégale, selon les auteurs et les personnages traités. En l’occurrence, Alexandre Amiel et Ella Cerfontaine ont été visiblement inspirés.
Quant à moi, on comprendra qu’à titre anthume je lui mette des cierges : il m’a donné ma chance – comme d’ailleurs à tant d’autres apprentis journalistes, dont certains ont fait, depuis, leur chemin, de Patrick Besson à Éric Zemmour, en passant même par un jeune étudiant marxiste-léniniste, déjà décidé à ce que le monde entier l’appelle BHL.
La première vie de Tesson, faut-il le rappeler, fut celle d’un patron de presse comme on n’en fait plus. Il a incarné un journalisme impétueux, impertinent, irréductible en tout cas à une simple étiquette
À Combat, il ferraille quotidiennement contre le pouvoir gaulliste, jusqu’à récolter trente condamnations pour outrage au chef de l’État. Et au Quotidien de Paris, il ne trouvera son plein épanouissement que dans la guerre de harcèlement menée, dans les années 1980, contre la “gauche socialo-communiste” – jusqu’à complète disparition de celle-ci, sous le poids de ses contradictions et du mur de Berlin.
En 1994, lorsqu’il met un terme à l’aventure du Quotidien, Tesson en est convaincu : le temps de la presse qu’il aime, celle des brûlots lancés par des corsaires, celle qui faisait l’opinion au lieu de se la laisser dicter, est révolu.
Alors, la retraite à 65 ans ? Ce serait mal connaître le bonhomme. La télé a cassé son jouet ? Il va jouer avec la télé ! Vif, caustique sans jamais cesser d’être sympathique, il est ce qu’on appelle un “bon client”. Alors il est invité partout, et pour parler de tout : politique bien sûr, mais aussi culture en général et théâtre en particulier (sa vraie passion). Parfois même, comme il le raconte drôlement, on le sollicite pour conclure des débats auxquels il n’a pas assisté…
Est-ce sa nouvelle façon de s’opposer, comme il le fit contre de Gaulle et Mitterrand ? En tout cas, c’est avec un malin plaisir qu’il joue parfois au réac, juste pour le plaisir de provoquer des “rumeurs sur les bancs de la gauche”, comme on dit dans le JT. D’ailleurs, c’est à croire que ce type-là peut tout se permettre : même quand il se lance dans une “Défense & Illustration de la politique gouvernementale”– exercice peu propice au badinage, on en conviendra –, il est quand même cent fois plus convaincant que ceux qui sont payés pour ça.
N’empêche, derrière la verve tessonnienne, on devine aisément une bonne dose de scepticisme. Comme si, au fond, tout ça n’avait pas grande importance… La politique est un théâtre, et Tesson préfère le vrai !
(Publié dans Valeurs Actuelles/Télésubjectif, le 7 octobre 2010)