Jamais décevant, Ce soir (ou jamais !). Il y a toujours quelque chose à y glaner. Ce mardi 13 décembre, au menu, entre autres, “le centrisme”. Rien de très émoustillant a priori – jusqu’à ce que Frédéric Taddeï dévoile avec gourmandise son angle d’attaque : « Bayrou, Villepin, Le Pen : ni droite ni gauche ? » Oh, oh ! Déjà, l’accroche fait hausser quelques sourcils : ce n’est pas tous les jours qu’on accouple ainsi ces trois-là, si j’ose dire. 

Mais l’animateur envoie les images, et le doute n’est plus permis : chacun à sa façon, mais avec les mêmes mots, nos trois candidats appellent bel et bien au « dépassement » du clivage gauche-droite.

Sans surprise ce genre d’observation, même étayée, semble incongru aux invités, genre “on ne peut pas comparer”… Taddeï allume alors le deuxième étage de sa fusée : un historien nommé Fabrice Bouthillon, auteur entre autres de Nazisme et Révolution.

Quel rapport avec la choucroute centriste, dira-t-on ? Eh bien, c’est tout simple : le nazisme est un centrisme, explique benoîtement l’essayiste, sans même voir autour de lui les sourcils se froncer. Au contraire, il développe imperturbablement son cacangile : au commencement était la Révolution française, qui sépara la gauche et la droite. Depuis lors, toujours et partout, il s’est trouvé des partis et des gens pour contester ce clivage et prétendre réconcilier les peuples au-delà.

C’est cela, « les centrismes », insiste Bouthillon, même s’ils débouchent ensuite sur deux façons opposées de tendre vers l’union nationale : « l’exclusion des extrêmes ou leur addition ». Le premier centrisme est né avec l’orléanisme; quant à l’autre, en effet, il date de Bonaparte et court jusqu’aux régimes totalitaires du XXe siècle.

Rumeurs sur le plateau, qui n’est plus qu’un sourcil géant : ce prétendu “historien” ne chercherait-il pas à banaliser l’extrémisme, à force de le mélanger avec le plus modéré des modérantismes ?

L’anthropologue Paul Jorion, d’ordinaire mieux inspiré, croit réduire à néant la thèse du suspect en lui balançant une banalité neandertalienne : « Ni gauche ni droite, c’est un cliché de droite ! » Puis s’avance la philosophologue Cynthia Fleury, qui s’indigne sur le ton approprié de ce « petit jeu qui consiste à superposer deux mouvements inverses : l’ouverture et l’exclusion »…

Enfin, François de Closets vient ! Spécialiste de tout, ce diable d’homme excelle notamment dans l’envolée tautologique. Ici par exemple, il suggère une motion de synthèse assez synthétique pour faire disparaître l’objet même du débat ! « Ça ne serait pas plus clair, s’interroge-t-il, de dire qu’il y a d’un côté les centristes, et de l’autre les protestataires qui veulent rassembler aux extrêmes ? » C’est ça, le point commun entre M. de Closets et l’hebdo de Taddeï : jamais décevants !

Publié pour Valeurs Actuelles, le 22 décembre 2011

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