Les dossiers secrets du Vatican : tel était l’intitulé, alléchant mais trompeur, du C dans l’air diffusé mardi passé sur France 5. En fait de “secrets”, par définition, on en est réduit aux supputations. Mais qu’importe ! La vraie question martelée ce soir-là par Yves Calvi, avec sa batterie de SMS sélectionnés « en direct », c’est plutôt : “L’Église va-t-elle enfin s’adapter au monde, ou préfère-t-elle crever ? ”
Pour en débattre, un plateau assez conforme, somme toute, aux rapports de force actuels entre défenseurs et procureurs du “pape sortant”. À droite de l’écran donc, la sympathique Isabelle de Gaulmyn (la Croix) et Jean-François Colosimo, théologien subtil et président du Centre national du livre. Face à eux l’étonnant historien des religions Odon Vallet, lammenaisien tardif, et surtout le redoutable Christian Terras, directeur de la revue postchrétienne Golias. Ce mec-là, « il est terrible », comme disait Johnny Hallyday dans un autre contexte : il croit toujours qu’il sait, et il croit même qu’il croit ! Mais en quoi, au juste ?
Écoutons-le répondre aux fameuses « questions des téléspectateurs ». La renonciation de Ratzinger ? Rien de plus simple ! L’homme n’était pas seulement vieux et fatigué, mais carrément à plat. Christian a même un scoop : après Vati-Leaks et l’affaire du “lobby gay”, « certains proches à Rome m’ont dit qu’il était tombé en dépression ».
Benoît XVI sous Prozac ? L’hypothèse fait sourire Colosimo. Au lieu de spéculer vainement sur les états d’âme putatifs du successeur de Pierre, pourquoi ne pas explorer d’autres pistes ? Puisque ce fut essentiellement un « pape théologien », comme on nous le répète en boucle depuis trois semaines, pourquoi ne pas chercher une explication théologique à sa décision ?
À cette aune, dit-il, la renonciation de Benoît XVI fut tout sauf un renoncement. Il ne s’agissait pas pour lui de « passer la main au plus vite », comme croit savoir Christian, mais au contraire d’être là pour rendre à l’Église un ultime service : peser, de son vivant, sur le choix de son successeur. Une tâche d’autant plus indiquée que notre pape émérite a lui-même élu la moitié des votants !
Faute de pouvoir tout raconter, et quitte à zapper, hélas, quelques autres scoops “terrassants”, venons-en au happy ending. À l’ultime question SMS « Quel pape pour l’avenir ? », Mme de Gaulmyn, journaliste de terrain, a sa réponse : « Que ça plaise ou non [suivez son regard], les jeunes générations sont plus demandeuses de transcendance et de foi que de réformes structurelles. » Traduction du Colos de Paris : le prochain pape devra surtout poursuivre le mouvement engagé depuis trente-cinq ans par ses deux prédécesseurs : « réinscrire l’Église dans la verticalité, la discipline et la tradition ».
Rien à dire, sauf peut-être sur l’état de cette ex-« fille aînée de l’Église » qui, pour être rappelée à la vraie foi catholique, a besoin désormais de théologiens orthodoxes…
Publié dans Valeurs Actuelles, le jeudi 7 mars 2013