Dépaysement garanti, avec le documentaire Révolte chez les amish, récemment diffusé sur France 5. Les amish, vous connaissez ? En tout cas, ils sont plutôt faciles à reconnaître, avec leur chapeau de paille à ruban noir, leur barbe sans moustache et leur progéniture forcément nombreuse.

Chez les amish, on se méfie du progrès comme du diable ! Sont ainsi proscrits, outre les voitures automobiles, l’électricité et le téléphone, la télé, l’informatique et Internet donc. Ah ! J’allais oublier : les vélos aussi sont strictement interdits, contrairement aux trottinettes ! 

Depuis la couleur des carrioles jusqu’aux montures de lunettes en passant par la largeur du ruban des chapeaux, tout est décidé par le Conseil des sages. Rien n’est laissé au hasard, c’est-à-dire au libre choix des fidèles, qui n’ont qu’à obéir aveuglément.

Mais voilà t-il pas que certains esprits forts se sont mis à lire la Bible par eux-mêmes ? Et qu’ont-ils découvert ? Que la plupart des règles qu’ils observaient scrupuleusement depuis toujours n’étaient même pas mentionnées dans les Écritures (sans parler du vélo !).

L’auteur du documentaire a suivi en 2009 deux couples de la communauté de Lancaster (Pennsylvanie), engagés dans la voie périlleuse de la contestation… Deux ans plus tard, sans surprise, il les retrouve excommuniés, tentant de s’adapter à un monde qu’ils découvrent avec une foi qui ne les a pas quittés.

Ephraïm et son frère Jessy ont enfreint deux règles de la communauté – forcément fondamentales puisqu’elles le sont toutes. Non seulement l’aîné s’est mis dans la tête d’avoir le téléphone, mais il pratique ouvertement le prosélytisme, proscrit chez les amish comme « péché d’orgueil ». Ainsi excommunié pour avoir voulu prêcher la bonne parole, Ephraïm sera bientôt rejoint dans les ténèbres extérieures par son frère, accusé pour sa part d’avoir « étudié la Bible en groupe et chanté des cantiques en anglais ».

Ne riez pas, l’affaire est grave ! Comme le font savoir les Sages, « le péché, ce n’est pas d’avoir fait ceci ou cela ; le péché, c’est d’avoir désobéi ». Autrement dit, le péché, c’est le schisme – celui-là même que calvinistes et zwingliens reprochaient au père fondateur des amish, Jakob Amman en personne. « Si notre Église et Dieu nous disent le contraire, nous choisissons Dieu ! », proclament en chœur Ephraïm et Jessy, comme avant eux sans doute le père Jakob.

C’est même ça qui m’épate : comment savent-ils que c’est Dieu qui leur parle, et pas Satan, ou plus modestement eux-mêmes ? Facile !, vous diront-ils. Tout est dans les Écritures (à part pour le vélo), et grâce à elles nous sommes en dialogue permanent avec Dieu.

Rien de nouveau à l’Ouest, donc : « Tout protestant fut pape une Bible à la main », écrivait déjà Bossuet, qui manquait notoirement de savoir-faire œcuménique.

Publié pour Valeurs Actuelles, le 31 mai 2012

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