Diffusée sur la chaîne Histoire en janvier, la série Sacré Moyen Âge est signée Terry Jones, un ancien des Monty Python – auxquels on devait déjà, au cinéma, le mémorable Sacré Graal.

En huit épisodes de trente minutes, Mr. Jones bouscule joyeusement nos préjugés les mieux établis, et les moins fondés, sur la période “moyen âgeuse”… Mais si, vous savez, cette espèce de tunnel obscurantiste qui ne servit qu’à relier – et encore, contre son gré ! –la Basse Antiquité à la Haute Renaissance.

Bien sûr le documentaire de Terry est anglocentré, mais c’est notre faute : que n’avons-nous produit l’équivalent ? Cela eût évité à la chaîne Histoire d’acheter à la BBC… D’ailleurs, pour l’essentiel, on retrouve des deux côtés du Channel les mêmes idées fausses sur cette “Europe chrétienne” dont nous ne voulons plus être les héritiers.

Ainsi notre Python ne fait-il qu’une bouchée des stéréotypes du paysan forcément miséreux, ignorant et exploité. « Le paysan moyen du XIVe siècle avait plus de vacances que nous », balance ce provocateur : il ne devait à son seigneur que cinquante à soixante journées de travail par an…

En plus il était, toutes choses égales par ailleurs, en meilleure santé que nous ! D’abord grâce à une excellente hygiène de vie (manger-bouger, cinq fruits et légumes par jour, etc.). Et puis on sous-estime l’avancement des soins médicaux, et notamment de la chirurgie réparatrice « sur des crânes enfoncés par des objets contondants ».

Quant à l’“ascenseur social”, il fonctionnait plutôt pas mal, surtout grâce à l’Église et à ses écoles. Les fils de contadins y apprenaient volontiers à lire – ne fût-ce que pour voir ce qui les concernait dans les rôles des tribunaux. Et nombre d’entre eux intégraient le clergé – où ils faisaient parfois d’excellents évêques !

Bref, les paysans anglais du XIVe siècle n’étaient pas exactement les pauvres gueux que l’on voudrait ; la meilleure preuve, explique Terry Jones avec son délicieux goût du paradoxe, c’est la révolte des paysans de 1380 !

Parce qu’enfin, pour la concevoir et l’organiser, il fallait déjà soi-même être “conscient et organisé”. Sans Facebook, e-mails ni iPhone, sans même une poste digne de ce nom, ils furent quand même cinquante mille, venus de tout le pays, à se retrouver à l’heure dite devant Londres pour la mettre à sac, décapitant au passage l’archevêque de Cantorbéry–qui en verra d’autres…

Bien sûr, la révolte finira par échouer ; il ne faut pas non plus brûler les étapes de la dialectique matérialiste historique. Comme le scandait déjà, dans Sacré Graal, un groupe de serfs syndicalistes révolutionnaires : « Vive le capitalisme, avenir radieux du féodalisme ! »

Publié dans Valeurs Actuelles, le 3 février 2011.

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