Pour obtenir le droit de vote, les féministes anglaises ont bataillé cinquante ans durant, et parfois violemment. Être une lady libérée, c’était pas si facile…

A priori un documentaire sur les suffragettes anglaises, ce n’est pas spécialement ma tasse de thé. Mais quel que soit le sujet, c’est toujours un plaisir de découvrir un pan d’histoire que l’on connaissait mal, pour peu qu’il soit bien raconté. Tel est le cas du film de Michèle Dominici (2011) récemment rediffusé sur Arte. Là où on pouvait craindre une énième intraveineuse de moraline féministe, l’auteur nous livre un documentaire rigoureux, illustré par des archives rares.

Dans l’Angleterre victorienne des années 1880, il faut au moins être reine pour être citoyenne. Cela dit, les hommes ne sont guère mieux lotis : seuls les plus riches d’entre eux ont le droit de vote. Quant aux femmes, elles appartiennent à la « sphère privée », comme dirait l’avocat de Julie Gayet.

À leurs débuts, celles qu’on appelle alors les « suffragistes » ne revendiquent, pacifiquement d’ailleurs, que l’ouverture aux femmes du vote censitaire. L’engagement de leur leader, Millicent Garrett Fawcett, date du jour où on lui a volé son sac à main. Impossible pour elle de porter plainte, apprend-elle : légalement son sac, comme elle-même, « appartient à son mari ».

Vingt ans plus tard, Emmeline Pankhurst lance un mouvement nettement plus radical. Pour les « suffragettes », comme on les appelle, l’action légale a montré son inefficacité ; l’heure est venue de passer à une stratégie de confrontation. Manifs sauvages et répression, procès à grand spectacle et grèves de la faim en prison : tout est bon pour faire parler de leur combat.

En 1912, nouvelle escalade : à coups de petits marteaux cachés dans leur manchon, ces dames aux chapeaux bizarres détruisent systématiquement les vitrines de Londres. Puis elles s’en prennent aux bâtiments officiels, allant jusqu’à incendier des églises. L’année suivante, au derby d’Epsom, une jeune suffragette se jette sous le cheval du roi George V. Le mouvement a enfin sa martyre, et ses funérailles donneront lieu au plus grand rassemblement féministe jamais vu à Londres.

L’entrée en guerre de l’Angleterre va changer radicalement la donne : les suffragettes emprisonnées sont libérées, et participent à l’effort de guerre. Résultat : dès la fin du conflit, le droit de vote est accordé non seulement à tous les hommes majeurs, mais aussi aux femmes de plus de trente ans.

Ce n’est qu’en 1928 que sera instaurée l’égalité totale entre sexes en matière de droit de vote. « Après cinquante ans de combats », souligne en conclusion le doc. Rien de bien surprenant, en vérité : pourquoi une classe politique entièrement masculine aurait-elle fait spontanément de la place aux femmes ?

Conformément à leurs traditions politiques respectives, les travaillistes raisonnent en termes de classes, et les libéraux se divisent… Quant aux conservateurs, par définition, ils se méfient des nouveautés.

En l’occurrence, ils ont tort. Un demi-siècle plus tard cette loi leur permettra, pour la première fois dans un grand pays occidental, de porter au pouvoir la meilleure d’entre eux : Margaret Thatcher !

(Article publié dans Valeurs Actuelles)

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