Rien ne va plus entre Jean-Luc Lemoine, ex-membre de la “bande à Ruquier”, et son ancien patron depuis que celui-ci l’a accusé de plagiat. L’objet du délit présumé : L’habit ne fait pas Lemoine, une émission diffusée par France 2 l’été en remplacement d’On n’est pas couché. « Il aurait mieux fait de prendre le même décor que moi, ça aurait été plus clair », a commenté Ruquier non sans acrimonie.
N’ayant pas vu le programme incriminé, je me suis rattrapé en visionnant Le Bureau des plaintes, la nouvelle émission du susprénommé Jean-Luc (France 2, un mercredi sur deux, vers 23 heures).
A priori rien à voir, cette fois, avec le talk-show du vétilleux Laurent. Le décor est toujours aussi différent, avec des touches de rouge inédites, et la forme des tables n’a carrément rien à voir. Sans parler du concept – car il y en a un…
Là où Ruquier et sa bande se contentent de passer en revue l’actualité au gré des invités politiques, culturels et sous-culturels qui la font, Lemoine, avec son Bureau des plaintes, va à l’essentiel : les sujets de mécontentement des Français. Après tout, ils n’ont pu que s’accroître depuis Rochefort – au moins aussi vite que la population.
L’ennui, c’est que ce n’est ni sérieux ni drôle : juste n’importe quoi, traité n’importe comment. « Un tas d’oeufs frits dans un chapeau », comme disait Rimbaud.
“Au final”, comme on dira bientôt à l’Académie, on comprend pourquoi Ruquier s’est gardé ici de crier au plagiat. C’eût été “contre-productif”, comme on dit déjà.
Il y a quand même, çà et là, quelques similitudes : les deux animateurs éprouvent le besoin d’ouvrir leur émission par un numéro de chansonnier à l’ancienne ; et pour recevoir leurs invités, l’un et l’autre se sont entourés de chroniqueurs. Mais la comparaison s’arrête là, et avec elle la suspicion de copiage ; tout est dans le casting !
Le choix par Ruquier de Zemmour et de Naulleau (après Polac) ajoute au divertissement un débat étonnamment libre sur l’actualité. Chez Lemoine au contraire, un casting d’enfer – au sens propre – vient souligner la vacuité du “format”, comme ils disent.
Il y a la toujours pénible Lio, qu’il faut entendre prononcer le mot « putassier » ; le gentiment fade Bernard Montiel, qui n’hésite pas à balancer des amis haut placés, mais sans les citer ; et puis un certain Daniel Morin, “humoriste à France Inter” paraît-il ; histrion assez culotté, en tout cas, pour faire scander n’importe quelle ânerie au public au point qu’on en a honte pour lui (le public).
Quant au téléspectateur, il est censé supporter deux heures de cet “humour” poussif, sous-écrit et surjoué, au service d’une fausse bonne idée. Le tout, sans surprise, laisse une impression de malaise. Si le Bureau des plaintes est ouvert, j’y cours !
Publié dans Valeurs Actuelles, le 25.11.10