L’autre samedi chez Ruquier, BHL était l’invité d’honneur, et pour cause : une heure trente, c’est déjà un peu juste pour faire le tour du monde des « devoirs d’ingérence » à bord de sa montgolfière.
En ce moment, c’est « sa » guerre de Libye que notre Malraux coiffé n’en finit pas de nous raconter – « la première guerre de l’Histoire décidée au café de Flore », disait plaisamment le quotidien italien Il Foglio.
La saison passée, Bernard-Henri publiait La guerre sans l’aimer, le récit de son épopée. Eh bien si vous avez aimé le livre, vous allez adorer le film ! Ça s’appelle Le serment de Tobrouk, et le titre dit tout du lyrisme qui souffle sur cette autoglorification à grand spectacle (avec, dans les seconds rôles, Kadhafi, Sarkozy, Obama et autre demi-sels.)
Sur le plateau, comme d’hab’, on ne se prive pas de titiller la star des philosophes sur son infatuation. Sans succès, comme d’hab’. Rien qu’à voir la bande-annonce, les questions de Laurent Ruquier, on se les pose ; mais BHL leur oppose, sur un ton toujours plus sérieux, des réponses de plus en plus ubuesques.
Pourquoi, dans son film, est-il tout le temps à l’écran ? C’est qu’ici, « le sujet filmant constitue lui-même l’objet filmé ». (Ah bon, on croyait que c’était sur la Libye). Et comment peut-il être filmé dès le début, alors qu’il était parti pour un reportage photo ? Facile : « Au début, j’ai été filmé à mon insu par mon photographe, avec un de ces petits appareils modernes qui font les deux… » Ben voyons ! Et quand il a passé ce fameux coup de fil décisif à Sarkozy, il était filmé à son insu aussi ? La réponse est toute prête, et il n’y manque pas une invraisemblance : « Quand j’appelle le Président, je ne sais pas si le photographe sait à qui je téléphone, et moi, je crois qu’il prend des photos ». Qui ça, le Président ?
Après leur boss, Mlles Polony et Pulvar tenteront sans plus de succès de faire toucher du doigt à notre héros-de-guerre son ridicule, par n’importe quel bout ; autant vouloir mouiller l’eau.
En fait de métaphore, BHL préfère se dire « ignifugé » face au feu des critiques qui, a-t-il remarqué, viennent toujours « des cyniques ou des ricaneurs ». C’est même dans cette dernière catégorie qu’il range assez arbitrairement Mlle Pulvar – à peu près aussi ricaneuse qu’il est sérieux.
Mais qu’importe! Du haut de l’Aventin de sa conscience, il ne lui en veut même pas ! Ses souvenirs admirables ont « balayé tout ça » : « La joie des gens de Misrata quand ils nous ont vus débarquer, mes amis et moi » ; l’émotion palpable des « 30 ou 40.000 personnes devant lesquels, à Benghazi, j’ai improvisé un discours »… Tout ça est si grand et beau que « ça efface toutes les petites chicaneries parisiennes » dit BHL, qui s’y connaît.
Au point où il en est, Bernard-Henri ne devrait jamais se déplacer sans une pancarte précisant : « Intellectuel en train de sauver le monde. Ne pas déranger ! »