Deux lundis de suite sur France 3, et en prime time s’il vous plaît, Mireille Dumas nous a embarqués dans sa Croisière des idoles. Huit jours durant, de Naples à Éphèse en passant par Athènes, 4 000 croisiéristes communiaient dans la nostalgie des années “Âge tendre” sous son oeil gentiment amusé. 

À l’affiche, pas de véritable “idole” au sens johnnyesque du terme, mais une bonne quarantaine de chanteurs dont les répertoires cumulés finissent par constituer un juke-box géant, où chacun peut retrouver son tube yé-yé ou disco préféré.

À coups d’images publiques et d’entretiens intimes, Mireille brosse des portraits joliment contrastés de ces vedettes d’un jour ou d’une décennie. De son propre aveu, Richard Anthony entend surtout « siffler le train » du fisc. L’ami Philippe Lavil « tape sur des bambous » depuis trente ans déjà ; mais au lieu de s’en plaindre, il en rajoute, racontant qu’on l’appelle volontiers Philippe Lavilliers – quand on ne lui demande pas carrément de signer “Bernard Fugain”.

Plus de trente ans que Michèle Torr harcèle son petit ami avec un enthousiasme intact : « Emmène-moi danser ce soir ! ». Quant à Hervé Vilard, ça fait belle lurette que pour lui « Capri c’est fini », mais pas question pour autant de changer de disque : « La chanson c’est ma vraie vie, c’est ma seule famille ! », confie ce solitaire né orphelin.

Leur famille, c’est-à-dire leur public, c’est la vraie star de ce Dumas show ! Chacun d’entre eux a déboursé 1 890 euros (hors excursions) pour cette croisière, généralement leur unique luxe de l’année. Annie ne raterait pour rien au monde ce rendez-vous, pour lequel elle « met de côté » tous les mois ; quant à sa voisine, ça a été plus dur pour elle cette année, comme elle l’explique sobrement : « J’ai dû faire des ménages, mon mari étant décédé. »

Mais elles ne sont pas là pour se plaindre, ces « ex-fans des sixties » – principalement des femmes, qui souvent ont traîné leur conjoint ou leurs petits-enfants. Au contraire, tout le monde ici est prêt à patienter deux heures pour décrocher l’autographe de son idole sur une pochette de 45 tours, ou mieux, la photo avec lui – en attendant une place au premier rang, même par terre, au concert.

Au-delà du juke-box géant, nos croisiéristes communient ici dans une grand-messe nostalgique où chacun reprend en choeur ses cantiques favoris – de Pour le plaisir à Besoin de rien, Envie de toi.

Puéril ? Pas plus que les remontreurs d’ours qui, au nom de leur prétendue hauteur de vue, méprisent cette sous-culture. « Le secret de tout, disait un vieux curé à Malraux, c’est qu’il n’y a pas de grande personne. »

Alors, à tant faire que de ne pas grandir, autant garder une âme d’enfant, n’est-ce pas ?

Publié pour Valeurs Actuelles, le 21 juin 2012

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