
Mihaly Zichy, Œuvre érotique, 1865. Les autres illustrations de cet essai sont du même crayon.
Sabine Prokhoris, philosophe et psychanalyste, à laquelle on doit Le Mirage #MeToo (Cherche-Midi, 2021), Les Habits neufs du féminisme (Éditions Intervalles, 2023), et Qui a peur de Roman Polanski ? (Cherche-Midi, 2024), a très récemment soulevé quelques objections sur l’affaire Gisèle Pelicot — du nom de cette dame que son mari offrait, après l’avoir préalablement droguée (dit-elle) à toute une bande d’amis et de relations. Ledit mari était jugé par l’opinion publique et les médias avant même d’apparaître à l’audience : de fait, il a écopé en décembre dernier de vingt ans de prison, avec peine de sûreté assortie des deux-tiers. Soit le maximum de ce que prévoit le Code. Les cinquante autres accusés ont été condamnés à des peines allant de trois à quinze ans de prison — en dessous des réquisitions : gardez ce détail en mémoire avant de lire la suite.

« Victime emblématique et « héroïne » post-#MeToo, Gisèle Pelicot, recevant, telle une star, applaudissements et bouquets de fleurs à chaque sortie d’audience, trône désormais au firmament de la gloire, l’attribution de la Légion d’honneur lors de la promotion du 14 juillet venant couronner une apothéose planétaire », écrit Sabine Prokhoris, tongue in cheek — le ton qui convient pour commenter une décision de justice, ce qui en Droit français est interdit. C’est d’ailleurs le mode rhétorique que j’adopterai ici pour commenter son article, qui jette une ombre sur un verdict indubitable et un crime odieux, forcément odieux, comme aurait dit Marguerite Duras.
Les complices de ces viols répétés, pile et face, étaient recrutés via un site libertin, Coco.fr, rubrique « à son insu ». « La plupart des hôtes nocturnes se savaient filmés. Le Président du tribunal relève d’ailleurs dans sa motivation que Dominique Pelicot avait évoqué auprès d’eux des « visionnages ultérieurs que lui-même et son épouse se réservaient » : un « stratagème pour faciliter leur venue » en vue d’obtenir d’eux ce qu’il en attendait. » C’est un détail qui a son importance : aucun d’entre eux, à aucun moment, n’a pensé commettre un délit — sinon ils auraient porté un masque quelconque. Mais non : « Le scénario, dans son abjection même, ne leur déplaisait pas, mais aussi que l’idée d’être filmés ne les inquiétait guère — ce qui ne laisse pas d’être surprenant si l’on est mu par l’intention de commettre un crime. »
Et aucun huis clos n’a été demandé par la plaignante lorsqu’ont été projetés ces films insoutenables. Allons donc ! Qui a jamais été excité par l’idée que d’autres se repaissent de sa propre abjection ?
Des « visionnages ultérieurs que lui-même et son épouse se réservaient » : c’est le détail qui, mis en tête d’article, conditionne la lecture de tout ce qui suit. Quelle honte ! Madame Prokhoris semble sous-entendre que tout cela était, au propre comme au figuré, du cinéma. Une mise en scène dont Gisèle Pelicot était l’héroïne et l’actrice. « Une fois sur place, la situation, s’avérant de fait extrême — Gisèle Pelicot y apparaissait en effet presque constamment plongée dans une léthargie impressionnante –, des pénétrations par tous les orifices de son corps inerte, sans préservatifs et plus crues les unes que les autres, avaient lieu, sous la direction impérieuse de Dominique Pelicot, metteur en scène jamais lassé de ce dispositif, de fait particulièrement avilissant. »
Soupçon invraisemblable. Comme s’il était fréquent qu’une dame s’entende avec son mari pour se livrer à des inconnus, pour leur commun profit libidinal. Quelle honte. Peut-on pousser le candaulisme à cette extrémité…
Le plus ahurissant, c’est qu’à l’entendre, Gisèle Pelicot ne s’est jamais doutée de ce qui lui arrivait pendant ces nuits, comme si ces viols répétés ne laissaient aucune trace en elle — pas même certains picotements ou écoulements bien connus des amatrices de sodomie. Au point que les avocats de la défense ont évoqué — au grand scandale de tous ceux qui assistaient aux audiences et de tous ceux auxquels on les racontait, et qui ne s’en repaissaient que pour exalter leur sens de la Justice, c’est entendu — une inavouable complicité de la victime. The horror, dirait Kurtz dans Au cœur des ténèbres et Apocalypse now.
D’autant que les faits se sont déroulés sur une longue séquence de dix ans.
Mais comment peut-on soupçonner une victime de mentir ? Pire encore : commet imaginer qu’elle ait co-imaginé ces scénarios répugnants ? Fi donc !

Mais ce qui intéresse vraiment Sabine Prokhoris, c’est la fabrication médiatique d’une vérité iconique, par la construction d’une victime exemplaire, sacrée par l’opinion publique et les relais féministes qui s’activent des fuseaux dès qu’une affaire de viol pointe le bout de son nez. Nous savons tous, ici, qu’une femme ne peut mentir, qu’elle s’appelle Gisèle Pélicot, Judith Godrèche, Isild Le Besco, etc. Et qu’un homme, en revanche, ment constamment — surtout s’il porte un nom juif, type Roman Polanski. Ou qu’il fut un voyou dans sa prime jeunesse, genre Gérard Depardieu. Ou…
Sabine Prokhoris énumère une série de faits troublants dont le tribunal, dans sa grande sagesse, n’a tenu aucun compte. « Un constat d’huissier demandé par la défense démontre que l’une des adresses Skype de Dominique Pelicot au nom de Marc Dorian, un des pseudos pour ses contacts libertins, aboutit au numéro de portable de Gisèle Pelicot. Interrogée sur ce point à l’audience par la défense d’un accusé, elle déclarera « n’être pas au courant ». » Un détail.
Ou même :
« Outre les vidéos des « viols », il existe dans les scellés de nombreuses photos et vidéos sexuelles, souvent d’une grande obscénité, de Gisèle P. réalisées par son mari — sur les vidéos, on l’entend parler avec lui. Dans l’intimité d’un couple, de telles images — qui font voir une femme bien différente du personnage composé pour le procès — ne sont pas illicites. Mais là où le bât blesse, c’est que Gisèle Pelicot, lorsqu’à la demande d’avocats de la défense quelques-unes de ces photos ont été montrées à l’audience, soutient avec un aplomb confondant qu’elles ont été prises « à son insu ». Or non seulement elle y est parfaitement éveillée, mais elle y prend activement la pose, exhibant sans gêne son intimité ; et dans l’un de ces petits films, elle demande à la fin à Dominique : « fais voir ! ». »
Voilà comment se rend la justice en France, voilà comment s’écrit la vérité, qui n’est bien souvent qu’un tissu de mensonges. Dans les bordels de la Belle Epoque existait souvent une chambre funèbre, tendue de noir, éclairée de cierges, où une prostituée, contrefaisant la morte, se livrait aux amateurs nécrophiles. Ceux qui ne se sont jamais risqués à imaginer des perversions complexes sont d’une extrême naïveté. Qu’ils sachent toutefois qu’entre la position du missionnaire et la copulation avec de vrais cadavres, il existe une infinité de pratiques que la morale certainement réprouve, mais que la Justice n’interdit pas, tant qu’elles se jouent entre adultes consentants.
Et c’est là justement que la vérité dérape, et se tisse de mensonges, de recompositions et de petits mensonges : il arrive souvent que des faits vécus quinze ou vingt ans auparavant avec enthousiasme soient réécrits par l’intellect vieillissant comme des scénarios involontaires, des contraintes odieuses, des surprises nées d’une emprise mortelle. Réécrivez l’histoire, mes amis, elle en a l’habitude. Et les gémissements extatiques d’hier deviennent, avec le temps et les discours adéquats, par auto-persuasion parfois, des cris de douleur.
Jean-Paul Brighelli
note de service:
mettre les citations en italique comme dans l’article de Sabine Prokhoris facilite énormément la lecture.
Les guillemets ne suffisent pas ?
Non ! Vous citez un article qui cite un autre article.
« commenter une décision de justice, ce qui en Droit français est interdit »
Sous quelques réserves de bon sens, il est tout à fait possible de commenter voire critiquer une décision de justice contrairement à ce que vous affirmez :
https://www.leclubdesjuristes.com/justice/est-il-interdit-de-critiquer-une-decision-de-justice-10215/
Il est interdit de porter le discrédit sur celle-ci ou d’attenter à l’honneur des magistrats qui l’ont prononcée (article 434-25 du code pénal qui est d’ailleurs fort rarement invoqué).
« l’affaire Gisèle Pelicot — du nom de cette dame que son mari offrait, après l’avoir préalablement droguée (dit-elle) à toute une bande d’amis et de relations »
Et pour le coup, cette phrase me semblerait plus susceptible d’infraction pénale.
On n’est pas loin de la propagation de faisse nouvelle puisque les faits ont été établis et que les personnes coupables.étaient recrutées e dehors des connaissances.
Peu probable, qui lit Bonnet d’Ane ?
Et sarko, il n’en a pas, lui, des picotements et des écoulements ?
A la lecture de cet article, la relation entre Gisèle Pélicot trouve peut être un autre éclairage. Gisèle aurait dit à sa fille d’arrêter de se mettre en avant. Doit on supposer que seule Gisèle aurait droit aux feux de la rampe? Son statut de victime permet une telle revendication… Les deux femmes ne se parlent plus. Caroline Darian ( la fille ) poursuit son père en justice. Donc deux victimes? Comment Gisèle ne s’est elle rendue compte de rien? Son mari lui faisait prendre du Temesta, un truc addictif générateur de nombreux effets secondaires, affectant le psychisme et le physique.
Gisèle Pelicot : Mère Fourrage.
Et sarko, il n’en a pas, lui, des picotements et des écoulements ?
t’as toujours mal compris l’eau fraiche de l’amour Dudu..c’est pas pour se laver le cul