Jennifer Bartlett, Recitative (détail), 2009-2020



Si vous êtes très âgé, vous vous êtes branlé pour Mary Pickford. Juste nonagénaire et vraiment vicieux, ce fut pour Shirley Temple. Résolument moderne, c’est pour Anna Hutchison que vous y allâtes de votre petite goutte.
Quel rapport entre toutes ces héroïnes ? Elles ont toutes joué dans Pauvre petite fille riche (A Poor Little Rich Girl), Pickford en 1917, Temple en 1936, Hutchison en 2017.
Alice Carrière ne dépare pas dans cette litanie d’héritières désespérées.

Elle est la fille de Mathieu Carrière, le plus beau des acteurs allemands des années 1970-2000 et au-delà,


et de Jennifer Bartlett, une artiste plasticienne très en vogue dans les années 1970-2000, qui a composé tout au long de sa vie (elle est morte en 2022) des œuvres souvent monumentales, composées de surfaces juxtaposées, travaillées individuellement. Parfois sur des dizaines de mètres Quelque part entre l’abstrait et le figuratif, le pop art et le conceptuel.

Ses parents sont séparés — mais leur divorce prendra de longues années. Alice vit avec sa mère dans une gigantesque maison de Manhattan, dans le West Village. Avec piscine et assez de pièces pour que l’on communique par interphone interne — à ceci près que Jennifer peut appeler sa fille, celle-ci peut bien sûr répondre, mais pas appeler sa mère, qui déteste qu’on la dérange quand elle travaille — et elle travaille sans cesse. Elles se rencontrent parfois, dans les parties organisées par l’artiste, où la fillette croise Susan Sarandon, Patti Smith ou Anna Wintour (oui, la rédactrice en chef de Vogue, celle qui a inspiré le personnage de Miranda dans Le Diable s’habille en Prada). Bref, tous les people du Village.

Mathieu Carrière, lui, travaille pour les plus grands réalisateurs européens. Et vit, avec sa nouvelle femme et sa dernière fille, dans un château allemand (Where else ? dirait Clooney).

C’est la période Tout. Gâtée pourrie — reste pourrie.

Alors la gamine se scarifie, se drogue, accumule les frasques, sexuelles entre autres, et finit dans la crème des HP américains, structure ouverte, psychotropes à foison (ce livre est un vrai traité des diverses manières de se cautériser le cerveau). Elle suit des psychanalyses plus ou moins sévères, qui l’incitent à retrouver un inceste dont elle a forcément été victime — et dont on saura ultérieurement qu’il est en fait un transfert de l’inceste réel vécu par sa mère. Rupture de toute relation avec Daddy (oui, c’est le même mot en anglais et en allemand).

C’est la période Rien.

Reste à se reconstruire, et à recoller les morceaux — comme les œuvres de Maman. Pas simple quand on vous a finalement identifié un syndrome de dissociation. Une chance qu’elle n’ait pas fini en tueuse à identités multiples. Ce qui l’a sauvée, c’est son amour des mots, bien plus réels que les fantômes et fantoches de sa réalité rêvée. Et un homme.

C’est le Quelqu’un.

Je crois que c’est la première page, signalée à moi par Charlotte S***, lectrice émérite, qui m’a incité à me procurer le livre — et à le lire.
Et ça se lit bien, même si parfois la litanie des drogues que lui fournissent libéralement les psychiatres qui la traitent (et qui ainsi la maintiennent en état de sujet hoquetant — et payant) est vertigineuse. Allez-y voir, pour savoir à quoi vous avez échappé : vous auriez pu naître riches et heureux — quelle galère…

Jean-Paul Brighelli

Alice Carrière, Tout Rien Quelqu’un, Flammarion, avril 2025, 375 p., 24 €. Excellente traduction, précise et enlevée, de Clotilde Meyer.



31 commentaires

  1. Pauvre Alice ! Une jeunesse semble-t-il loin du pays des merveilles,
    entre les carreaux de mum’ (illustration !)
    la papesse Wintour, les pétées du casque façon Sarandon et surtout Smith (G-L-O-R-I-A).

    Toussa pour engraisser psys et big ph…

    Oui mais, si l’euthanasie s’était imposée, la pauvre Alice n’aurait pas pu se mettre à l’ouvrage – rares sont les (F)rançais qui s’étalent sur plus de 150 pages –

    Encore un… témoignage cher au maestro que « ce qui l’a sauvée, c’est son amour des mots, bien plus réels que les fantômes et fantoches de sa réalité rêvée. »
    « Et un homme » (tiens donc !)

    « Je crois que c’est la première page, signalée à moi par Charlotte S***, lectrice émérite, qui m’a incité à me procurer le livre. »
    On tentera peut-être l’expérience…

  2. Bref, tous les people du Village.

    Amusant ce jeu sur deux langues. (Et en Français, y a-t-il un mot bien de chez nous qui dise exactement « les people » ; « si tu veux voir des people, va traîner au bar de la Marine. »

    The Village People ,c’est encore autre chose.

    https://www.villagevoice.com/

  3. Lormier n’aime pas cet usage du mot « litanie ». Jamais Lormier n’emploiera le mot dans ce sens-là. De gustibus…

    Suite, file ininterrompue (d’êtres ou de choses). On vit de petites portes s’ouvrir dans les cours et des litanies d’enfants, roides comme des soldats de bois, défiler deux par deux sous les arbres (A. Daudet, Pt Chose,1868, p. 102).Avaler les œufs frits dans l’huile verte, suivis de cette litanie culinaire que mon estomac, après plus d’un an d’Espagne, pourrait réciter par cœur : Huevos a elegir, merluza frita, etc., etc., etc. (T’Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 330).

    https://www.cnrtl.fr/lexicographie/litanie

  4. « un vrai traité des diverses manières de se cautériser le cerveau »

    Rappe: la loi sur l’aide à mourir va grandement faciliter le travail des psychiatres.

  5. « Mathieu Carrière, fils de Bern Carrière, psychiatre et psychanalyste, et de Jutta Mühling, assistante de radiographie »

    est-ce suffisant pour voir à travers les gens ?

  6. Mon gardien en Afrique me disait si « un quelqu’un était venu »

    Malheureusement le contenu informatif de l’annonce était faible :

    Il fallait lutter sec pour savoir si plusieurs quelqu’uns étaient venus (un quelqu’un = des quelqu’uns).

    Y avait-il des quelqu’unes parmi les quelqu’uns?

    Quand étaient-ils venus ?

  7. « …des psychanalyses plus ou moins sévères, qui l’incitent à retrouver un inceste dont elle a forcément été victime — et dont on saura ultérieurement qu’il est en fait un transfert de l’inceste réel vécu par sa mère. »

    Comment « l’inceste réel » vécu par la mère a-t-il été révélé ? Est-ce au cours del’analyse ?

    Est-ce parce que l’un des psychanalystes l’ a poussée (sciemment ou non) à pareler à sa mère ?

    Parce que, apparemment, la mère n’avait pas, spontanément, raconté cet inceste à la fille.

  8. Au rez-dez-chaussée de l’immeuble où habite le Maestro, il y a un cabinet de psychothérapeute.

    Les clients, nombreux, font la queue dans la rue.

    Le Maestro a une opinion plutôt négative sur ce psychothérapeute (femme peut-être).

    Les femmes qui s’interrogentt sur leur « genre » fearaient mieux de monter chez Brighelli, pense le Maestro. Un enkhulationnement leur remettrait vite les idées en palce.

  9. Rupture de toute relation avec Daddy…

    Un peu comme les premiers enfants du Maestro, des « connards », influencés par leur « conne » de mère.

  10. Dugong 28 mai 2025 à 12h03
    On avait un test imparable pour la brousse : faire couler du jus de citron sur les grandes lèvres. Si effervescence alors arrêtez les fraies.
    Eh bien ce test ne valait rien. Sans les toubibs du Val de Grâce, vous n’auriez plus de bite (et vous seriez peut-être aveugle).

  11. Mais qu’est-ce qu’il a ce matin ,Dugong ?

    Je lui ai déjà conseillé de planter des bégonias et de chier dessus.

    Mais il n’écoute rien.

  12. WTH 27 mai 2025 à 18h21

    On tentera peut-être l’expérience…
    ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

    …parfois la litanie des drogues que lui fournissent libéralement les psychiatres qui la traitent (et qui ainsi la maintiennent en état de sujet hoquetant — et payant) est vertigineuse. Allez-y voir, pour savoir à quoi vous avez échappé…

    « Allez-y voir » = lisez le livre;mais le contexte peut brouiller le message.

  13. Dugong 28 mai 2025 à 7h46
    IAL a la bile mauvaise. Laissons le dégorger…

    Et si vous commentiez le billet,plutôt …

  14. Dugong 28 mai 2025 à 12h25
    Qui parle ? C’est une fiction !

    Très bien, je ne savais pas.

    Pour Paul et Vanessa, d’abcmaths,c’est très clair:il s’agit d’un roman.

  15. (ce livre est un vrai traité des diverses manières de se cautériser le cerveau).
    ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

    Les soldats de napoléon n’étaient pas des tafioles. On cautérisait leurs plaies avce des sabres chauffés à blanc.

    Les choses ont beaucoup évolué.
    J’ignore si les appareils décrits ci-dessous permettent de cautériser un cerveau.

    Applications possibles de cautérisation
    En chirurgie, la cautérisation peut servir, par exemple, à brûler pour arrêter les saignements lors d’opérations pour cautériser les vaisseaux ou pour l’ablation ciblée d’excroissances, telles que des verrues ou des tumeurs. Cautériser doit cependant être évité si le tissu doit faire l’objet d’un diagnostic histopathologique après l’examen. L’utilisation d’un cautère peut entraîner la destruction des tissus au niveau des surfaces coupées, ce qui rend les constatations difficiles ou impossibles.

    Selon l’intensité et la durée du courant, l’électro-cautère va cautériser en coupant ou vaporisant le tissu touché par l’électrode.

    Il est possible de cautériser de petites incisions, de résections ou de dépressions ainsi que pour la libération d’hématomes douloureux sous l’ongle ou l’utilisation dans des opérations ophtalmologiques.

    Thermocautère à piles
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    Venez découvrir divers dispositifs d’électro-cautérisation pour la chirurgie à des prix avantageux chez Praxisdienst. Nous vous proposons, par exemple, le set de cautérisation à piles ou le set de cautérisation à piles de Faromed ainsi que des électrodes de rechange adaptées sous différentes formes. Vous trouverez d’autres instruments et aides pour les besoins de la chirurgie, tels que les appareils HF pour la chirurgie à haute fréquence, dans la catégorie du même nom ici à Praxisdienst.

    Applications possibles de cautérisation
    En chirurgie, la cautérisation peut servir, par exemple, à brûler pour arrêter les saignements lors d’opérations pour cautériser les vaisseaux ou pour l’ablation ciblée d’excroissances, telles que des verrues ou des tumeurs. Cautériser doit cependant être évité si le tissu doit faire l’objet d’un diagnostic histopathologique après l’examen. L’utilisation d’un cautère peut entraîner la destruction des tissus au niveau des surfaces coupées, ce qui rend les constatations difficiles ou impossibles.

    Selon l’intensité et la durée du courant, l’électro-cautère va cautériser en coupant ou vaporisant le tissu touché par l’électrode.

    Il est possible de cautériser de petites incisions, de résections ou de dépressions ainsi que pour la libération d’hématomes douloureux sous l’ongle ou l’utilisation dans des opérations ophtalmologiques.

    https://www.praxisdienst.fr/fr/Instrumentation/Materiel+bloc+operatoire/Cauterisation/

  16. « cautérisation » du cerveau…

    Bon, c’est une affaire entendue, les autorités l’ont dit et répété:des sels d’aluminium dans le cerveau des bébés, aucun danger. (et vous avez le droit de le croire hi hi).

    Mais des spicules vaccinales dans le cerveau ? Des cellules cérébrales ayant capté le message et se mettant à produire des spicules en quantité incontrolable ?

    Aïe, là on commence à se poser des questions. Sous le néo-nazi Biden, le FBI ,la CIA etc censuraient tout commentaire sur le sujet.

    Aujourd’hui, le couvercle a été retiré.

    https://www.youtube.com/watch?v=VY_zrJGgWJg

      • Ah oui, les lithinées, je me souviens…je ne me souviens pas de la boîte,mais je me souviens du goût. C’était pas à « haute dose ». Une fois j’en ai mis dans de l’eau gazeuse (Saint Yorre ?) et ça a fait une espèce de « précipité » solide au fond du verre.

        Vous pensez que ça allait dans le cerveau ? Ca m’étonnerait. (Les adjuvants vaccinaux en intra-musculaire passent dans le sang et donc peuvent passer dans le cerveau.)

  17. J’en connais une – qui a presque mon âge – partie de chez ses parents (?) en fin d’adolescence,
    brisée par les visites nocturnes régulières paternelles et l’apathie maternelle,
    et s’en est pourtant pas mal tirée…

    sauf qu’il arrive un moment où… et depuis quelques années, particulièrement,
    on perd son temps chez le(s) psy(s) ;
    elle tangue donc entre très mauvais moments – sous quiétapine, entre autres –

    et bons moments où c’est un plaisir de bavarder avec elle, car c’est aussi (!) une lectrice et amatrice de peinture (actuellement sur Caillebotte).

    Mais visiblement les mots… semblent insuffisants.
    « Tout, rien, quelqu’un » ne marche pas à tous les coups.
    Il y a « galère et galère ».
    La rédemption par les mots n’est sans doute pas accessible à tous…

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