A vouloir être moderne, ou pire, mainstream, on en devient ridicule. Voire davantage. La proposition de Luc Chatel de débuter l’enseignement de l’anglais dans les écoles dès l’âge de trois ans frise même la folie furieuse à tel point qu’on s’inquiète sérieusement de la santé mentale du ministre de l’Education Nationale.

Alain Bentolila n’a d’ailleurs pas tardé à dénoncer cette dinguerie. Le linguiste a ainsi rappelé au ministre qu’on ne construisait pas une seconde langue sur les ruines de sa langue maternelle. Ce qu’un enfant de cet âge là doit savoir, c’est que chaque chose a un nom, ce qui n’est même pas forcément évident pour lui. Alors, lui raconter trop tôt qu’elle peut en avoir deux…

Déjà à l’école primaire, on avait diminué les heures de Français au profit d’autres apprentissages qui auraient pu attendre, notamment une langue étrangère. Et on en paye suffisamment le prix. Des gosses qui ne savent pas lire ni écrire à l’entrée en sixième. Que cherche le ministre ? Qu’ils ne sachent pas parler français à l’entrée au cours préparatoire ? Il est possible que de rares enfants de cet âge, vivant depuis leur naissance dans un environnement particulier comme les familles bilingues, possèdent les facultés de vivre avec deux langues. Pour tous les autres marmots, ce n’est pas seulement imbécile : c’est criminel.

Mais ce n’est pas fini. Lorsque le journaliste qui l’interroge lui demande comment peut-on apprendre l’anglais à de si jeunes enfants sans embaucher des milliers d’enseignants ou d’assistants de langue supplémentaires, alors qu’on en est plutôt à la suppression de postes à la hache, Chatel répond qu’il a la solution : les nouvelles technologies ! Ben voyons. Le gosse qui parle à peine ses trois cents ou quatre cents mots français va construire son propre savoir anglophone avec Dieu l’ordinateur. Et Oui-Oui Chatel va débarquer avec sa petite voiture jaune pour admirer ces futurs polyglottes ?

Oui-Oui ? Ne serait-ce pas plutôt Dora l’exploratrice ? Cette dernière, personnage principal d’un dessin animé, tente chaque matin d’apprendre quelques mots d’anglais aux jeunes enfants qui sont déjà devant leur télévision. Lesquels, le plus souvent, s’en fichent royalement. Jules Ferry avait ses hussards noirs ; Chatel se prend pour Dora l’exploratrice. Les temps changent.

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20 commentaires

  3. Non seulement « l’idée » de Mr Chatel est complètement idiote, mais de surcroît, elle est complètement dépassée.

    Ce n’est pas l’anglais que les bambins de 3 ans doivent apprendre, mais le chinois !
    Armés des cette belle langue, ils pourront plus facilement se délocaliser là ou se trouve le travail.

    Ha ! l’Ordinateur à la place du professeur ! Rien de tel pour apprendre les rapports humains !
    Il a des enfants ce ministre ? Et dans quelles écoles sont-ils inscrits ?
    L’école privée peut-être… Enfin, privée de racaille, surement.
    Que nos politiques de droite ou de gauche mettent les mêmes moyens pour l’ensemble des enfants de ce pays, que les moyens qu’ils mettent pour leurs propres enfants et peut-être que les choses s’amélioreront.

    L’école de la République est efficace lorsqu’il y a un maître avec de l’autorité, des parents responsables qui soutiennent l’autorité du maître et que l’ensemble s’investisse pour une seule chose : La réussite de l’enfant. Après ça, l’anglais, l’ordinateur et autres billevesées d’un ministre, c’est juste à l’image de la politique actuelle.

  4. « Qu’ils ne savent pas parler français à l’entrée au cours préparatoire ? »

    Un subjonctif présent aurait été le bienvenu. A plus forte raison dans un billet défendant la langue française…

    A part ça, bravo!

    Je viens de corriger. Je vous remercie et je bats ma coulpe ! Amitiés. DD

  5. Très bon article. J’ai hâte de voir ce que seront les propositions de DLR lors de la convention sur l’éducation du 5 février.

  6. la seule chose que je me dis en lisant cet article c’est avoir fait ce choix ô combien pertinent de ne pas enfanter dans ce contexte actuel de « bébémania ». Quand je vois le monde que nous sommes en train de tricoter à ces bambins qui n’ont rien demandé, je préfère de loin laisser les miens là où ils sont !!!!

    Je suis bien curieuse de lire prochainement les propositions de DLR moi aussi.

    SW

  7. Il y a 20 ans, la directrice (bilingue) de l’école maternelle de mes enfants avait tenté une initiation à l’anglais à travers des chansons (I wish you a merry christmas…) pour les GS (grandes sections) et quelques mots de vocabulaire (les chiffres, les couleurs). Elle s’était fait taper sur les doigts par l’inspecteur et n’avait pu continuer cette expérience au delà de 3 ou 4 ans (le temps pour lui de s’en apercevoir) malgré l’aval des parents (qui ne rêvaient absolument pas de bilinguisme, je vous rassure !). Comme quoi, les moeurs changent…
    (ce qui n’empêche pas de se poser la question: qui donnera ces « cours » ? certes, les nouveaux PE sont priés désormais d’avoir un niveau avéré d’au moins une langue vivante, mais l’anglais n’est pas encore obligatoire et il reste encore plein d’enseignants qui n’ont pas cette habilitation !).
    Sinon, ça m’amuse toujours (enfin, façon de parler !) de voir que les fautes de grammaire et d’orthographe sont à peine sanctionnées dans les « productions d’écrits » en cours de français alors qu’elles sont farouchement combattues en « langue vivante ». On arrivera un jour à avoir des élèves qui écrivent mieux l’anglais que le français !

  9. @dentidoru

    Bonjour,

    Je vous remercie de votre suggestion de lecture. Toutefois, l’avis de Bentolila mais aussi ceux d’autres sources (professeurs, instituteurs, journalistes spécialistes de l’éducation) me suffisaient largement pour me faire un avis, et donc à contribuer à ce débat.

  10. Bonjour,
    Que n’a-t-il proposé apprendre à philosopher dans la langue de la perfide Albion?
    Faisant ainsi d’une pierre deux coups: deux cours inutiles en un avec un seul enseignant.

  11. Tiens c’est quoi ce coin ? Un cllub pas privé pour ceux qui lisent les lignes en bas du contrat ?

    Bon sinon je peux témoigner (et mon orthographe avec) que ce n’est pas forcément une super idée de vouloir très jeune vous plonger dans une autre langue, à 8 ans je me suis retrouvé à l’école anglaise, j’y suis resté trois ans et je suis retourné dans le cycle français un peu à l’envers par rapport aux français dont j’ignorais les bases grammaticales (et je n’y comprends toujours rien d’ailleurs)… alors à 3 ans… Cependant je reconnais une chose, en dépit du fait que je me suis rebellé contre l’idée d’être mis à l’English School of Paris en refusant de parler anglais ailleurs qu’en classe (j’y étais obligé) du coup je parle parfaitement l’anglais. Cependant conséquence débile de ça, une fois dans le cycle français, dès que je me mettais à parler anglais, le prof cessait totalement de s’intéresser à mon cas (9 fois sur dix mon accent était meilleur que celui du prof) du coup j’ai rien branlé, et j’ai eut 10 à l’oral du Bac, mais bon… Je crois juste qu’à 3 ans il serait intéressant de ne pas vouloir faire des gosses des supermen

  12. M. Chatel reproduit les errances du général Gamelin en décembre 1939 : plutôt que d’attaquer l’Allemagne, il a préféré monter des projets grandioses d’offensive contre l’URSS dans le Caucase et en Scandinavie pour aider la Finlande. Cela sans aucun effet. Mais il s’est agité et a alimenté le débat.
    M. Chatel est le Gamelin de l’éducation nationale : on agite le cocotier avec une proposition stupide plutôt que de s’attaquer aux vrais problèmes et de mener une politique qui permettrait aux élèves issus de tous les milieux d’accéder à leur optimum. Mais il vaut mieux suivre la directive européenne sur l’éducation et continuer de détruire (et non « déconstruire » !) notre système éducatif afin de permettre aux petits chéris, fifils et fifilles des castes dirigeantes, d’accéder aux commandes et au pot de confiture et, par conséquence, de faire de la masse de tous les autres, les serviteurs des premiers.
    Pourquoi ne peut-on pas réaliser une statistique toute simple avec les moyens informatiques modernes dont le ministre est si friand : que devient une cohorte de bacheliers à bac plus 2 et à bac plus 5 ? Voilà qui démontrerait l’effondrement du système !
    P.S. : Cher D.D. je ne reçois plus les avis de ton excellent blog sur mon émail (pardon e-mail ou courriel). Est-ce normal ?

  13. Scolariser un enfant à l’âge de 3 ans en maternelle c’est déjà de la folie furieuse sous le prétexte de le « socialiser » quand on voit les mauvais graines qu’ils fréquenteront, planquant des flingues dans leur couche culotte. J’exagère un peu quoique maintenant faut plus s’étonner de rien.

    Les mômes sont comme les fleurs
    des fleuristes dont bientôt nous réinveterons le parfum vendu en flacon, sans odeur, sans saveur, ou les élevages en batterie, faut que ça pousse vite, brûler les étapes pour quel futur, quel avenir ? « Choix » entre nomadisme ou sédentarisation-chômage ?

    Mais, d’où peux bien venir toute cette violence chez les jeunes, ces désespérés de 15 ans ? Des jeux vidéos ? Trop facile, trop simple! Ne serait ce pas plutôt le modèle de société qui génère autant de frustations dont le racket de l’apprentissage de sa propre langue maternelle converge vers une obsessionnelle idée de « modernité », empêcher un être de se construire à partir d’un socle solide, doncP sans repères, sans appartenance fixe, sans racines, donc perdu et malléable ?

    Supprimer des fonctionnaires en masse pour les remplacer par des fonctions organiques ?

    Je plains sincèrement ces générations et je plains Monsieur le Ministre pour sa vision caverneuse.

    A quand le salaire parental, comptabiliser pour la retraite,pour donner aux très jeunes enfants une éducation dans le cadre familial ?

    Les maternelles sont devenues des pouponnières d’Etat, bientôt sans Etat (mondialisation).

  14. Je déteste la pub d’Evian, les mômes en rollers, ils me foutent la trouille, des petits singes (savants?), sourires qui n’ont rien de pur !

  15. D’abord, bravo au Rouméliote qui rappelle avec justesse pourquoi nous n’avons pas fait la guerre à l’Allemagne entre septembre 1939 et mai 1940. Ceci, malheureusement, trop de français l’ignorent…
    Quant à Chatel, il est effectivement dépassé, comme le montre Ortog. Mais, je vais plus loin : ce n’est même pas le chinois que nos bambins doivent apprendre, mais l’hindi. En effet, soyons ambitieux et visionnaire. Dans trente ans, l’Inde aura peut être supplanté la Chine et sa population vieillissante. Dans ce cas, moyennant une politique d’envergure, nous aurions pris une longueur d’avance sur nos amis européens et américains.
    Comme il n’est pas question de congestionner les neurones de nos bambins, nous ne leur apprendrions le français qu’à partir du collège, avec interdiction évidente aux parents de le pratiquer à la maison..(les micros dissimulés dans les coins de chaque mason du futur ne sont pas faits pour les chiens).
    Ainsi, nous rentrerions dans le monde de demain avec une sacrée longueur d’avance et nous n’aurions plus besoin de traduire le menu chaque fois que nous voudrions diner au « Taj Mahal », restaurant sympathique, au demeurant.

  16. Pas d’accord ! Nos bambins doivent apprendre dès l’âge de neuf mois révolu le grec moderne, le nahuatl, le yoruba, le malais et l’hawaiien afin d’acquérir les bases d’un réel multiculturalisme mondial en apprenant une des langues parlées sur chacun des cinq continents (Heureusement que l’Antarctide est inhabitée !).

  17. @ Le Rouméliote

    « Antarctide », Antarctique, Atlantide. Erreur
    ou persuation ? L’Amiral Byrd y a fait une expédition. Vous croyez à un passage dimensionnel aux pôles ?

  18. Non, cher Gaïa, « Antarctide » est le nom du continent antarctique. « Antarctide » est le substantif correspondant à l’adjectif « antarctique ». Il n’y a pas d' »Arctide », car le Pôle Nord se trouve sur un océan, l’Océan Glacial Arctique, par contre le Pêl Sud se trouve sur un continent.
    Bien amicalement.

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