Le dimanche soir à partir de 19h50, sur Canal Plus Cinéma, Frédéric Beigbeder nous reçoit dans son Cercle pour parler de l’actualité cinématographique, comme le nom de la chaîne l’indique. Mais bien sûr, ricanera-t-on : Beigbeder parlant de cinéma, quoi de plus normal ? Le paraître parle du paraître…
Sortie de son contexte, cette phrase à la Voicipourrait me brouiller à vie avec le futur académicien – et pour rien, en plus ! Je ne crois pas que l’ami Beigbeder soit superficiel de naissance ; je le soupçonne d’avoir choisi la superficialité comme réponse à l’absurde – ce qui vaut bien, somme toute, le djihadisme et-ou le suicide.
Je ne tiens pas non plus le cinéma pour un simple artifice ni même pour un art mineur, mais bien pour le septième en date – bénéficiant à ce titre de l’héritage de tous les autres et capable, d’une certaine manière, de les accomplir. Un film réussi, c’est forcément une “réflection” métaphorique et belle de notre condition.
Mais revenons-en au fameux Cercle. Il se présente comme une table de jeu, autour de laquelle des critiques balancent leurs opinions sur les sorties en salles.
L’autre dimanche, c’est True Grit qui était sur la selle(tte). Peut-être pas le meilleur film des frères Coen, mais de la belle ouvrage, et fine, “revisitant” le western avec un sens du détail historique, de la vérité humaine et donc de l’humour qui en remontrerait à beaucoup de “papes” du cinéma classique.
Comme l’ont répété partout mais poliment les frères Coen en promo, non, leur film n’est pas un remake de 100 dollars pour un shérif (Henry Hathaway, 1969) mais une nouvelle adaptation du roman de Charles Portis (1968). On comprend ce souci de la précision : le film de Hathaway est un nanar, sympathique certes, mais quand même universellement oublié depuis quarante ans et non sans raison.
Il s’est pourtant trouvé ce dimanche soir-là, autour de la table de Beigbeder, quelques personnages assez snobs pour préférer l’“original” banal à la “copie” inspirée. Une majorité, même: seule Marie Sauvion, du Parisien, défendra convenablement leTrue Grit des Coen, subtil dans la légèreté du début comme dans l’émotion de la fin.
En face, le journaliste de Positif nous explique sérieusement comme quoi 100 dollars… serait une sorte de conte visionnaire, et son remake coenien une piètre machinerie.
Lui au moins, il a une excuse : là où il travaille, imagine-t-on, l’absence de posture doit relever de la faute professionnelle. Mais quid de sa consoeur de Match, qui vote aussi Hathaway ? Sans parler de l’ami Éric Neuhoff, du Figaro, qui dit n’avoir « rien vu des frères Coen là-dedans ». Il était derrière une dame à chapeau ou quoi ?
Moi, en tout cas, je n’ai rien dit de tout ça à Joël et à Ethan, vous pensez bien ! Déjà que c’est dur pour eux d’avoir eu zéro oscar…
Publié dans Valeurs Actuelles, le 10 mars 2011.